La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°23/01917

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 19 mars 2024, 23/01917


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 19 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/01917 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XSSL
Minute n° 24/ 74


DEMANDEUR

Madame [Z] [D]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 9]
assistée de sa curatrice Mme [X] [U]
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Christine SAINT GERMAIN PENY de la SELARL SAINT GERMAIN PENY, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Madame [V] [Y]
née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 8

]
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 19 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/01917 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XSSL
Minute n° 24/ 74

DEMANDEUR

Madame [Z] [D]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 6]
[Adresse 9]
assistée de sa curatrice Mme [X] [U]
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Christine SAINT GERMAIN PENY de la SELARL SAINT GERMAIN PENY, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Madame [V] [Y]
née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 30 Janvier 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 19 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Arcachon en date du 2 novembre 2021, Madame [V] [Y] a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Madame [Z] [D] par acte en date du 10 février 2023, dénoncée par acte du 14 février 2023 pour une somme de 14.297,67 euros.

Par acte de commissaire de justice en date du 3 mars 2023, Madame [D], assistée de sa curatrice Madame [U] [X], a fait assigner Madame [Y] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans ses dernières conclusions, Madame [D] sollicite que l’acte de signification de l’ordonnance du 2 novembre 2021 soit déclaré nul, que soit en conséquence annulés le procès-verbal de saisie-attribution et sa dénonciation, et que mainlevée en soit ordonnée. Elle sollicite également la condamnation de Madame [Y] aux dépens et à lui verser 5.000 euros de dommages et intérêts outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Madame [D] fait valoir que Madame [Y] a diligenté la saisie-attribution sur la base d’une décision obtenue par fraude en ce qu’elle n’a jamais été locataire de Madame [Y], cette ordonnance ayant été volontairement signifiée à une adresse où elle n’a jamais vécu. Elle considère que le titre exécutoire n’ayant pas été valablement signifié, les actes d’exécution forcée subséquents doivent être annulés. Elle soutient que la défenderesse s’est rendue coupable d’une procédure abusive.

A l’audience du 30 janvier 2024 et dans ses dernières écritures, Madame [Y] conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 2.000 euros de dommages et intérêts outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Madame [Y] conteste toute fraude et souligne que les actes ont valablement été signifiés à l’adresse dont elle disposait et où Madame [D] disposait d’une boite aux lettres mentionnant son nom. Elle conteste avoir eu connaissance d’une autre adresse et souligne la mauvaise foi de la demanderesse qui n’a jamais payé un seul loyer et se rend selon elle coupable d’une action abusive.

L’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Madame [D] conteste la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 3 mars 2023 alors que le procès-verbal de saisie date du 10 février 2023 avec une dénonciation effectuée le 14 février 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 14 mars 2023. Elle est intervenue dans les délais.

Madame [D] justifie par ailleurs du courrier recommandé en date du 3 mars 2023 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution.

La demanderesse doit donc être déclarée recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

- Sur la nullité de la signification de l’ordonnance du 2 novembre 2021

L’article 655 du code de procédure civile dispose que :

“Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.”

S’agissant du régime de nullité des actes d’huissier, l’article 649 du code de procédure civile dispose :
“La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.”

Enfin, l’article 114 du code de procédure civile dispose :
“Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.”

L’article 478 du code de procédure civile dispose que le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date.

Madame [D] verse aux débats un courrier daté du 17 octobre 2020 adressé par son conseil à celui de Madame [Y] quant à l’exercice d’une option pour l’acquisition du logement litigieux. Le conseil de Madame [D] indique très clairement que cette dernière conteste être locataire et habite « depuis presque 1 an dans un logement lui appartenant [Adresse 5] ». Madame [D] justifie par ailleurs de l’acte de propriété de cet immeuble.

Madame [Y] ne peut donc valablement indiquer qu’elle ignorait l’existence de ce courrier et partant l’adresse de Madame [D] qui, dès le mois d’octobre 2020, a contesté sa qualité de locataire, alors qu’elle ne conteste pas que l’avocat ayant réceptionné ce courrier était bien alors son conseil.

Dans ce contexte, le choix procédural d’une procédure non contradictoire pour obtenir la condamnation au paiement de la créance de loyers invoquée et obtenir la reprise des lieux peut à cet égard questionner.

La photographie en gros plan d’une boite aux lettres mentionnant le nom de Madame [D] dont rien n’établit qu’elle a été prise à l’adresse contestée, n’établit en rien la réalité de cette adresse.

Dès lors, la signification de l’ordonnance du 2 novembre 2021 intervenue à l’adresse du logement litigieux, donnée par Madame [Y] à l’huissier devant instrumenter ne peut être considérée comme valide. En effet, le commissaire de justice indique avoir signifié l’acte « à cette adresse qui est la dernière connue, déclarée par la partie requérante » alors que Madame [Y] n’a pas communiqué la dernière adresse connue de Madame [D]. Cette irrégularité cause nécessairement un grief à Madame [D] en ce qu’elle a altéré la possibilité de former opposition et a donné lieu à des actes d’exécution forcée.

En conséquence, il y a lieu de prononcer la nullité de la signification de l’ordonnance du tribunal de proximité d’Arcachon en date du 2 novembre 2021.

Cette ordonnance, susceptible d’opposition, n’ayant pas été valablement signifiée doit être déclarée non avenu.

En conséquence, il y a lieu d’ordonner la nullité des actes d’exécution forcée subséquents et donc du procès-verbal de saisie-attribution en date du 10 février 2023 ainsi que sa dénonciation intervenue par acte du 14 février 2023.

- Sur les procédures abusives

L’article 1240 du Code civil fait obligation à celui qui cause un dommage de le réparer, l’exercice abusif d’une action en justice pouvant être constitutif d’une faute.

En l’espèce, Madame [Y] est défenderesse, il ne peut donc lui être reproché une action en justice abusive. La demande de Madame [D] sur ce fondement sera donc rejetée.

Madame [D] a vu ses demandes prospérer, son action ne saurait donc être qualifiée d’abusive. La demande de Madame [Y] sera donc également rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Madame [Y], partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie -attribution intervenue par acte du 10 février 2023 sur les comptes bancaires de Madame [Z] [D] à la diligence de Madame [V] [Y] recevable ;

ANNULE l’acte de signification de l’ordonnance du tribunal de proximité d’Arcachon en date du 2 novembre 2021, dressé le 2 décembre 2021 ;
ANNULE le procès-verbal de saisie-attribution effectuée sur les comptes bancaires de Madame [Z] [D] à la diligence de Madame [V] [Y] en date du 10 février 2023 ainsi que sa dénonciation en date du 14 février 2023 ;
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution effectuée sur les comptes bancaires de Madame [Z] [D] à la diligence de Madame [V] [Y] en date du 10 février 2023 ;
DEBOUTE Madame [V] [Y] de toutes ses demandes ;
DEBOUTE Madame [Z] [D] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Madame [V] [Y] à payer à Madame [Z] [D] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile  ;
CONDAMNE Madame [V] [Y] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/01917
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;23.01917 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award