La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°22/04109

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 19 mars 2024, 22/04109


N° RG 22/04109 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVAF
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND



50C

N° RG 22/04109 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVAF

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[C] [Z],
[N] [Z]

C/


S.A.S. AUTOMOBILES PALAU







Grosses délivrées
le

à
Avocats : Me Dominique LAPLAGNE
Me Ahmad SERHAN



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 19 MARS 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et d

u délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré



DÉBATS

A l’audience publique du 16 Janvier 2024
...

N° RG 22/04109 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVAF
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

50C

N° RG 22/04109 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVAF

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[C] [Z],
[N] [Z]

C/

S.A.S. AUTOMOBILES PALAU

Grosses délivrées
le

à
Avocats : Me Dominique LAPLAGNE
Me Ahmad SERHAN

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré

DÉBATS

A l’audience publique du 16 Janvier 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEURS

Monsieur [C] [Z]
né le 01 Septembre 1959 à TALENCE (33)
de nationalité Française
95, route de Saucats
33610 CESTAS

représenté par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame [N] [Z]
née le 16 Octobre 1957 à GRADIGNAN (33)
de nationalité Française
95, route de Saucats
33610 CESTAS

représentée par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX
N° RG 22/04109 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVAF

DÉFENDERESSE

S.A.S. AUTOMOBILES PALAU
immatriculée au RCS de Bordeaux sous le N°B 428 787 816
486, route de Toulouse
33130 BEGLES

représentée par Me Ahmad SERHAN, avocat au barreau de BORDEAUX

*********
EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :

Le 22/01/2021 les époux [Z] (ci-après “le client”) ont passé commande ferme auprès de la SAS AOMOBILES PALAU (ci-après “le vendeur”) d’un véhicule neuf FORD modèle KUGA pour un prix, après remise commerciale, de 33.782,52 €.

Le paiement de ce prix de vente a été convenu au moyens d’un acompte versé le jour même d’un montant de 1.982,52€ ainsi que de la reprise toujours du même jour de l’ancien véhicule du client (également une “FORD Kuga”) pour une valeur de 19.800 € ; le solde devant être versé à la réception du véhicule dont la date de livraison “extrême” a été fixée au bon de commande au 30/05/2021, avec faculté contractuelle de résiliation du client après injonction faite au vendeur d’honorer sous délai raisonnable la livraison, ce conformément aux dispositions du code de la consommation.

Un échange de mail en date du 25/05/2021 a informé le client d’un retard de livraison avec un nouveau point à effectuer début juin.

Par LR/AR déposé le 19/10/2021, le client a notifié au vendeur la résolution du contrat au visa de l’article L.216-1 du Code de la consommation.

Par LR/AR réceptionnée en date du 23/11/2021, le client vendeur a accusé réception de deux chèques bancaires d’un montant de 1.982,52€ et de 19.800€ qui lui ont été envoyé par le vendeur en remboursement des fonds perçus, tout en exigeant communication du prix de revente du véhicule qui avait fait l’objet de la reprise et indemnisation de leur préjudice.

Procédure :
Par acte d’huissier signifié en date du 30/05/2022, M. [C] [Z] et Mme [N] [Z] ont assigné la SAS AUTOMOBILES PALAU à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins d’indemnisations de leurs préjudices.

Le défendeur a constitué avocat et a fait déposer des conclusions.

L'ordonnance de clôture est en date du 20/12/2023.

Les débats s’étant déroulés à l’audience du 16/01/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19/03/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le client :

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20/03/2023 et reprises à l'audience, le demandeur sollicite du Tribunal de :

VOIR CONSTATER l'absence de livraison du véhicule de marque de marque FORD KUGA 2.0 EcoiBlue 150 mHEV S&S BVM6 ST-Line à la date convenue et après mise en demeure ;
VOIR PRONONCER la responsabilité de la société AUTOMOBILES PALAU SAS au bénéfice de Monsieur et Madame [C] [P] au titre du manquement au délai impératif de livraison d'un véhicule de marque FORD, de type KUGA 2.0, acheté neuf le 22 janvier 2021 devant être livré impérativement le 30 mai suivant et n'ayant finalement jamais été proposé à la livraison, ce qui a conduit à la résolution du contrat au mois d'octobre suivant ;
VOIR CONDAMNER la société AUTOMOBILES PALAU à payer à Monsieur et Madame [C] [P] la somme de 10 694,99 € à titre de dommages & intérêts;
VOIR CONDAMNER la société AUTOMOBILES PALAU à payer à Monsieur et Madame [C] [P] la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens dont distraction au profit de Maître Dominique LAPLAGNE, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
VOIR DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le vendeur :

Dans ses dernières conclusions en date du 1/03/2023 le défendeur demande au tribunal de :

Voir constater que la livraison du véhicule par la société AUTOMOBILES PALAU aux époux [Z] n'a pas pu avoir lieu en raison d'un cas de force majeure.
Constater, en tout état de cause, l'absence de tout préjudice consécutif au retard de livraison.
Les débouter en conséquence de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Condamner les époux [Z] a payé à la société AUTOMOBILES PALAU la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exposé des moyens des parties sera évoqué par le Tribunal lors de sa motivation et pour le surplus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le tribunal rappelle à titre liminaire qu'il n'a pas à statuer sur les demandes de "donner acte" ou "constater" de "déclarer" ou de "juger" qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles demandes ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d'une prétention dans la partie "discussion" des conclusions.

Sur la responsabilité contractuelle

Le demandeur fait valoir que le non respect de la date de livraison constitue un manquement contractuel dans la mesure ou la force majeure invoquée par le vendeur ne pourrait pas être retenue car la crise des composants électroniques invoquée en justification du retard n’était pas imprévisible car liée à la crise sanitaire mondiale du Covid 19 intervenue en amont de la commande ; alors que le vendeur aurait par ailleurs du le tenir au courant au fur et à mesure de l’évolution du retard envisagé, ce qu’il n’aurait pas fait et alors que ayant confié son véhicule à la reprise dés la signature du bon de commande il aurait subit un préjudice tant en raison de l’immobilisation de l’acompte et de la valeur de la reprise opérée à un prix inférieur à l’Argus, qu’enfin d’une perte de jouissance du véhicule cédé, outre un préjudice moral.
En réplique au défendeur, le client fait valoir qu’il n’a procédé à la résiliation en octobre 2021 - et non pas dés le dépassement de la date de livraison convenue - qu’en raison de l’absence de réponses aux mails et courriers que lui et son assureur défense juridique auraient adressée au vendeur, restées sans réponse.

Le défendeur prétend qu’il ne saurait être tenu pour responsable contractuellement du non respect de la livraison du véhicule commandée par le client, le fabricant (FORD) ayant, comme tout le marché mondial de l’automobile, subi de plein fouet la crise aigue de fourniture des composants électroniques; alors qu’en outre il était loisible au client d’opter, dés la fin de mai 2021, pour la résiliation contractuelle, les conditions fixée au contrat étant d’ores et déjà remplies.

Réponse du Tribunal :

En droit, selon l’article 1104 du code civil :

“Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.”
Et selon l’article 1353 du même code. :
“Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”
Alors que selon l’article 1231-1 du même code :
“Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.”

En l’espèce, le Tribunal tient pour acquis que la crise sanitaire mondiale dite “Covid 19" entamée fin 2019, mais dont les effets économiques se sont poursuivis sur plusieurs années, a impacté - en cause première et quasi exclusive - la production mondiale des composants électroniques présent en nombre toujours plus croissant dans la conception des véhicules modernes, entraînant pour tout le marché mondial de l'automobile (ce y compris le fabricant FORD) : tant une perte de production, qu’un très important rallongement des délais de livraison, passant de quelques mois à plus d’une année ; tel qu’il résulte des pièces versées tant par le défendeur que le demandeur.

A ce titre, s’il est vrai que cette crise était déjà amorcée avant la commande en cause, en revanche, tant l’importance dans son amplitude, que sa durée n’était pas, pour un simple concessionnaire automobile, prévisible ; de sorte que l’exonération de responsabilité contractuelle doit être retenue au cas présent au titre d’un cas de force majeure, s’agissant du non respect par ce dernier de la date de livraison convenue.

En revanche les modalités de gestion des conséquences de cette impossibilité de respect du délai de livraison sur la commande effectuée par le client n’est pas exempte de fautes.

En effet, le vendeur prétend avoir tenu informé le client de l’évolution de la date de livraison prévisible, or, sauf un unique mail daté d’une semaine avant la date limite de livraison, il n’est justifié d’aucune autre information postérieure. Il convient donc de retenir qu’il a laissé son client dans l’expectative génératrice d’angoisse et de désagréments, en violation avec son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi laquelle impliquait un devoir de loyauté, en l’espèce en garantissant une totale transparence sur la gestion du délai de livraison ; il doit donc en rendre compte et indemniser son client.

- Sur les préjudices invoqués

Le tribunal retient qu’ayant admis la force majeure en ne retenant qu’une faute liée aux seules conditions de gestion des conséquences du non respect du délai de livraison, les préjudices de l'immobilisation de l'acompte et d'une perte de jouissance du véhicule cédé ne peuvent être retenue que pour le temps s’écoulant entre la date limite de livraison et la date de résiliation, soit sur une centaine de jours. Le vendeur sera condamné à lui verser la somme de 1.000 € à ce titre.

S’agissant du supposé préjudice lié à la perte de jouissance de la valeur de la reprise opérée, qui plus est à un prix inférieur à l'Argus ainsi que la perte de jouissance du véhicule repris, ces préjudices ne résultent pas des conséquences fautives sus-visées mais relèvent du seul choix effectué par le client de se séparer de son véhicule objet de la reprise, ce avant la livraison effective du véhicule commandé.

Sur le préjudice moral invoqué, le Tribunal retient que toute violation d'un droit essentiel, dont celui d'être informé par le vendeur des perspectives de livraison, cause à autrui un dommage d'ordre psychologique (moral) consistant en un trouble de jouissance du sentiment de sécurité juridique.

Pour autant, il appartient à celui qui l'invoque d'apporter tout élément susceptible de permettre à la juridiction d'en apprécier tant la nature exacte, que le quantum du préjudice qui en découle.
A défaut, de ces précisions, le préjudice sera fixé en tenant compte des seuls éléments connus ou présumés, soit à la somme de 500€ en raison de l’inquiétude générée par l’attitude passive du vendeur.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.

- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.
N° RG 22/04109 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVAF

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX,

- DIT que le non respect par le vendeur de la date de livraison du véhicule commandée par le client relève au cas présent d’un cas de force majeure ;

- CONSTATE que le vendeur a toutefois manqué à son obligation de loyauté qui découle du principe de bonne foi contractuelle, dans la gestion des suites du non respect du dit délai de livraison et engage sa responsabilité à ce titre ;

- CONDAMNE la SAS AUTOMOBILES PALAU à payer à M. [C] [Z] et Mme [N] [Z] la somme de 1.500 € au titre des préjudices subis ;

- CONDAMNE SAS AUTOMOBILES PALAU aux entiers dépens ;

- CONDAMNE SAS AUTOMOBILES PALAU à payer à M. [C] [Z] et Mme [N] [Z] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.

La présente décision est signée par monsieur Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président, et par madame Pascale BUSATO, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04109
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.04109 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award