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19/03/2024 | FRANCE | N°22/00635

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 19 mars 2024, 22/00635


N° RG 22/00635 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGNA
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







29A

N° RG 22/00635 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGNA

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[O] [J]

C/

Mutuelle L’ASSOCIATION GENERALE DES MEDECINS DE FRANCE, S.A. GROUPE PASTEUR MUTUALITE, [Z] [U] veuve [J]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats :
la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES
la SELAS GAUTHIER-DELMAS
la SARL MARIE TASTET




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PR

EMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
M...

N° RG 22/00635 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGNA
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

29A

N° RG 22/00635 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGNA

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[O] [J]

C/

Mutuelle L’ASSOCIATION GENERALE DES MEDECINS DE FRANCE, S.A. GROUPE PASTEUR MUTUALITE, [Z] [U] veuve [J]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats :
la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES
la SELAS GAUTHIER-DELMAS
la SARL MARIE TASTET

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge

Madame Ophélie CARDIN, greffier lors des débats et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier, lors du délibéré

DEBATS :

A l’audience publique du 06 Février 2024 sur rapport de Patricia COLOMBET, Vice-Présidente, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSE :

Madame [O] [J]
née le 01 Août 1974 à SURESNES (92150)
de nationalité Française
24 rue Ferdinand Jamin
Bât B - escalier 1
92340 BOURG LA REINE

représentée par Maître Julie L’HOSPITAL de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSES :

Mutuelle L’ASSOCIATION GENERALE DES MEDECINS DE FRANCE PREVOYANCE
1 boulevard Pasteur
75015 PARIS

N° RG 22/00635 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGNA

représentée par Maître Marie TASTET de la SARL MARIE TASTET, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, et par Me Hubert CARGILL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A. GROUPE PASTEUR MUTUALITE
1 boulevard Pasteur
CS 32563
75724 PARIS CEDEX

représentée par Maître Marie TASTET de la SARL MARIE TASTET, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, et par Me Hubert CARGILL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Madame [Z] [U] veuve [J]
née le 16 Avril 1945 à AMIENS (80000)
de nationalité Française
110 avenue Jean Jaurès
33520 BRUGES

représentée par Maître Laeticia CADY de la SELAS GAUTHIER-DELMAS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Le 22 décembre 1984 par M. [H] [J] qui exerçait la profession de médecin a souscrit auprès de l’Association Générale des Médecins de France (AGMF) faisant partie du GROUPE PASTEUR MUTUALITE et selon l’intitulé visé au contrat “une assurance groupe décès invalidité,” dont il a modifié à plusieurs reprises l’identité du bénéficiaire du capital en cas de décès.

M. [H] [J] s’est donné la mort le 26 août 2020.

Il a laissé pour lui succéder
-son épouse en seconde noce, [Z] [U] avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, usufruitière de tous les biens meubles et immeubles composant la succession de son époux en vertu d’une donation entre époux consentie le 27 juin 2002,
-sa fille, [O] [J] issue d’une première union.

Le capital de l’assurance décès souscrite le 22 décembre 1984 soit 228.000 € a été intégralement versé à Mme [Z] [U] veuve [J] désignée seule bénéficiaire de ce capital en vertu de la modification de la clause bénéficiaire intervenue le 10 août 2020.

Contestant la modification de la clause bénéficiaire de l’assurance décès intervenue le 10 août 2020 qui la prive de la moitié du capital décès de son père tel que prévu dans la clause bénéficiaire précédente, Mme [O] [J] a par actes séparés en date des 19 et 21 janvier 2022 assigné Mme [Z] [U] veuve [J] et la SA GROUPE PASTEUR MUTUALITE devant la présente juridiction.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/635.

Puis par acte en date du 30 mai 2022, Mme [O] [J] a appelé en la cause en intervention forcée l’Association Générale des Médecins de France (AGMF PREVOYANCE).

Cette deuxième procédure enregistrée sous le numéro RG 22/3958 a été jointe à la procédure 22/635 lors de l’audience du 27 juin 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 31 octobre 2023 et auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens, Mme [O] [J] demande au tribunal au visa des articles 414-1, 1129, 894, 778 et 1240 du code civil, L 132-8 , L132-13 et L 522-3 du code des assurances, L223-10 et L522-3 du code de la Mutualité de :

à titre principal

-prononcer la nullité de la clause de changement de bénéficiaire du contrat intervenu le 10 août 2020 au profit de Mme [Z] [J], compte tenu de l’insanité d’esprit manifeste de [H] [J] lors de la modification de la clause,
-prononcer la nullité de la clause de changement de bénéficiaire du contrat intervenu le 10 août 2020 au profit de Mme [Z] [J], compte tenu de l’absence de preuve du caractère certain, libre et éclairé du consentement de [H] [J],
-dire et juger que la clause bénéficiaire initiale doit retrouver ses pleins effets,
-condamner en conséquence Mme [Z] [J] à lui payer la moitié du capital qu’elle a perçu soit la somme de 228.000 euros, outre les intérêts de retard au taux légal à compter du décès de [H] [J] soit le 26 août 2020,

à titre subsidiaire

-dire et juger que le changement de clause bénéficiaire intervenu le 10 août 2020 doit revêtir la qualification de donation indirecte au profit de Mme [Z] [J], en l’absence d’aléa manifestant l’intention irrévocable pour [H] [J], de se dépouiller au profit de son épouse,
- ordonner le rapport de l’intégralité du capital de l’assurance à l’actif successoral compte tenu de cette qualification de donation indirecte,
-dire et juger que Mme [Z] [J] s’est rendue coupable de recel successoral,
-dire et juger que Mme [Z] [J] n’aura aucun droit sur le capital du contrat,

à titre infiniment subsidiaire

-dire et juger que les primes versées par [H] [J] sur le contrat d’assurance vie sont manifestement exagérées,
-ordonner en conséquence la réintégration du capital du contrat dans l’actif successoral,

en tout état de cause

-condamner Mme [Z] [J] à lui payer la somme de 40.000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son comportement,
-condamner solidairement le GROUPE PASTEUR MUTUALITE et l’AGMF au paiement de toutes sommes qui seront allouées à Mme [O] [J] dans le cadre de la présente instance, compte tenu de leur négligence fautive ayant contribué à la situation rencontrée par la requérante,
-condamner solidairement Mme [Z] [J], le GROUPE PASTEUR MUTUALITE et l’AGMF à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 3 juillet 2023 auxquelles il convient également de renvoyer pour l’exposé de l’argumentaire, Mme [Z] [U] veuve [J] entend voir quant à elle sur le fondement des articles 414-1, 894, 778 et 921 et suivants du code civil, L 132-12 et L132-13 du code des assurances, L223-13 et L223-14 du code de la Mutualité :

-débouter Mme [O] [J] de toutes ses demandes,
-condamner Mme [O] [J] à lui payer la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner Mme [O] [J] aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions notifiées par RPVA le 20 décembre 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens, l’AGMF PREVOYANCE demande au tribunal au visa des articles 1101 et suivants du code civil et L 223-10 et suivants du code de la Mutualité de :

-débouter Mme [O] [J] de ses demandes,
-la condamner en tous dépens conformément aux termes de l’article 699 du code de procédure civile,
-la condamner à lui payer la somme de 4500 euros conformément aux termes de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions au fond notifiées par RPVA le 22 avril 2022 auxquelles il sera renvoyé pour l’exposé de l’argumentaire, la SA GROUPE PASTEUR MUTUALITE entend sur le fondement des articles 112 et 122 et suivants du code de procédure civile :

-opposer une fin de non recevoir aux demandes formées par Mme [O] [J] à son encontre et être mise hors de cause,
-voir condamner Mme [O] [J] aux dépens, et à payer à “l’AGMF” la somme de 1500 euros conformément aux termes de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été établie le 22 janvier 2024.

Lors de l’audience, les parties ont été invités à répondre s’il elles le souhaitaient par une note en délibéré sous 8 jours, sur le moyen soulevé d’office de l’irrecevabilité devant la présente juridiction de la fin de non recevoir soulevée par la SA GROUPE PASTEUR MUTUALITE.

MOTIVATION

1-SUR L’IRRECEVABILITÉ DES DEMANDES FORMÉES A L’ENCONTRE DE LA SA GROUPE PASTEUR MUTUALITÉ

La SA GROUPE PASTEUR MUTUALITE entend voir déclarer irrecevables les demandes formées à son encontre sur le fondement tant de l’article 122 du code de procédure civile pour défaut de qualité à défendre, le contrat litigieux ayant été souscrit auprès l’AGMF, que de l’article112 du même code relatif à la nullité de forme des actes de procédure.

Il convient de rappeler à titre liminaire que l’article 112 du code de procédure civile invoqué ne constitue pas une fin de non recevoir mais une exception de procédure.

Au surplus ainsi que mis dans le débat lors de l’audience, les parties ayant été invitées à faire valoir leurs observations, les fins de non recevoir de l’article 122 du code de procédure civile tout comme l’exception de procédure visée à l’article 112 du même code relèvent de la compétence exclusive du juge de la mise en état et les parties qui n’en ont pas saisi ce magistrat par voie d’incident, ne sont plus recevables à les soulever devant la juridiction du fond ainsi que rappelé au 1° et 6 ° de l’article 789 1° du code de procédure civile applicable aux instances introduites, comme en l’espèce, après le 1er janvier 2020.

La SA GROUPE PASTEUR MUTUALITE n’est donc plus recevable à soulever devant la présente juridiction l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre sur le fondements qu’elle invoque.

2-SUR LA DEMANDE D’ANNULATION DE LA CLAUSE DE CHANGEMENT DU BENÉFICIAIRE DU CONTRAT, INTERVENU LE 10 AOÛT 2020.

A titre principal, Mme [O] [J] entend voir prononcer la nullité de la clause de changement de bénéficiaire du contrat intervenu le 10 août 2020 d’abord pour insanité d’esprit manifeste de [H] [J] sur le fondement des articles 414-1 et 1129 du code civil et ensuite pour absence de preuve du caractère certain, libre et éclairé du consentement de [H] [J] au visa des articles L132-8 du code des assurances, L 223-10 du code la Mutualité.

a- l’ insanité d’esprit

La requérante fait valoir que le changement de bénéficiaire incriminé a été réalisé quelques jours avant le suicide de son père (16 jours). Elle fait valoir que celui-ci souffrait de dépression, qu’il avait déjà fait une tentative de suicide au mois de mai 2020 de sorte que son état de santé physique et psychologique était incontestablement altéré lors du changement de la clause bénéficiaire du contrat souscrit en décembre 1984 et qu’il incombe à Mme [Z] [J] de prouver que le changement de clause incriminé a été réalisé durant un intervalle de lucidité ce dont elle ne justifie pas. [O] [J] souligne l’absence de cohérence du changement opéré eu égard aux bonnes relations père-fille et de la dégradations des relations avec son épouse ce qui confirme son insanité d’esprit. En conséquence de la nullité de ce changement elle demande l’application de la clause bénéficiaire antérieure la désignant bénéficiaire de 50 % du capital et sollicite en conséquence la condamnation de [Z] [J] à lui reverser la moitié des sommes perçues au titre dudit contrat.

Mme [Z] [J] considère que la requérante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’insanité d’esprit ou trouble mental de [H] [J] à la date de demande de changement de la clause bénéficiaire incriminé. Elle fait valoir que l’état dépressif n’a pas nécessairement de répercussions sur les facultés de discernement et que [H] [J] qui exerçait encore ses fonctions 1 mois avant son décès et qui ne souffrait pas d’un état dépressif continue disposait de toutes ses facultés intellectuelles le 10 août 2020 et a sciemment voulu protéger son épouse à une époque où ses relations avec sa filles étaient rares. Elle ajoute qu’il est erroné de soutenir qu’un suicide intervenu peu de temps après le changement de la clause bénéficiaire fait présumer une insanité d’esprit de son auteur.

L’article 414-1 du code civil dispose que pour faire un acte valable il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

L’article 1129 du même ajoutant que conformément à l’article 414-1 , il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat.

Il incombe à celui qui sollicite la nullité d’un acte pour insanité d’esprit de son auteur de rapporter la preuve, par tous moyens, qu’à la date de cet acte, son auteur souffrait d’une altération des facultés mentales laquelle comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence de l’auteur de l’acte aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée.

L’insanité d’esprit peut ainsi résulter d’une affection d’une gravité suffisante pour altérer les facultés de l’auteur de l’acte au point de le priver de la capacité de discerner le sens et la portée de l’acte qu’il établit.

La maladie ne prive pas, par principe, celui qui en est atteint de la faculté de faire un acte, tant qu’il demeure sain d’esprit. Si l’auteur de l’acte était dans un état d'altération déjà constaté de ses facultés intellectuelles, il appartient en revanche à celui qui se prévaut dudit acte de prouver que celui-ci a été établi dans un moment de lucidité.

Il résulte des pièces versées au débat par la requérante (ordonnances, courriers de [H] [J] et attestations de son entourage qui ne sont pas médecins), que celui-ci a pu dire à ses amis qu’il était bipolaire, qu’il s’est autoprescrit tous les mois du 11 juillet 2019 au 3 octobre 2019, puis du 5 février 2020 au 5 juin 2020 du LAROXYL 25 mg considéré comme un antidépresseur, que depuis qu’il était sur Bordeaux (date non précisée) il avait envoyé des messages faisant état de projets considérés par les attestants comme inquiétants (candidature à la présidence de la République, édition d’un livre, réalisation d’un film), que le 8 juillet 2020 dans un courrier à l’EHPAD Maison de Gouts il écrivait qu’il avait un “équilibre psychique instable” et que ses “troubles dépressifs accompagnés d’idées suicidaires quotidiennes, ne lui permettaient plus d’exercer correctement le métier de médecin généraliste”, que le 25 août 2020 son projet de mettre fin à ses jours était arrêté et imminent puisqu’il avait écrit ses volontés pour ses obsèques en donnant les coordonnées de ses proches et dans un courrier non daté avait confié à un dénommé [B], qui serait son frère, ses identifiants et mots de passe pour terminer sa comptabilité professionnelle remerciant pas avance les destinataires de ce courrier d’aider [Z] si elle le demandait. Il n’est par ailleurs pas contesté que courant mai 2020 [H] [J] avait fait une tentative de suicide.

Contrairement à ce que soutient la requérante, la tentative de suicide comme le suicide ne sont pas révélateurs d’un esprit insensé et n’induisent pas en eux-mêmes une altération des facultés mentales. Il s’ensuit que la tentative de suicide de M. [H] [J] en mai 2020 au surplus deux mois avant le changement de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance décès, comme son suicide le 26 août 2020, 16 jours après le changement de la clause bénéficiaire, sont des événements inopérants en eux-mêmes à établir, comme à faire présumer son insanité d’esprit le 10 août 2020.

Par ailleurs, s’il résulte des pièces communiquées par la requérante que M. [J] présentait un état dépressif de longue date et ce par périodes (vu la date de prise ponctuelle du traitement) il est constant que l’état dépressif n’est pas une perte des facultés mentales, ni ne porte atteinte au discernement de celui qui en souffre. Au demeurant il n’est nullement démontré qu’à la date de modification de la clause bénéficiaire de l’assurance décès soit le 10 août 2020 M. [J] se trouvait dans une période dépressive et présentait un état délirant ; les attestations versées au débat par la requérante ne permettant pas de dater les propos considérés comme inquiétants par eux. M. [H] [J] précisant lui-même dans un courrier adressé à son frère [B] et produit par [Z] [J] que depuis plusieurs années il a périodiquement (tous les 2 ou 3 ans peut-être) des épisodes que les psychiatres pourraient qualifier d’hypomaniaques sans avoir véritablement de périodes dépressives et au cours desquelles il rêve de grandeur, de création d’entreprise et le tout se terminant brutalement, en quelques heures après qu’il se rende compte de son délire et abandonne. Or il n’est en rien établi par Mme [O] [J] que son père se trouvait dans une période d’épisodes hypomaniaques le 10 juillet 2020.

Enfin le fait que M. [J] ait voulu le versement du capital décès à sa seule épouse, malgré sa bonne entente avec sa fille n’induit pas une altération de ses facultés mentales et n’est pas incohérent avec son souhait de protéger son épouse exprimé dans les courriers adressés à son frère [B].

Mme [O] [J] ne rapportant pas la preuve qui lui incombe que le 10 août 2020 lors de sa demande de changement de la clause bénéficiaire de son contrat d’assurance vie, [H] [J] présentait une altération de ses facultés mentales par l'effet desquelles son intelligence aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée, sa demande de nullité de ladite clause ne saurait prospérer sur le fondement de l’insanité d’esprit.

b- l’absence de preuve du caractère certain, libre et éclairé du consentement

[O] [J] fait valoir que la modification de la clause bénéficiaire prévue aux articles L 132-8 du code des assurances et L 223-10 du code de la Mutualité est intervenue dans des circonstances douteuses posant question sur la volonté certaine et non équivoque de l’assuré. La requérante relève ainsi que contrairement aux précédentes demandes de modification de la clause bénéficiaire, celle intervenue le 10 août 2020 l’a été sur un papier libre sans entête entièrement dactylographié en dehors de la signature, qui est différente de celles figurant sur les précédentes demandes ce qui n’a donné lieu à aucune vérification de la part de l’assureur alors même que la question de l’authenticité et de l’auteur réel du document se pose compte tenu également du contexte dans lequel le document a été écrit, de l’état psychologique de [H] [J] et de sa mésentente avec son épouse.

Mme [Z] [J] réplique que le changement de clause bénéficiaire n’est soumis à aucun formalisme et peut être parfaitement dactylographié, que le courrier du 10 août 2020 est bien revêtu de sa signature qui est identique à celle portée sur d’autres documents établis par [H] [J] sur la même période, et que la volonté du défunt de désigner son épouse seule bénéficiaire du contrat et non équivoque et conforme à sa volonté de protéger son épouse ainsi qu’établi par les différentes démarches et courriers antérieurs.

L’AGMF rappelle que le contrat litigieux est une assurance dé décès invalidité régi par le code de la Mutualité et non le code des assurances. Elle soutient que la demande de changement de la clause bénéficiaire de la garantie décès du 10 août 2020 a été faite par [H] [J], comme d’ailleurs les précédents changement, conformément aux dispositions de l’article 23 de la notice d’information Protection Décès. Elle ajoute que la désignation du conjoint comme bénéficiaire en cas de décès de l’assurance décès est habituelle, qu’il n’incombait nullement à l’AGMF de faire une enquête sur les circonstances du changement de clause, ni de s’assurer de l’authenticité de la désignation du bénéficiaire, ni d’attirer l’attention de [H] [J] sur les conséquences du changement de bénéficiaire. Elle ajoute que la signature figurant sur la demande de modification de la clause bénéficiaire est bien celle de [H] [J] à cette période.

Il résulte des pièces versées au débat par l’AGMF union de sociétés mutualistes des médecins, que le contrat du 22 décembre 1984 porte adhésion de [H] [J] en sa qualité de médecin à une garantie de groupe décès-invalidité régime général, garantissant le versement en cas de décès, aux bénéficiaires désignés par lui d’un capital de base de 300.000 francs, moyennant le paiement d’une cotisation annuelle fixe, mais indexable et modifiable dans les cas prévus au contrat et pouvant être fractionnée. Le montant du capital garanti ayant visiblement été augmenté par la suite à 230.734 euros ainsi qu’établi par le certificat d’adhésion du 24 août 2020.

Il est rappelé aux clauses du contrat que celui-ci est régi par les dispositions du code de la Mutualité.

L’article L. 223-10 du code de la Mutualité dispose que :
Le capital ou la rente garantie sont payables lors du décès du membre participant à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.
Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de la garantie est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis.
Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes:
— les enfants nés ou à naître de l'adhérent ou de toute autre personne désignée;
— les héritiers ou ayants droit du membre participant ou d'un bénéficiaire décédé.
L'assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l'exigibilité.
Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.
En l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans le bulletin d'adhésion ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le cotisant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord du membre participant, lorsque celui-ci n'est pas le cotisant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par la modification du bulletin d'adhésion, soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil,soit par voie testamentaire.
«Lorsque la mutuelle ou l'union est informée du décès du membre participant, elle est tenue de rechercher le bénéficiaire et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la stipulation effectuée à son profit.»

Par ailleurs il est expressément stipulé à l’article 23 des dispositions générales relative aux garanties en cas de décès et d’invalidité permanente et absolue que :

Le(s) bénéficiaire(s) du capital lors du décès de l’assuré sont la où les personnes ayant fait l’objet d’une désignation écrite et formelle auprès de l’organisme assureur précisant, si besoin, les coordonnées du (des) bénéficiaire(s), l’ordre de priorité de versement ou la répartition du capital. La désignation du ou des bénéficiaire(s) peut être effectué notamment par acte sous-seing-privé ou acte authentique.
Si la désignation du (des) bénéficiaire(s) en cas de décès n’est pas faite sur le bulletin d’adhésion mais dans un acte séparé (acte sous-seing-privé ou acte authentique), il appartient à l’adhérent de le signaler par courrier recommandé avec accusé de réception à l’organisme assureur de façon à ce que celui-ci puisse d’une part, savoir qu’une désignation de bénéficiaire(s) a été faite, et d’autre part identifier le(s) bénéficiaire(s) en cas de décès de l’assuré.
Toute désignation de bénéficiaire(s) par un acte distinct du bulletin d’adhésion n’est
valablement opposable à l’organisme assureur que pour autant qu’il ait normalement accusé réception du courrier de l’adhérent l’informant de cette modalité de désignation de bénéficiaire(s) en cas de décès.

Par courrier dactylographié daté du 10 août 2020 adressé en recommandé avec accusé de réception à l’AGMF, rappelant son numéro d’adhérent, la nature du contrat (CONTRAT PROTECTION DECES) et l’objet, (DESIGNATION BENFICIAIRE) l’expéditeur identifié comme étant M. [J] précisant son adresse, téléphone et mail, écrit :
“Madame, Monsieur,
Je vous prie de noter que le bénéficiaire de ce contrat sera mon épouse [Z] (née [U] le 16-04-1945 à Amiens) pour la totalité du capital.
Ceci remplace les dispositions précédentes qui prévoyaient 50 % pour [Z] et 50 % pour [O] (ma fille).
Avec mes sincères salutations.” suivi de la signature.

Cette demande de modification de la clause bénéficiaire est faite dans les formes prévues à l’article 23 du contrat, elle comporte toutes les mentions imposées par ce même article ainsi qu’à l’article L 233-10 du code de la Mutualité et l’AGMF en a bien accusé réception.

La demande telle qu’elle est rédigée est très claire est dépourvue de toute équivoque quant à la volonté de l’expéditeur.

Il n’est justifié d’aucune disposition légale comme conventionnelle imposant une rédaction manuscrite de la demande de modification de la clause bénéficiaire et le seul fait que les précédentes demandes de changement de bénéficiaires aient été écrites de la main de [H] [J] ne saurait à elle seule rendre douteuse l’authenticité de la demande.

Par ailleurs s’il n’est pas discuté que la signature figurant sur le courrier du 10 août 2020, est différente de celle de M. [J] en 1984 et 1992, ainsi que cela résulte des pièces de comparaison versées au débat, il n’est pas plus remis en cause le fait que sa signature a évolué avec le temps. Or, il résulte des documents contemporains au courrier litigieux, et communiqués par [Z] [J] qu’en 2019 -2020, la signature de M. [J] correspondait à celle figurant sur le courrier du 10 août 2020, de sorte qu’il ne saurait être remis en cause qu’il est bien le signataire de la demande de changement de bénéficiaire.

Comme dit plus haut, il n’est nullement établi qu’à la date de cet écrit [H] [J] souffrait d’une altération de ses facultés mentales.

Il n’est pas plus démontré la mésentente alléguée avec son épouse à la date de cet écrit ni qu’il aurait modifié la clause bénéficiaire sous la contrainte. Ainsi que déjà rappelé, la clause est plutôt conforme à sa volonté de protéger son épouse, qu’il a pu exprimer à plusieur reprises dans ses courriers à son épouse et à son frère avant son décès. (pièces 12 et 16 de [Z] [J]) (pièce 12 de la requérante).

Il n’est donc justifié d’aucun élément objectif permettant de mettre en doute l’authenticité et la volonté libre et éclairée de [H] [J] de consentir à la modification du bénéficiaire de la garantie décès le 10 août 2020, de sorte que l’AGMF, ne pouvait que prendre en compte la modification régulièrement formalisée, qui ne saurait en conséquence être annulée.

3-SUR LA REQUALIFICATION DE LA CLAUSE DE CHANGEMENT DE BÉNÉFICIAIRE EN DONATION INDIRECTE

Mme [O] [J] fait valoir que le changement de la clause bénéficiaire a été réalisé à une date où son père était déjà animé par la volonté de mettre fin à ses jours et qu’il a entendu ainsi avantager son épouse ce qui caractérise son intention libérale et sa volonté de se dépouiller de manière irrévocable. L’absence d’aléa étant d’autant plus établi par le suicide qui a suivi. Elle considère donc que le changement de clause bénéficiaire doit être requalifié en donation indirecte rapportable en application des articles 893 et 894 du code civil et de la jurisprudence relative aux assurances vie qu’elle considère parfaitement applicable aux contrats d’assurance décès dont le capital n’entre pas dans la succession. Dans son argumentaire elle sollicite l’annulation de cette donation, prétention non reprise au dispositif de ses conclusions. Elle ajoute que si la donation n’est pas annulée, la dissimulation par [Z] [J] du contrat d’assurance à la succession constitue au sens de l’article 778 du code civil un recel successoral justifiant la réintégration de la somme perçue soit 228.000 euros à la succession et le retrait de tous droits de Mme [Z] [J] sur cette somme.

Mme [Z] [J] conclut au rejet de cette requalification considérant non transposable au contrat d’assurance décès souscrit la jurisprudence applicable à l’assurance vie, ces deux assurances répondant à des régimes différents. Elle fait valoir que le contrat souscrit en 1984 par M. [J] est un acte de prévoyance et non de libéralité et que les primes payées ne constituent pas un capital d’épargne, s’agissant d’un capital viager souscrit à fonds perdus, et ne procède donc pas d’une intention libérale de sorte qu’en modifiant la clause bénéficiaire le défunt n’a pas entendu se dépouiller des fonds présents sur le contrat, ce qui est exclusif de toute donation. Elle rappelle par ailleurs que le capital d’un contrat d’assurance décès n’est pas un actif successoral et n’est donc pas rapportable ainsi que cela résulte des articles L 223-13 et L 223-14 du code de la Mutualité, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché des faits de recel successoral pour non déclaration de l’assurance décès, qu’elle conteste avoir dissimulé compte tenu de l’absence de dépôt d’une déclaration de succession

L’AGMF indique également que la garantie décès n’a pas pour objet la constitution d’une épargne pour le souscripteur s’agissant d’une garantie à fonds perdus si l’adhérent cesse de payer ses cotisations et non susceptibles de rachat . Elle ajoute qu’elle ne propose aucune assurance vie.

L’article 894 du code civil dispose que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte.

Un contrat d'assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent, en l’absence d’aléa, la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.

L’assurance vie, variété d’assurance de personne, est un contrat par lequel en contrepartie du versement de primes ou de cotisations, l’assureur s’engage à couvrir le risque de décès ou de survie en versant une rente ou capital à la personne désigné son bénéficiaire.

Elle désigne donc deux types d’opérations, les assurances en cas de vie comme les assurances en cas de décès et peuvent avoir pour une finalité de capitalisation comme de prévoyance.

La garantie décès souscrite le 22 décembre 1984 par [H] [J] auprès de l’AGMF, même soumise aux dispositions du code de la Mutualité, est donc assimilable à un contrat d’assurance vie en ce que qu’elle garantit le versement d’un capital au bénéficiaire désigné en cas de décès du souscripteur et contre paiement de cotisations.

En revanche, elle a manifestement pour finalité une opération de prévoyance et non d’épargne ainsi que cela ressort des clauses du contrat qui précisent bien que la garantie décès souscrite a pour objet de compenser partiellement la perte de revenus occasionnées par le décès de l’assuré et de permettre au bénéficiaire de faire face aux premières conséquences de la disparition. Ces mêmes clauses ne prévoyant aucun rachat possible des sommes versées par le souscripteur ni qu’elles puissent lui rapporter des intérêts. Les cotisations ont donc été versées par [H] [J] à fonds perdus et le seul droit de celui-ci était limité au changement de bénéficiaire.

M. [H] [J] n’ayant plus la disposition des fonds versé sur le contrat d’assurance décès souscrit le 22 décembre 1984, le changement de clause bénéficiaire intervenu le 10 août 2020, au surplus modifiable jusqu’à son décès survenu 16 jours après, ne constitue pas un acte de dépouillement irrévocable pouvant être qualifié de donation indirecte.

Le capital versé à Mme [Z] [J] en vertu de la garantie décès souscrite le 22 décembre 1984 étant un droit propre de celle-ci, n’entre pas dans la succession de [H] [J] et n’est pas rapportable.

S’agissant de ce capital décès, il ne saurait être reproché à Mme [Z] [J] d’avoir tenté de rompre l’égalité du partage en dissimulant un élément d’actif de la succession alors, d’une part, que le capital décès perçu en vertu de l’assurance décès ne constitue pas un actif de la succession de [H] [J], et que d’autre part, elle bénéficie de l’usufruit sur toute la succession de son époux en vertu de la donation entre époux du 27 juin 2002, ce qui exclut tout partage dès lors qu’il n’existe aucune indivision entre un usufruitier et un nu propriétaire.

Aucun recel successoral tel que définit à l’article 778 du code civil ne peut donc être reproché à Mme [Z] [J].

4-SUR LA RÉINTÉGRATION DU CAPITAL A L’ACTIF SUCCESSORAL

Au visa des articles L 132-13 du code des assurances, L 223-14 du code de la mutualité et de la jurisprudence applicable aux assurances vie, Mme [O] [J] invoque le caractère exagéré des primes versées sur le contrat d’assurance souscrit en décembre 1984 par son père eu égard à sa situation financière. Elle indique qu’hormis le capital de l’assurance décès, le patrimoine successoral se limite à un bien immobilier atteint de malfaçons non garanties et sans valeur et que de l’aveu même de son père dans un courrier à son frère sa situation financière était obérée tandis que les avis d’imposition, seuls justificatifs de la situation financière de son père qu’elle a pu obtenir, révèlent une baisse de ses revenus

Mme [Z] [J] expose à titre liminaire que le sommes versées dans le cadre d’un contrat d’assurance décès sont des cotisations annuelles constantes et non des primes et qu’en toute hypothèse Mme [O] [J] ne rapporte pas la preuve des éléments nécessaires pour apprécier le caractère excessif des cotisations incriminées au jour de leur versement eu égard aux facultés du souscripteur.

L’AGMF rappelle qu’en sa qualité de mutuelle elle ne propose la souscription que garanties décès à fonds perdus si l’adhérent cesse de payer les cotisations dues au titre de cette garantie. Au demeurant, elle souligne que le docteur [J] continuait à exercer son métier de médecin généraliste à la date de son décès, qu’il percevait donc des revenus le mettant en mesure de payer les primes qui n’étaient pas exagérées au regard de ses revenus.

L’article L. 223-14 du code de la mutualité, applicable au contrat du 22 décembre 1984 dispose que le capital ou la rente payables au décès du membre participant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du cotisant.
Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par l'adhérent à titre de cotisations, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

En application de ce textes, si l’assurance décès est par principe exclue de la succession, les cotisations versées par le souscripteur sont cependant rapportables dans l’hypothèse où elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur, un tel caractère devant s’apprécier au moment du versement, au regard de l’âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, ainsi que de l’utilité du contrat pour celui-ci.

Mme [O] [J] ne peut donc en aucun cas obtenir la réintégration du capital décès versé à l’actif de la succession ainsi qu’elle le demande seules les cotisations excessives pouvant être rapportées.

Au demeurant, l’analyse de [O] [J], qui tente d’établir le caractère manifestement exagéré des cotisations versées en comparant leur montant global avec celui de l’actif de la succession au décès de [H] [J] et de ses difficultés financières invoquées peu avant son décès, est strictement inopérante ; la situation financière et patrimoniale du souscripteur devant être envisagée à la date à laquelle les versements ont été effectués comme rappelé plus haut.

La requérante ne verse au débat aucune pièce de nature à justifier de la situation financière de son père à la date des cotisations versées permettant au tribunal d’en apprécier le caractère excessif.

Les avis d’impositions 2014, 2017, 2018, 2019 communiqués par Mme [Z] [J] qui au demeurant, n’a pas la charge de la preuve, ne permettent en rien d’établir le caractère exagéré des cotisations annuelles versées au titre de ces 4 années soit 6201,71 euros en 2014, 6582,10 euros en 2017, 6774,35 euros en 2018, et 7218,75 euros en 2019 alors que les revenus annuels déclarés de [H] [J] se situaient sur cette période entre 73.000 euros et 93.000 euros.
Le caractère manifestement exagéré des cotisations de l’assurance décès litigieuse n’étant pas établi, Mme [O] [J] ne peut qu’être déboutée de ses demandes de rapport à la succession des sommes perçues par [Z] [J] en exécution du contrat du 22 décembre 1984.

5-SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Mme [O] [J] sollicite sur le fondement des articles 778 et 1240 du code civile, la condamnation de Mme [Z] [J] à lui payer une somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier résultant des manoeuvres auxquelles celle-ci s’est livrée visant à l’écarter de la succession de son père, notamment par diverses dissimulations.
En tout état de cause et au visa de l’article L 522-3 du code des assurances et 1240 du code civil elle entend voir condamner solidairement la SA GROUPE PASTEUR MUTUALITE et l’AGMF à lui payer toutes les sommes qui lui seront allouées dans la présente instance, pour manquement à leur obligation de surveillance et de conseil et notamment l’absence de vérification de l’authenticité du documents du 10 août 2020, des circonstances du changement de la clause bénéficiaire et de ne pas avoir attiré l’attention de [H] [J] sur les conséquences du changement de bénéficiaire et de sa prohibition.

Mme [J] considère non précisée ni établie la faute qui lui est reprochée en lien avec le préjudice invoqué et conclut donc au débouté de la demande indemnitaire formulée à son encontre.

L’AGMF conclut au rejet des demandes indemnitaires à son encontre au motif qu’elle n’a commis aucune faute ou manquement à son devoir de conseil ainsi que développé plus haut.

L’authenticité et validité du changement de la clause bénéficiaire intervenue le 10 août 2020, ayant été retenue plus haut, Mme [O] [J] ne peut prétendre au reversement à son profit de tout ou partie du capital décès perçu par Mme [Z] [J].

Par ailleurs, aucune dissimulation ou manoeuvre dolosive ne pouvant être reprochée à Mme [Z] [J], ni manquement de l’assureur à ses obligations, Mme [O] [J] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de Mme [Z] [J] et de ses demandes contre l’AGMF et le GROUPE PASTEUR MUTUALITE.

6-SUR LES DEMANDES ANNEXES

En application de l’article 696 du code de procédure civile Mme [O] [J] supportera la charge des entiers dépens de l’instance.

L’équité conduit par ailleurs à la condamner à payer à Mme [Z] [J] une somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et une somme de 1500 euros à l’ AGMF sur le même fondement, étant rappelé que le GROUPE PASTEUR MUTUALITE ne formule aucune demande à son profit (uniquement de l’AGMF) au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la SA GROUPE PASTEUR MUTUALITE,

DEBOUTE Mme [O] [J] de l’intégralité de ses demandes,

CONDAMNE Mme [O] [J] à payer à Mme [Z] [J] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [O] [J] à payer à L’ASSOCIATION GÉNÉRALE DES MÉDECINS DE FRANCE (AGMF PREVOYANCE) la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [O] [J] aux entiers dépens de l’instance.

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00635
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.00635 ?
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