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19/03/2024 | FRANCE | N°21/09038

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 19 mars 2024, 21/09038


N° RG 21/09038 - N° Portalis DBX6-W-B7F-WBJM
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND



50A

N° RG 21/09038 - N° Portalis DBX6-W-B7F-WBJM

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[E] [S] [J]

C/


S.A.S. MY BOAT,
[H] [X]







Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL VISSERON
la SELARL WATERLOT-BRUNIER



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 19 MARS 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL


Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré



DÉBATS

A l’audience publiq...

N° RG 21/09038 - N° Portalis DBX6-W-B7F-WBJM
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

50A

N° RG 21/09038 - N° Portalis DBX6-W-B7F-WBJM

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[E] [S] [J]

C/

S.A.S. MY BOAT,
[H] [X]

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL VISSERON
la SELARL WATERLOT-BRUNIER

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré

DÉBATS

A l’audience publique du 16 Janvier 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEUR

Monsieur [E] [S] [J]
né le 26 Avril 1971 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
10 rue de la Silice ZA Maeva
33380 MARCHEPRIME / FRANCE

représenté par Maître Eric VISSERON de la SELARL VISSERON, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDEURS

S.A.S. MY BOAT
immatriculée au RCS DE BORDEAUX sous le n°804 009 355
Pôle Nautisme Lot n° 9 Quai Goslar
33120 ARCACHON / FRANCE

représentée par Maître Maxence WATERLOT de la SELARL WATERLOT-BRUNIER, avocats au barreau de BORDEAUX
N° RG 21/09038 - N° Portalis DBX6-W-B7F-WBJM

Monsieur [H] [X] agent général de la compagnie d’assurance MMA en sa qualité d’assureur responsabilité civile professionnelle de la SAS MY BOAT
de nationalité Française
23 avenue du Général de Gaulle
33260 LA TESTE DE BUCH / FRANCE

représenté par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocats au barreau de BORDEAUX

********
EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :

Le 9/03/2019, M. [E] [J] (ci après “l’acquéreur”) a échangé son véhicule automobile d’occasion PORSCHE Panamera 4s contre le bateau de navigation également d’occasion de marque RIO, modèle 850 cruiser appartenant alors à la SASU MYBOAT (ci-après le vendeur) qui l’avait proposé à la vente au moyen d’annonces commerciales. L’échange s’est fait sur la base d’une valorisation de 30.000 € figurant au bon de commande produit par les deux parties ou de 27.000 € selon la facture émise par “le vendeur”.

Divers dysfonctionnements du bateau ont été pris en charge par le vendeur au titre de sa garantie.

Le 4/05/2019 le bateau piloté par l’acquéreur a subit une avarie d’hélices pour avoir accroché une nasse à crabes en acier.

Puis le 25/05/2019, le bateau a subit une avarie de mer par immersion totale alors qu’il stationnait au port d’Arcachon.

L’expertise menée par l’expert commis par l’assureur du navire a conclu à une avarie de mer accidentelle ayant pour cause initiale l’accrochage des hélices le 4/05/2019, lesquelles ont entraîné la détérioration du roulement de cloche, puis celle du soufflet de cardan provoquant la voie d’eau et l’immersion du bateau. L’assureur a pris en charge ce sinistre pour une somme de plus de 14.000 €.

Des travaux de remise en état ont été effectués par le vendeur et ont fait l’objet d’une facturation du 22/07/2019, non payée, pour une somme de 18.567,17 €.

Entre temps, l’acquéreur, menuisier de profession, avait procédé sur le bateau à divers aménagements d’agrément.

Malgré ces réparations, le bateau aurait subi de nouvelles pannes (entrée d'eau dans la cale moteur, chauffe du moteur tribord, grippage du moteur bâbord) et l’acquéreur a demandé à la société MY BOAT de reprendre le bateau en contrepartie d'un règlement de 50.000 euros.

Saisit par l’acquéreur, le juge des référés a par ordonnance du 24 février 2020, désigné Monsieur [C] [U] en qualité d'expert avec mission habituelle en la matière et a ordonné la consignation à la Caisse des Dépôts et Consignations, par M. [E] [J] de la somme de 18.567.17 € (correspondant au montant de la facture de réparation non acquittée).
Monsieur [C] [U] a déposé son rapport définitif le 28 juillet 2021.

Procédure :

Par acte d’huissier signifié en date du 24/11/2021, M. [E] [J] a assigné la SASU MYBOAT et M [H] [X], agent général de la compagnie d’assurances MMA, à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de résolution d’une vente pour vice caché, restitutions et indemnisations, sous garantie de la compagnie d’assurances MMA.

La SAS MYBOAT a constitué avocat et a fait déposer des conclusions.

M [H] [X] a constitué avocat et a fait déposer des conclusions.

Par voie de conclusions communes avec M. [X], la SA MMA IARD (ci après “l’assureur”) est intervenue volontairement à la cause.

L'ordonnance de clôture est en date du 20/12/2023.

Les débats s’étant déroulés à l’audience du 16/01/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19/03/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, l’acquéreur :

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3/01/2023 et reprises à l'audience, le demandeur sollicite du Tribunal de :

PRONONCER la résolution de la vente du bateau type RIO 850 Cruiser année 2004, immatriculée AC C23159 pour vices cachés.
CONDAMNER la Société MY BOAT SAS à rembourser à Monsieur [E] [J] la somme de 38.000,00 € (trente-huit mille euros) correspondant à la valeur d'échange.
CONDAMNER la Société MY BOAT SAS à verser à Monsieur [E] [J], au titre du préjudice subi, la somme de 24.242,50 € de dommages et intérêts, s'agissant des travaux effectués par le requérant devenus inutiles, de la privation de jouissance du bateau, des frais de stationnement et d'assurance du même bateau.
JUGER que la Compagnie MMA sera tenue de garantir son assurée, la Société MY BOAT, des condamnations indemnitaires prononcées au profit de [E] [J].
ASSORTIR ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation.
DIRE ET JUGER que la somme consignée par [E] [J] d'un montant de 18.567,00 € (dix-huit mille cinq-cent-soixante-sept euros) lui sera attribuée et viendra en compensation des sommes qui lui seront dues en vertu du jugement à intervenir au titre de la résolution judiciaire de la vente.
SUBSIDIAIREMENT : Vu l'article 1217 Code civil
CONDAMNER la Société MY BOAT SAS à verser à Monsieur [E] [J], au titre du préjudice subi, la somme de 62.242.50 € € de dommages et intérêts, s'agissant du coût du bateau irréparable, des travaux effectués par le requérant devenus inutiles, de la privation de jouissance du bateau, des frais de stationnement et d'assurance du même bateau.
JUGER que la Compagnie MMA sera tenue de garantir son assurée, la Société MY BOAT, des condamnations indemnitaires prononcées au profit de [E] [J].
ASSORTIR ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation.
JUGER que la somme consignée par [E] [J] d'un montant de 18.567,00 € (dix huit mille cinq-cent-soixante-sept euros) lui sera attribuée et viendra en compensation des sommes qui lui seront dues en vertu du jugement à intervenir au titre de la résolution judiciaire de la vente ou de la condamnation indemnitaire.
CONDAMNER in solidum la Société MY BOAT SAS et la MMA, à verser à [E] [J] la somme de 7.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
JUGER n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le vendeur :

Dans ses dernières conclusions en date du 9/03/2023 le défendeur demande au tribunal de :

JUGER recevable et bien fondée la SASU MYBOAT en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
À titre principal :
JUGER que Monsieur [J] se trouve défaillant à rapporter la preuve de vices cachés au sens de l'article 1641 du Code civil ;
DEBOUTER Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
À titre subsidiaire :
CONDAMNER Monsieur [J] à la restitution du navire, outre au versement de la somme de 8.000 euros au titre de la diminution de valeur du dit navire ;
CONDAMNER Monsieur [J] à la restitution de la somme de 24.000 euros au titre de la valeur de jouissance du navire ;
DEBOUTER Monsieur [J] de ses demandes au titre des dommages et intérêts, des cotisations assurance ;
JUGER que les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD seront tenues de garantir la société MYBOAT des condamnations prononcées à son encontre ;
JUGER que l'exécution provisoire doit être écartée ;
À titre reconventionnel :
CONDAMNER Monsieur [J] au versement de la somme de 18.567,17 euros au profit de la SASU MYBOAT en règlement de la facture du 22/07/2019.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, l’agent général d’assurances et l’assureur :

Dans leurs dernières conclusions en date du 6/06/2023 ces défendeurs demandent au tribunal de :

A TITRE LIMINAIRE
CONSTATER que Monsieur [X] est agent général d'assurances.
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [J] et la société MY BOAT de l'ensemble de leurs demandes à son encontre.
PRONONCER la mise hors de cause de Monsieur [X].

JUGER recevables et bien fondées dans leur intervention volontaire les MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, Société, immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° 775 652 126, dont le siège social est 14 bd Marie et Alexandre Oyon à LE MANS CEDEX 9 (72030) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège et MMA IARD, S.A, immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° 440 048 882, dont le siège social est 14 Boulevard Marie et Alexandre Oyon à LE MANS CEDEX (72030) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
Si la responsabilité de la société MY BOAT était retenue au titre de la garantie des vices cachés à l'encontre de Monsieur [J] et que le Tribunal condamnait cette dernière à indemniser les préjudices du demandeur,
JUGER que les garanties responsabilité civile du contrat souscrit par la société MY BOAT ne permettent pas la prise en charge des préjudices sollicités par Monsieur [J] car elles sont exclues du contrat souscrit par la société MY BOAT.
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [J] et la société MY BOAT de leurs demandes formulées à l'encontre des Compagnies MMA IARD et MMA ASSURANCES MUTUELLES.
En conséquence,
CONDAMNER toute partie succombante au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard des concluantes, outre le paiement des entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

L'exposé des moyens des parties sera évoqué par le Tribunal lors de sa motivation et pour le surplus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’action rédhibitoire

L’acquéreur, au visa de 1641 Code civil, fait valoir que l'ensemble des constatations techniques menées par l’expert judiciaire, corroborerait le fait que le bateau était vicié lors de l'échange du fait de moteurs non entretenus ou insuffisamment entretenus.

Ainsi le nombre et l'ampleur des avaries rapportées par l'expert, qui ne seraient pas contestées par le vendeur ainsi que le nombre d'interventions sur le bateau, démontreraient qu’il lui aurait vendu un bateau atteint de vices cachés alors même qu'en sa qualité de professionnel il aurait dû les déceler et y remédier.

Le vendeur prétend que selon l’expert, il conviendrait de scinder les désordres rencontrés après la vente de ceux survenus après les importants travaux réalisés en été 2019 après le sinistre du 25/05/2019.

S’agissant des premiers il affirme que l'Expert aurait indiqué que si des désordres ont pu affecter le navire, tous auraient été pris en charge par la SASU MYBOAT, qu'il n'aurait pu en constater la présence, de sorte que Il ne pourrait y avoir lieu à mise en cause de la garantie légale des vices cachés.

S’agissant des seconds il soutient que l’expert aurait conclut à l'absence d'antériorité du vice et indiquerait que ces seconds désordres ne peuvent être antérieurs à la vente de 2019 ; il dit que ces désordres résulteraient d’une avarie, lors de la dernière utilisation du navire, le 30 août

2019, à l'occasion de laquelle le moteur bâbord du navire aurait été détruit du fait d'une surchauffe trop importante. Il indique que suite à un dire, l’expert aurait précisé “que des galets (petits graviers) ne peuvent se retrouver dans le circuit de refroidissement seulement s'il y a eu une navigation en eaux peu profondes ce qui est souvent le cas lors d'échouages volontaires sur un banc de sable pour y passer un moment - pratique courante des plaisanciers du Bassin d'Arcachon et notamment sur le Banc d'Arguin “.

Ces désordres seraient donc imputables à l’utilisation faite par l’acquéreur du bateau et non pas du fait des réparations effectuées sous son égide.

L’assureur et son agent font tout d’abord valoir que l’agent général est membre d’une profession libérale et non pas l’assureur et qu’il devrait être mis hors de cause et s'en remettent à la sagesse du Tribunal pour statuer sur la responsabilité de la société MY BOAT au titre de la garantie des vices cachés.

Dans le cas où le Tribunal retiendrait la responsabilité du vendeur qui est leur assuré, l’assureur prétend qu’il ne pourra pas être condamné à le garantir en raison des exclusions de garanties prévues au contrat souscrit par la société MY BOAT.

L’expert judiciaire distingue effectivement deux processus de désordres et scinde les désordres rencontrés après la vente de ceux survenus après les importants travaux réalisés en été 2019 après le sinistre du 25/05/19.

Réponse du Tribunal :

En droit, selon l'article1641 :

"Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus."

- s’agissant des premiers désordres apparus juste après la vente avant l’avarie du 25/05/2019, l’expert indique qu’il s'agit des désordres intervenus lors des premières navigations de M. [J] qui se sont soldées par des pannes moteurs ; avec des remplacements d’ancre, des démarreurs, des durites carburant, des courroies, du coude d'échappement et filtre à air, des injecteurs et des hélices et que ces désordres ont été pris en charge par My Boat sans facturation.

S'il a été jugé que le vendeur ne peut exiger de l'acheter qu'il accepte une réparation ou encore un remplacement et que l'acquéreur conserve son droit à exciper la garantie des vices cachés ; pour autant, selon une jurisprudence bien établie, lorsque l'acheteur d'une chose comportant un vice caché accepte ou procède à la remise en état de ce bien, il ne peut plus invoquer l'action en garantie dès lors que le vice originaire a disparu, mais il peut, le cas échéant, solliciter l'indemnisation du préjudice éventuellement subi du fait de ce vice.

Aussi, le Tribunal retient que ces désordres ne peuvent pas, ou plus, caractériser l’existence d’un vice caché.

En effet, la garantie des vices cachés s'applique à une chose viciée. La remise en état fait disparaître le vice et ré-attribue à la chose son usage qui redevient propre à sa destination.
En l'espèce, il est établit que le bateau Badou a fait l'objet, avant l'expertise judiciaire, d'une réparation, qui a soit réparé le vice éventuel et mis fin aux désordres constatés ou pour le moins n’a pas permis à l’expert d’en constater l’existence.

- sur l'action indemnitaire en lien avec le supposé vice caché pour ces premiers désordres
En droit, selon une jurisprudence établie, au visa de l'article 1645 du code civil, la recevabilité de l'action en réparation du préjudice éventuellement subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire de sorte que cette action peut être engagée de manière autonome (Ch.COM, 19/06/2012, 11-13.176).

Pour autant elle reste cantonnée à la condition énoncée à l'article 1645 du code civil qui dispose :
"Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur".

En l’absence de démonstrations d’un vice caché pour ces premiers désordres, l’action indemnitaire ne peut également prospérer.

- s’agissant des seconds désordres, s’il est exact que l’expert en attribue au moins partiellement la cause à la mauvaise qualité des réparations effectuées par le vendeur, force est de constater avec l’expert judiciaire que cette cause est postérieure à la vente litigieuse (ou encore échange qui n’est qu’une sorte de vente croisée) et de ce fait ne saurait être retenue comme ayant été antérieure à la vente.

L’acquéreur sera donc débouté de ses demandes principales basées sur l’existence d’un vice caché.

Sur l’action subsidiaire en responsabilité contractuelle

L’acquéreur fait laconiquement valoir, sur la base du rapport d'expertise, que le vendeur aurait manqué à ses obligations contractuelles en multipliant les fautes tant lors de la vente du bateau que lors de ses tentatives de réparation par le biais de son sous-traitant qui auraient abouti à rendre ce dernier impropre à toute utilisation et à rendre impossible la réparation car plus onéreuse que la valeur du bateau.

Le réparateur, tout aussi laconique sur ce point, dit que si le navire a subi des pannes, le navire était cependant âgé de 15 années et que les réparations intervenues auraient permis à l’acquéreur de naviguer encore 100 heures avec ce navire et que l'état du navire s'expliquerait bien davantage en raison de l'usage inapproprié du navire par l’acquéreur que d'hypothétiques fautes commises par lui même.

L’assureur se contente de dénier sa garantie en application des clauses d’exclusions du contrat sans se prononcer sur le fond des supposés manquement de son assuré.

Réponse du Tribunal :

En droit, selon l’article 1104 du code civil :
“Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.”

Alors que selon l’article 1231-1 du même code :

“Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.”

En l’espèce, le Tribunal retient de l’analyse complète effectuée par l’expert judiciaire que l’état actuel du navire résulte - outre une utilisation trop modéré du bateau avant la vente - en grande partie de la mauvaise qualité des travaux effectués par le vendeur et son sous-traitant sur le bateau après la vente. Travaux de réparation décrit par l’expert comme incomplets, effectués sans professionnalisme, manque de vigilance, sans efficacité et sans respect des règles de l’art ; de sorte que la responsabilité contractuelle du vendeur, es qualité de réparateur, doit être retenue.

Toutefois, il convient également de retenir comme établit, tant par l’expert [O] (Marine expertise commis par l’assureur de l’acquéreur), que par la réponse faite à un dire par l’expert judiciaire, que l’usage que l’acquéreur a fait de du bateau nouvellement acquis à concouru à l’aggravation ou l’accélération des derniers désordres constatés ; de sorte qu’un partage de responsabilité que le Tribunal fixe à 50% doit être retenu.

Sur les préjudices indemnisables au titre du manquement contractuel

Le client forme des demandes d’indemnisations à hauteur totale de 62.242,50 € pour plusieur postes - à l’identique de ceux invoqués en conséquence d’un vice caché -repris par le tribunal ci-dessous :
- valeur du bateau pour 38.000 €, s’agissant d’un échange sur la base de la valeur de la voiture échangée ; il résulte de l’expertise que d’une part, le bateau est économiquement irréparable (on ne retiendra donc pas le supposé coût des réparations) et que le bateau avait au moment de l’échange une valeur cohérente de 30.000 € (s’agissant d’un préjudice reposant sur une perte de valeur du bateau, il n’y a pas lieu de prendre en considération la valeur supposée de la voiture échangée), sa valeur vénale à l’expertise était de 15.000 € ; par ailleurs, la perte de valeur de 15.000 € résulte tant des fautes (celle du réparateur et celle du propriétaire) que de l’usage insuffisant et mauvais entretien des précédents propriétaires également soulignés par l’expert, de sorte que le Tribunal retient une perte de valeur causée par les deux fautes de 10.000 €.
- aménagements réalisés par l’acquéreur pour 8.800 €, l’expert retient une plus value de 3.000 €. Le Tribunal s’étonne que, bien que selon le demandeur ce bateau présentait un vice caché dés les premières sortie il ait tant investit dans ces aménagements ; il sera retenu une valeur de plus value de 2.000 €.
- privation de jouissance à hauteur de 12.000 € pour trois saisons perdues, le Tribunal ne retiendra que la perte de jouissance du bateau, de l’immobilisation du navire jusqu’au dépôt du rapport de l’expert, soit une pleine saison pour 2020 et une demi-saison pour 2021, soit 1,5X4.000€ = 6.000 €
- il convient de retenir 20 mois de gardiennage (de janvier 2020 à fin juillet 2021, le rapport de l’expert ayant été déposé fin juillet, soit 20X 76,50€ (HT) x 1,20 (TTC) = 1.836 €.
- les frais d’assurance ne seront pas retenus en l’absence de tout justificatif de paiement pour la période de 2019 à 2021 = 0€
Soit un total préjudice consécutif justifié et indemnisable de 19.836 €, avec un partage de responsabilité (réparateur, acquéreur) fixé à 50/50,

- soit pour l’acquéreur, une indemnité de 9.918 €.

Sur la mise hors de cause de l’agent général

Sans qu’il soit utile d”effectuer un long développement, le Tribunal rappelle qu’un agent général d’assurance relève du statut des professions libérales pour n’être qu’un mandataire de l’assureur. Il ne peut donc répondre que de ses seules fautes personnelles dans l’exécution de son mandat, ce qui n’est pas le cas de l’espèce ; en aucune façon il n’est tenu à fournir personnellement l’une ou l’autre des garanties souscrites au contrat d’assurance qui ne lie que l’assuré (et le bénéficiaire) à l’assureur.

Il sera donc mis hors de cause.

Sur l’intervention volontaire de l’assureur

C’est à bon droit que l’assureur peut intervenir en la cause en application des dispositions de l’article 325 du CPC ; il en sera donné acte et il en sera également tiré toutes les conséquences qui suivent.

Sur la mise en jeu de la Garantie de l’assureur

Le vendeur/réparateur ayant souscrit une assurance professionnelle auprès des MMA il sollicite sa garantie, en arguant que s’agissant de responsabilité professionnelle au titre de réparation l’assureur serait tenu de couvrir les dommages matériels subis par son client (l’acquéreur).

De même, l’acquéreur qui à défaut de demander la condamnation de l’assurer à l’indemniser directement en qualité de tiers victime du dommage, demande à ce que l’assureur soit tenu à garantir son débiteur, le réparateur.

L’assureur dénie sa garantie en raison d’exclusions du contrat d’assurance, sur le fondement principalement de ce qu’il ne serait pas tenu en cas de vice caché, puis en écartant certains postes de préjudices au titre d’exclusions spécifiques.

Le Tribunal prend appui sur les clauses du contrat d’assurance produit, dont la validité n’est pas contesté, et qui a pris effet au 8/11/2015, dont il n’est pas contesté qu’il était encore en cours au moment des réparations litigieuses.

Il résulte de ce contrat que l’assureur est tenu de garantir son assuré, la SAS MYBOAT, au titre de l’objet même de la garantie responsabilité civile qui accorde à l’assuré de le couvrir “en raison des dommages matériels et immatériels consécutifs causés aux embarcations (...) Par suite de faute ou de négligence dans l’exécution des travaux (...) “ (Page 6/36 du contrat, pièce 1, assureur) l’activité de “réparation navale” étant par ailleurs précisément indiquée en page 7/36, sans qu’aucune des exclusions ne s’applique au cas d’espèce ; de sorte que la garantie est bien acquise, étant précisé que ce n’est pas le prix du bateau qui a été pris en compte par le tribunal, mais la seule perte de valeur du bateau suite au manquement du réparateur dans la prestation de réparation effectuée.

En revanche, il est vrai que le contrat donne une définition précise de la garantie des “dommages immatériels” (et donc celle des dommages immatériels consécutifs) en les limitant
N° RG 21/09038 - N° Portalis DBX6-W-B7F-WBJM

aux seuls “préjudices pécuniaires, autres que corporels ou matériel” (page 34/36 du contrat d’assurance).

De sorte que la somme de 6.000 € qui est incluse dans les préjudices indemnisables retenus par le Tribunal au titre du préjudice de jouissance, et qui n’est effectivement pas un préjudice pécuniaire (il n’y a pas de perte de valeur financière, mais une perte d’agrément), sera exclue de l’assiette de la garantie de l’assureur ; laquelle sera donc fixée à 19.836 € - 6.000 € X 0,50 (taux de responsabilité de l’assuré) = 6.918 €

L’assureur sera donc tenu à garantir son assuré à hauteur de cette somme.

Sur la demande reconventionnelle de la SAS MYBOAT

La demande de condamnation de M. [J] à lui payer le montant de sa facture pour 18.567,17 € non contestée, mais non payée, puis versée à la Caisse des Dépôts et Consignations, ne fait pas débat ; si ce n’est que le demandeur en demande la compensation.
La condamnation sera prononcée et la compensation ordonnée à hauteur de la plus faible des deux créances réciproques.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l'article 696 du code de procédure civile. La SAS MYBOAT et l’assureur MMA IARD seront condamnés aux dépens.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.
Toutefois, pour tenir compte du fait que M. [X] a été attrait à tort par M. [E] [J] et que l’assureur est intervenu volontairement alors que rien ne lui imposait, seul la SAS MYBOAT sera condamnée à ce titre au profit du demandeur.

- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX,

- PREND acte de l’intervention volontaire de la SA MMA IARD et la DIT recevable ;

- MET hors de cause M. [H] [X] es qualité d’agent général d’assurance ;

- REJETTE l’action rédhibitoire intentée par M. [E] [J] s’agissant de l’échange de sa voiture contre le bateau RIO 850 cruiser de la SAS MYBOAT, échange intervenu le

9/03/2019 ;

- CONDAMNE la SAS MYBOAT à payer à M. [E] [J] la somme de 9.918 € à titre des préjudices indemnisables consécutifs aux réparations effectuées sur le dit bateau et DIT que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 24/11/2021 ;

- CONDAMNE M. [E] [J] à payer à la SAS MYBOAT la somme de 18.567,17€ au titre de la facture non contestée du 22/07/2029 ;

- ORDONNE la compensation entre ces deux créances réciproques ;

- DIT que la SA MMA IARD est tenu à garantir son assuré, la SAS MYBOAT, de sa condamnation envers M [E] [J], ce à hauteur de la somme de 6.918 € ;

- CONDAMNE in solidum la SAS MYBOAT et la SA MMA IARD aux entiers dépens, ce y compris les frais d’expertise judiciaire ;

- CONDAMNE la SAS MYBOAT à payer à M. [E] [J] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- REJETTE la demande tendant à voir écarter l'exécution provisoire ;

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.

Le présent jugement a été signé par monsieur Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président et par madame Pascale BUSATO, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/09038
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;21.09038 ?
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