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19/03/2024 | FRANCE | N°21/07083

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 19 mars 2024, 21/07083


N° RG 21/07083 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ67
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND



53B

N° RG 21/07083 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ67

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[B] [Z]

C/


[J] [Z]







Grosses délivrées
le

à
Avocats : Me Mathilda BONNIN
la SELARL MAÎTRE ANNE-SOPHIE VERDIER



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 19 MARS 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibér

é

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré


DÉBATS

A l’audience publique du 16 Janvier 2024

JUGEMENT ...

N° RG 21/07083 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ67
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

53B

N° RG 21/07083 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ67

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[B] [Z]

C/

[J] [Z]

Grosses délivrées
le

à
Avocats : Me Mathilda BONNIN
la SELARL MAÎTRE ANNE-SOPHIE VERDIER

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré

DÉBATS

A l’audience publique du 16 Janvier 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEUR

Monsieur [B] [Z]
né le 11 Février 1986 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
575 chemins des rossignols
33290 LE PIAN MEDOC

représenté par Maître Anne-sophie VERDIER de la SELARL MAÎTRE ANNE-SOPHIE VERDIER, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDEUR

Monsieur [J] [Z]
né le 14 Décembre 1954 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
44 rue Emmanuel Parenteau
33320 EYSINES

représenté par Me Mathilda BONNIN, avocat au barreau de BORDEAUX
N° RG 21/07083 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ67

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :
.
Le 25 août 2012, M [B] [Z] (ci-après “le fils”) a consenti à son père, M. [J] [Z] (ci-après “le père”), un prêt d'un montant de 30.000 € afin de lui permettre d'acquérir la pleine propriété d'une maison familiale que ce dernier possédait en indivision avec sa sœur au 27 rue Emmanuel Parenteau à EYSINES.

Dans la mesure où la maison construite dans les années 1960 a nécessité des travaux de rénovation, le fils et le père ont donc convenu que le fils pourrait y habiter gratuitement.

Par ailleurs, il a également été convenu que le fils, qui est Président d'une société de travaux, effectuerait les travaux de rénovation de la maison et que le père réglerait le coût des marchandises.

Au cours de l'année 2017, les relations familiales se sont délitées.

Le prêt familial et l’accord ont été formalisés par acte sous seing privé du 7 janvier 2018.

Puis, par courrier recommandé du 9 juillet 2018, le fils a communiqué à son père des factures d’achats et l'a mis en demeure de lui faire connaître les modalités de remboursement qu'il entendait mettre en œuvre.

Le 05 mars 2021, le père a repris possession des lieux et il a fait dressé un constat d'Huissier de justice, suivi d’un second, en date du 20/03/2021 lors du vidage effectif des lieux.

Contestant la réalité des achats de matériaux, le père a fait sommation à son fils, le 17 novembre 2021, d'avoir à communiquer ses relevés bancaires personnels démontrant le règlement effectif par ce dernier des factures produites aux débats.

Procédure :

Par acte d’huissier signifié en date du 13/09/2021, M. [B] [Z] a assigné son père, M. [J] [Z], à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins condamnation sur le fondement de l'article 1134 ancien du Code civil à lui régler les sommes de 30.000,00€ au titre du remboursement du prêt consenti et 51.744,65 € au titre du remboursement des commandes effectuées pour les travaux, assorties des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2018.

M. [J] [Z] a constitué avocat et a fait déposer des conclusions.

L'ordonnance de clôture est en date du 20/12/2023.

Les débats s’étant déroulés à l’audience du 16/01/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19/03/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le fils :

Dans ses dernières conclusions reprises à l’audience, le demandeur sollicite du Tribunal de :

Déclarer Monsieur [B] [Z] recevable et bien fondé en ses demandes,
Débouter Monsieur [J] [Z] de ses entières prétentions,
Condamner Monsieur [J] [Z] à régler à Monsieur [B] [Z] la somme de 30.000,00€ au titre du prêt consenti le 25-08-2012, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 09-07-2018, date de la première mise en demeure,
Condamner Monsieur [J] [Z] à régler à Monsieur [B] [Z] la somme de 51.744,65 € au titre du remboursement des commandes effectuées pour les travaux, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 09-07-2018, date de la première mise en demeure,
Condamner Monsieur [J] [Z] à régler à Monsieur [B] [Z] la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts,
Condamner Monsieur [J] [Z] à régler à Monsieur [B] [Z] la somme de 2.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur [J] [Z] aux entiers dépens.
Ordonner la capitalisation des intérêts

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le père :

Le défendeur demande au tribunal de :

A titre principal,
DONNER ACTE à Monsieur [J] [Z] qu'il ne conteste pas qu'un prêt d'un montant de 30.000 € lui ait été consenti par son fils le 25 août 2012 ;
CONSTATER que Monsieur [J] [Z] a versé à Monsieur [B] [Z] une somme de 15.000 € par chèque en date du 17 novembre 2021 libellé à l'ordre de la CARPA à titre de remboursement partiel ;
REJETER des débats les pièces adverses n°2 à n°17 correspondant à des factures que Monsieur [B] [Z] ne justifie pas avoir réglées avec ses deniers personnels ;
DEBOUTER, en conséquence, Monsieur [B] [Z] de sa demande de remboursement de la somme de 51.744,65 € qui correspondrait à des commandes effectuées pour les travaux ;
DEBOUTER Monsieur [B] [Z] de sa demande indemnitaire à hauteur de 5.000 € en réparation de son prétendu préjudice moral ;
REJETER des débats la pièce adverse n°45 ;
A titre reconventionnel,
CONDAMNER Monsieur [B] [Z] à verser à Monsieur [J] [Z] la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral ;
CONDAMNER Monsieur [B] [Z] à verser à Monsieur [J] [Z] la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice financier ;
En tout état de cause,
DEBOUTER Monsieur [B] [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER Monsieur [B] [Z] à verser à Monsieur [J] [Z] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Le CONDAMNER aux entiers dépens, comprenant notamment les deux procès verbaux de constat d'huissier (369,20 € + 909,20 € = 1.278,40 €).

L’exposé des moyens des parties sera évoqué par le Tribunal lors de sa motivation et pour le surplus, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures signifiées aux parties, soit en l’espèce :
- en date du 13/06/2023 pour le père (défendeur)
- en date du 29/03/2023 pour le fils (demandeur)

MOTIFS DE LA DÉCISION

Périmètre du litige
Les parties s’accordent sur les points suivants:
le fils a prêté à son père une somme de 30.000 €le père a autorisé son fils à occuper son bien immobilierle père s’est engagé à rembourser à son fils le coût des matériaux utilisés pour rénover son bien immobilier.Le litige porte donc d’une part, sur les modalités du remboursement du prêt consenti et d’autre part, sur la justification des factures présentées en vue de leur remboursement, outre les demandes croisées de dommages et intérêts consécutifs.

A titre liminaire sur le rappel sur la charge de la preuve

Selon l'article 9 du Code de procédure civile :

"Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention."
Alors que - en matière contractuelle - l'article 1353 du Code civil dispose que :
"Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."

Toutefois il peut y être dérogé en application de l'article 1354 qui énonce que :
"La présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d'en rapporter la preuve.
Elle est dite simple, lorsque la loi réserve la preuve contraire, et peut alors être renversée par tout moyen de preuve ; elle est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être renversée ou l'objet sur lequel elle peut être renversée ; elle est dite irréfragable lorsqu'elle ne peut être renversée."

Par ailleurs, si, s’agissant d’un litige portant sur le remboursement de travaux supposément entrepris et contesté, la preuve exigée portant sur des faits juridiques, ceux-ci peuvent être établis par tous moyens ; en revanche, le juge - auquel l’une des partie aura soumis un moyen de preuve qui à l’analyse s’avérerait ne présenter plus aucune portée probatoire en raison de très forte suspicions de faux - devra en conséquence et en toute logique apporter la plus grande attention à l’analyse critique et à la détermination de la portée probatoire des autres pièces produites par cette même partie, compte tenue de la suspicion que cette production fautive, quelqu’en soit la cause, fait légitimement naître.

Sur le remboursement du prêt familial

Le père soutient que la reconnaissance de dettes qu’il a signé le 07 janvier 2018 portait sur modalités suivantes suivantes :
" (…) Je m'engage également à rembourser les trente mille euros que je lui avais demandé en prêt. Le remboursement sera effectué en deux parties. La première à Monsieur [O] [U] qui correspond à la somme qu'il a prêtée lui-même à mon fils. La deuxième partie, c'est-à-dire la différence, à mon fils directement. (…) ".

Il dit avoir versé à son fils une somme de 15.000 € par chèque en date du 17 novembre 2021 libellé à l'ordre de la CARPA à titre de remboursement partiel.

Pour le reste de la somme, il appartiendrait à son fils de justifier la somme que Monsieur [U] lui aurait prêtée.

Le fils est taisant sur ce point.

Réponse du Tribunal :

Le contrat de prêt, stipulé sans échéance, engage l’emprunteur à rembourser le prêteur de la totalité de la somme prêté à première demande avec un délai raisonnable. Les seules modalités de remboursement pouvant y derroger sont celles qui seraient prévues par les parties par contrat ou avenant.

Or, en l’espèce, l’engagement unilatéral de l’emprunteur contenu dans une reconnaissance de dette - qui n’est pas le contrat de prêt (ici antérieur et verbal) et portant sur la modalité envisagée de remboursement pour moitié à tierce personne (M. [U]) - n’oblige nullement le prêteur, sauf à ce que l’emprunteur justifie avoir effectivement procéder à ce remboursement partiel à la tierce personne, et ne saurait de ce fait le dégager de son obligation de rembourser l’intégralité du prêt.

Le père sera donc condamné à payer à son fils les 30.000 € prêtés, ce en “deniers et quittances” pour tenir compte du chèque CARPA de 15.000 €.

Par ailleurs et en conséquence, la demande de rejeter la pièce n°45 du fils (attestation de M [U]) sera déclarée sans objet.

Sur le remboursement du coût des matériaux utilisés pour la rénovation

- sur la portée de l’engagement de remboursement du père pour les travaux entrepris par le fils dans la maison du premier

Cet engagement repose sur la pièce produite (n°20, demandeur et n°17, défendeur) valant reconnaissance de dette qui indique :
" Je soussigné, Mr [Z] [J], m'engage à rembourser à mon fils [B] le montant des marchandises ayant servi à la réfection de ma maison située au 27 rue Emmanuel Paranteau. Je déduis de ce montant dix mille euros correspondant à la valeur de la caisse du camping car que j'avais racheté ainsi qu'à sa peinture. (...)
Je ne réclame pas de loyers concernant la jouissance de la maison jusqu'à son départ qui devrait avoir lieu tout au plus dans un an. En échange mon fils ne me réclame aucun frais liés à la main d'œuvre des travaux et moi je ne lui réclame pas la main d'œuvre de la mécanique que j'ai effectuée sur ses véhicules ".

Les deux parties ont signé ce document portant sur des engagements réciproques.

Aussi, bien que le fils prétende que cet accord de remboursement porterait également sur la main d’oeuvre de professionnels tiers et n’inclurait que sa propre main d’oeuvre, force est de
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constater que cet engagement unilatéral écrit est univoque pour être précis , il ne fait porter sur le père la charge financière, déduction faite d’une somme de 10.000 €, que du coût des seuls matériaux utilisés dans ces travaux, ce quel qu’en soit les modalités de mise en oeuvre sur le chantier (directement par le fils ou par un tiers) ; il appartenait, le cas échéant au fils d’effectuer ainsi lui-même, directement, ou par échange de services (courant dans le bâtiment), les travaux en question.

Ne seront donc retenus que les seules justifications probantes du coût des marchandises mises en oeuvre dans les travaux effectivement entrepris dans l’immeuble du père, à l’exclusion du toute facture de main d’oeuvre d’un tiers, telle la facture de [G] [Y] (pièce 2, demandeur) pour un montant de 8.500,80 €.

- sur la production par le demandeur de la pièce n° 16 correspondant à une facture datée du 13/02/2012, émise par CLOREAL pour une fermeture d’un montant total de 3.066,80€ TTC.

Cette facture, qui ne porte pas la mention d’un paiement effectué, est produite par le demandeur pour justifier de l’achat et la pose d’un portail coulissant (avec dépose d’un ancien portail), émise à son nom et à son adresse d’alors.

Le défendeur argue d’un faux (fausse facture). Pour en justifier il produit (pièce 18, défendeur) l’attestation, respectant les exigences des articles 200 à 2023 du CPC, de M. [V] [E] dirigeant de l’entreprise CLOREAL, qui affirme que :

- que l’entreprise CLOREAL a fourni le 13/02/2015 à Mr [B] [Z], 27 rue Emmanuel Parenteau à EYSINES, notamment un devis n° 150214 destinée à son assureur (suite à sinistre), portant sur un portail coulissant en alu, pour un remplacement pour un montant de 3.066,80 € (le gérant justifie de ce devis en joignant le mail initial),
- que les travaux correspondant à ce devis (non signé) n’ont pas été exécutés,
- qu’aucun acompte n’a été versé,
- que la facture qui lui est présentée portant n° 150214 n’a pas été éditée par l’entreprise CLOREAL et constitue une “falsification grossière” (en prenant soin de décrire précisément tous les éléments factuels le démontrant)
- le portail en place sur les lieux est un modèle BOCAGE (et non pas RANCH comme indiqué sur la supposée facture).

Le demandeur qui n’a pas argué de faux cette attestation, persiste cependant à prétendre avoir effectué un acompte en espèce de 66,80 € le jour de la commande et un paiement par chèque de 3.000 € débité le 12/12/2012 ; pourtant le gérant de CLOREAL affirme dans un courriel, non contesté par le demandeur (pièce 20, défendeur), qu’ayant toujours accès à sa comptabilité 2012 : il ne trouve tracte d’aucun client “[Z]”, d’aucune facture à ce nom, d’aucun règlement par chèque de 3.000 € et d’aucun acompte en espèce de 66,80 €, qui serait par ailleurs incohérent dans la mesure où d’une part, il exige un acompte de 30% et que d’autre part, cet acompte ne correspond pas à un “compte rond” (0,80 €).

Aussi, le défendeur affirme ne pas pouvoir s’expliquer sur la fausseté de la facture, tout en affirmant que celle-ci lui aurait été remise par l’un des salariés de CLOREAL (sans pour autant le désigner ou le décrire ; sans s’expliquer sur le décalage temporel : une facture arguée de faux datée de 2012, copiée sur un devis émis par CLOREAL en 2015 !), il maintient la réalité de cette acquisition et des modalités de paiement indiquées ci-dessus ; son conseil évoque quant à lui la possibilité pour le tribunal d’écarter cette facture (sic).

Réponse du Tribunal :

Le Tribunal judiciaire de Bordeaux - tout au moins dans sa composition actuelle de la cinquième chambre civile - est incompétent pour statuer sur l’existence d’un présumé délit de tentative d’escroquerie (au jugement), tout au plus peut-il adresser au Procureur de la République un signalement en application de l’article 40 du Code de procédure pénale qui invite tout “fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs”.

En revanche, face à la forte présomption de la fausseté de la pièce produite et maintenue par M [B] [Z], puisque qu’il l’a produit au dossier de plaidoirie, tout en omettant de la faire figurer sur son bordereau de communication des pièces signifié le 29/03/2023, le Tribunal écartera cette pièce et déboutera le demandeur s’agissant de ce poste de remboursement.

- sur les dépenses admises en remboursement,

Compte tenu de ce qui précède, les seules dépenses qui seront admises au remboursement par le Tribunal, seront celles justifiées tant par une facture au nom du demandeur ainsi que par la démonstration d’un règlement effectif par le demandeur, soit que la facture porte la mention du créancier : “acquittée par tel moyen, pour tel montant, à telle date”, soit que le paiement correspondant soit corroboré par un débours d’un montant identique sur le compte bancaire du demandeur, à une date compatible.

En l’espèce, il résulte de l’analyse attentive des pièces versées que seuls les postes de travaux qui suivent bénéficient de cette démonstration renforcée :
la facture Cuisine plus pour un montant de 3.205 €,les cinq facture espace isolation pour un total de 1.104,12 €,les quatre factures [S] [D] pour un total de 1.815,22 €,Est partiellement justifiée la facture LINEA BLANCE pour la seule somme de l’acompte pour 4.660 €.
Pour rappel, sont rejetées les factures de [Y] s’agissant de main d’oeuvre, celle de [T] non justifiée et bien sûr celle de CLOREAL qui repose sur une facture légitimement arguée de faux.

S’agissant de la facture de K2 (climatisation) pour un montant total de 17.883 € - dont il conviendrait dans tous les cas de retirer 5.700 € (à une TVA de 5,5%) s’agissant du poste main d’oeuvre qui ne relève pas de l’engagement de remboursement du père - si la facture ne pose pas de difficulté (un prix de matériel élevé ne suffit pas à la rejeter) en revanche la justification du paiement n’est pas démontrée. En effet, d’une part, il n’est pas produit de devis émis par K2 signé par le fils qui ferait mention du versement d’un acompte à la commande et d’autre part, la facture émise par K2 le 10/09/14 ne fait apparaître aucun acompte versé (à la ligne pourtant prévue), alors que le fils argue quant à lui d’un paiement d’acompte qui serait débité sur son compte le 30/10/14 soit postérieurement à la date de facture (qui n’en fait pas état). De plus, le débit en date du 21/11/14 d’un chèque pour 14.000 €, argué de paiement partiel du solde qui aurait été accompagné d’un paiement en espèce pour 993 € apparaît pour le moins insuffisant à démontrer ce paiement ; alors que face à la contestation du défendeur sur la portée probatoire de ce relevé bancaire, le demandeur avait tout loisir de demander à sa banque l’identification du bénéficiaire des deux chèques contestés, ou encore une attestation de parfait paiement par l’entreprise K2, or il n’en est rien ; de sorte que le Tribunal estime ce supposé paiement non justifié.

Au final, les débours du fils pour le coût des matériaux utilisés pour les travaux est justifié à hauteur d’un montant total de 10.784,34 € ; étant rappelé que l’engagement du père était assorti d’une compensation de la somme de “dix mille euros correspondant à la valeur de la caisse du camping car que j'avais racheté ainsi qu'à sa peinture” ; de sorte que la somme due par le père à son fils au titre du remboursement des matériaux s’établit à 784,34 €.

Sur les demandes croisées de dommages et intérêts consécutifs

Le succès de toute action en responsabilité repose sur la démonstration cumulative de l’existence d’un préjudice indemnisable directement causé par une faute inexcusable. Il appartient donc à celui qui invoque cette responsabilité au soutien d’une demande de condamnation à une indemnisation d'apporter tout élément susceptible de permettre à la juridiction de caractériser le lien direct entre une faute et un préjudice, d'en apprécier tant la nature exacte, que le quantum du préjudice qui en découle.

Or, il résulte des arguments avancés tant par le fils, que par le père ainsi de l’absence de toute pièce qui aurait pu corroboré tant l’existence que la consistance d’un préjudice matériel ou moral, qu’aucun des deux demandeurs ne satisfait à ces exigences, tant sur la démonstration de la supposée “prise d’otage” anxiogène qu’aurait subi le père pour ne pas avoir pu récupérer à temps son bien, que la nature et le coût exact des supposés travaux de remise en état, aucune expertise n’étant intervenue ; alors que le préjudice moral invoqué par le fils reposerait sur le fond même de la contestation par son père de ses propres demandes, ce qui relève du droit de tout justiciable, serait-ce entre père et fils ; le Tribunal n’ayant par ailleurs pas pour vocation de régler les conflits affectifs intra-familiaux.

Le demandeur et le défendeur seront tous deux déboutés de leurs demandes croisées d’indemnisation.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe au principal, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Compte tenu du contexte particulier de cette affaire et du maintien par le demandeur de la production d’une pièce pour le moins douteuse, Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.

- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX,

- ECARTE des débats la pièce n°16 remise au Tribunal au dossier de plaidoirie du demandeur (toutefois omise au bordereau de communication de pièces du demandeur signifié le 29/03/2023) et relative à une supposée facture CLOREAL du 13/02/2012, dont le montant est repris au tableau récapitulatif des demandes de remboursements des dernières conclusions signifiées le 29/03/2023 (page 2) ;

- CONDAMNE M [J] [Z] à payer - en derniers et quittance - à M [B] [Z] la somme de 30.000,00 € au titre du remboursement d’un prêt consenti le 25-08-2012, outre les intérêts au taux légal à compter du 09-07-2018, date de la première mise en demeure ;

- CONDAMNE M. [J] [Z] à payer à M. [B] [Z] la somme de 784,34 € au titre de son engagement de remboursement des commandes de matériaux effectuées pour les travaux déduction faite d’une somme de 10.000 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 09-07-2018, date de la première mise en demeure ;

- DÉBOUTE les deux parties de leurs demandes croisées de dommages et intérêts ;

- CONDAMNE M. [J] [Z] aux entiers dépens ;

- DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.

Le présent jugement a été signé par monsieur Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président et par madame Pascale BUSATO, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

La présente décision est signée par Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Présidente, et Pascale BUSATO, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/07083
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;21.07083 ?
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