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19/03/2024 | FRANCE | N°21/07024

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 19 mars 2024, 21/07024


N° RG 21/07024 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ75
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND



50A

N° RG 21/07024 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ75

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[C] [I] [R] [O]

C/


S.A.S. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX,
S.A. ARVAL SERVICE LEASE







Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS
Me Vincent MAYER
Me Mathilde STINCO



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE


JUG

EMENT DU 19 MARS 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO,...

N° RG 21/07024 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ75
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

50A

N° RG 21/07024 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ75

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[C] [I] [R] [O]

C/

S.A.S. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX,
S.A. ARVAL SERVICE LEASE

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS
Me Vincent MAYER
Me Mathilde STINCO

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique

Isabelle SANCHEZ greffier lors des débats et Pascale BUSATO, greffier lors du délibéré

DÉBATS

A l’audience publique du 16 Janvier 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEUR

Monsieur [C] [I] [R] [O]
né le 05 Mars 1976 à PARIS 15ème (75015)
de nationalité Française
58 chemin du Foin
33160 SAINT-AUBIN-DE-MEDOC

représenté par Me Vincent MAYER, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

S.A.S. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX
28 avenue John Fitzgerald Kennedy
33310 LORMONT

représentée par Me Mathilde STINCO, avocat au barreau de BORDEAUX
N° RG 21/07024 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VZ75

S.A. ARVAL SERVICE LEASE
1 Boulevard Haussmann
75009 PARIS

représentée par Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

*********
EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :

Le 30 octobre 2015, Monsieur [C] [O] (ci-après “l’acquéreur”) a acquis un véhicule BMW 120d immatriculé CG-659-EK auprès de la SAS PAROT PREMIUM au prix de 21.900 €.

La SAS PAROT PREMIUM, devenue par la suite “EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX” (ci-après “le vendeur”) avait elle-même acquis le 31 août 2015 ce véhicule auprès de la SA ARVAL SERVICE LEASE (ci-après “le premier vendeur”).

Monsieur [O] a constaté que le véhicule présentait des vibrations très rapidement après son achat, ce qui l'a amené à le confier au vendeur pour un diagnostic.

Le vendeur a procédé à diverses réparations puis Monsieur [O] a confié son véhicule au garage ABM AGEN qui a, à son tour, effectué plusieurs réparations.

L'ensemble des interventions du vendeur et d’ABM AGEN n'ayant pas permis de solutionner le problème, Monsieur [O] a fait assigner, par acte du 28 juin 2019 les SAS PAROT PREMIUM et ABM AGEN afin d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire.
Par acte en date du 7 octobre 2019, la SAS PAROT PREMIUM a fait assigner la SA ARVAL SERVICE LEASE afin que l'expertise lui soit commune.

Par Ordonnance du 2 mars 2020, le Tribunal judiciaire de BORDEAUX a ordonné la jonction des deux instances et désigné Monsieur [T] [W] en qualité d'expert.

Suite à deux réunions d'expertise contradictoire, l'expert a déposé son rapport le 23 mars 2021 puis y a apporté un additif le 25 mars 2021 en répondant aux dires des parties.

Procédure :

Par acte d’huissier signifié en date du 10 septembre 2021, Monsieur [O] a assigné la SAS EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX (anciennement dénommée PAROT PREMIUM) à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de résolution de la vente et sa condamnation à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

Le 15 novembre 2021, la SAS EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX quant à elle a assigné en intervention forcée la S.A. ARVAL SERVICE LEASE, aux fins de voir condamner cette société à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Les deux dossiers ont fait l’objet d’une jonction le 10/11/2022.

Les défendeurs ont constitué avocat et ont fait déposer des conclusions.

L'ordonnance de clôture est en date du 20/12/2023.

Les débats s’étant déroulés à l’audience du 16/01/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19/03/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, l’acquéreur :

Dans ses dernières conclusions reprises à l’audience, le demandeur sollicite du Tribunal de :
A titre principal.
ORDONNER la résolution de la vente en date du 30 octobre 2015 intervenue entre la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX, nouveau nom de la S.A.S. PAROT PREMIUM, et Monsieur [C] [O], portant sur le véhicule BMW 120d immatriculée CG-659-EK.
A titre subsidiaire
PRONONCER l'annulation de la vente en date du 30 octobre 2015 intervenue entre la S.A.S.U. PREMIUM BORDEAUX, nouveau nom de la S.A.S. PAROT PREMIUM, et Monsieur [C] portant sur le véhicule BMW 120d immatriculée CG-659-EK.
Et dans tous les cas. par voie de conséquence.
CONDAMNER la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX à rembourser à Monsieur [C] [O] le prix d'achat de 21.900 €;
CONDAMNER la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX à récupérer le véhicule à ses frais et moyens -après paiement de l'intégralité des sommes mises à sa charge- au domicile de Monsieur [C] [O];
CONDAMNER la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX à payer à Monsieur [C] [O] la somme de 2.594,86 € au titre des frais d'assurance et de contrôle technique exposés au profit du véhicule litigieux;
CONDAMNER la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX à indemniser Monsieur [C] [O] de son préjudice de jouissance, d'une part à hauteur de 10€ par jour correspondant à la période d'immobilisation du véhicule durant 31 mois, soit 9.300 €, et, d'autre part, à hauteur de 5€ par jour pour une utilisation dégradée à compter du 30 octobre 2015 jusqu'au jour de la décision à intervenir, déduction faite desdits 31 mois
;
CONDAMNER la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX à payer à Monsieur [C] [O] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ce en tenant notamment compte de la procédure de référé-expertise dont les frais irrépétibles ne sont, par nature, pas indemnisés provisoirement;
CONDAMNER la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire s'élevant à 2.497,20 €;
DEBOUTER la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX de l'intégralité de ses demandes et prétentions dirigées à l'encontre de Monsieur [O];
DEBOUTER la S.A. ARVAL SERVICE LEASE de l'intégralité de ses demandes et prétentions qui pourraient être dirigées à l'encontre de Monsieur [O];
RAPPELER et PRONONCER l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le vendeur :

Le défendeur demande au tribunal de :

A titre principal :
CONSTATER ET JUGER que l'action de Monsieur [O] est prescrite depuis le 10 juin 2018 ou à défaut depuis le 17 novembre 2018, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu,
JUGER que l'action de Monsieur [O] est irrecevable,
DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés,
A titre subsidiaire :
CONSTATER ET JUGER que l'expert judiciaire conclut à l'existence de vibrations du véhicule qui se manifestent à 110 km/h, qui ne rendent pas le véhicule impropre à sa destination et qui n'ont pas de caractère de dangerosité,
CONSTATER ET JUGER que le véhicule est roulant et conforme à l'usage auquel il est destiné, ET QUE les vibrations constatées par l'expert ne revêtent pas une gravité suffisante pour justifier la résolution de la vente,
CONSTATER ET JUGER que Monsieur [O] est défaillant à apporter la preuve d'un vice présent lors de la vente et rendant le véhicule impropre à sa destination,
DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés,
En tout état de cause :
JUGER l'intervention forcée de la S.A. ARVAL SERVICE LEASE recevable et bien fondée,
DEBOUTER la S.A. ARVAL SERVICE LEASE de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation portant intervention forcée en date du 15 novembre 2021,
CONDAMNER la S.A. ARVAL SERVICE LEASE à relever et garantir la SAS EDENAUTO PREMIUM de toutes les condamnations prononcées à quelque titre que ce soit à son encontre, notamment sur le fondement du défaut de délivrance, du défaut de conformité ou du vice caché,
CONDAMNER Monsieur [O] à payer la somme de 1.500€ à la SAS EDENAUTO PREMIUM sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [O] aux entiers dépens, en ce compris ceux relatifs à l'instance en référé,
A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR LES PREJUDICES :
DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande d'indemnisation au titre des frais d'assurances, compte tenu de l'obligation légale d'assurance résultant des dispositions de l'article L.211-1 du Code des assurances reprises à l'article L.324-1 du Code de la route,
DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande d'indemnisation au titre des frais de contrôle technique, compte tenu de l'obligation légale de faire réaliser ledit contrôle résultant des dispositions des articles R.323-1 et R.323-22 du Code de la route,
DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande de condamnation de la SAS EDENAUTO PREMIUM à lui verser la somme de 9600 € au titre du préjudice de jouissance, outre la somme de 150 € par mois à compter du 30 octobre 2015 jusqu'à la date du jugement à intervenir,
JUGER que l'immobilisation du véhicule du fait des interventions de la SAS PAROT PREMIUM devenue EDENAUTO PREMIUM ne concerne que 44 jours et que ce préjudice ne saurait excéder 506 €,

DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande d'indemnisation au titre de l'utilisation dégradée du véhicule depuis la date d'achat jusqu'à la date du jugement à intervenir, l'expertise ayant permis d'établir que Monsieur [O] a pu user normalement du véhicule en parcourant notamment 41380 kilomètres en trois ans, les vibrations étant désagréables mais ne se manifestant qu'à partir de 110 km/h et ne présentant aucun caractère de dangerosité,
CONDAMNER la S.A. ARVAL SERVICE LEASE à relever et garantir la SAS EDENAUTO PREMIUM de toutes les condamnations prononcées à quelque titre que ce soit à son encontre, notamment sur le fondement du défaut de délivrance, du défaut de conformité ou du vice caché,
DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande de condamnation de la SAS EDENAUTO PREMIUM à lui verser la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et LE CONDAMNER aux entiers dépens,
JUGER que l'éventuelle condamnation de la SAS EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ne pourra excéder 800 €.
PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le premier vendeur :

Le défendeur demande au tribunal de :

PRONONCER la nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée à la requête de la société EDEN AUTO à l'encontre de la société ARVAL ;
CONSTATER que Monsieur [O] ne forme aucune demande à l'encontre de la société ARVAL ;
DECLARER la société ARVAL recevable et bien fondée dans l'intégralité de ses demandes;
DECLARER la société EDEN AUTO irrecevable et mal fondée dans l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société ARVAL ;
DEBOUTER la société EDEN AUTO de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société ARVAL ;
CONDAMNER la société EDEN AUTO à payer à la société ARVAL la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [O] et la société EDEN AUTO aux dépens de l'instance ;

L’exposé des moyens des parties sera évoqué par le Tribunal lors de sa motivation et pour le surplus, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures signifiées aux parties, soit en l’espèce :
- en date du 8/11/2023 pour M [O]
- en date du 18/10/2023 pour la SAS EDENAUTO PRENIUM BORDEAUX
- en date du 15/03/2023 pour la SA ARVAL SERVICE LEASE

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les irrecevabilités des exceptions de procédures et fins de non recevoir soulevée devant la composition de jugement en violation a la compétence exclusive du Juge de ma mise en état

Les deux défendeurs forment dans le dispositif de leurs conclusions des prétentions portant tant pour l’un, sur l’annulation de l’assignation en intervention forcée, que pour les deux, sur des fins de non recevoir tirées de la prescription des actions.
Réponse du Tribunal :

Il résulte de l'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019, que le juge de la mise en état, de sa désignation à son dessaisissement, a le pouvoir exclusif pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les fin de non-recevoir ; cette rédaction s'applique, selon l'article 55, II, du décret, aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 01 janvier 2020.

Par ailleurs, il est constant que lorsque la demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance s'entend de la date de délivrance de l'assignation.

En l'occurrence, l'instance a été introduite par les assignations délivrées les 10 septembre et 15 novembre 2021, de sorte que seul le juge de la mise en état devait connaître de l’exception de nullité et des fins de non-recevoir soulevées par les défendeurs.

En conséquence de quoi, l’exception de procédure (nullité de l’assignation à fin d’intervention forcée) ainsi que les fins de non-recevoir (prescriptions) des deux défendeurs seront déclarés irrecevables.

Sur le sort des demandes de donner acte et autres demandes ne constituant pas des prétentions

Le tribunal rappelle à titre liminaire qu'il n'a pas à statuer sur les demandes de "donner acte" ou "constater" ou de "juger" qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d'une prétention dans la partie "discussion" des conclusions.

Sur le manquement à l’obligation de délivrance conforme du vendeur

L’acquéreur soutient qu’il aurait acquis un véhicule BMW produit par un constructeur allemand reconnu et dit "premium", certes d'occasion, mais alors âgé de seulement trois ans et qui n'affichait que 78.000 km, auprès d'un concessionnaire de la marque qui aurait été en mesure d’assurer une parfaite délivrance, à savoir un véhicule en parfait état de fonctionnement.

La vente se serait portée sur un véhicule en parfait état de fonctionnement, alors qu’il lui aurait été livré un véhicule largement défectueux, impossible à réparer malgré 16 interventions menées par le réseau BMW ; soit non conforme au contrat de vente.

Le vendeur fait valoir que selon la facture d'achat, l’acquéreur a commandé et acquis un véhicule BMW 120d de 184 chevaux, immatriculé CG-659-EK, totalisant 78.735 kilomètres ; que ce serait exactement le véhicule qui lui a été livré et avec lequel il a pu parcourir 41380 kilomètres en trois ans ; alors que le véhicule serait toujours apte à rouler à ce jour et alors que l’expert aurait conclu que le véhicule, s’il présente des vibrations "désagréables " à partir de 110 km/h, celles-ci "ne rendent pas le véhicule impropre à sa destination" et qu'elles "n'ont pas un caractère de dangerosité" ; ce qui - implicitement - excluerait un manquement à l’obligation de sécurité , une des composante de l’obligation de délivrance conforme.

Le premier vendeur ne développe aucune argumentation sur ce moyen.

Réponse du Tribunal :

En droit, selon l’article 1603 du Code civil :

“Il a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend”

Alors que l’article 1604 précise que :

“La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.”
Et que l’article 1184 ancien du code civil en vigueur au moment de la vente disposait que :
“La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.”

En l’espèce, il est constant que l’acquéreur a fait l’acquisition d’un véhicule relativement récent (3 ans, 78.000 Km) d’une marque allemande bénéficiant d’une forte notoriété en terme de qualité de fabrication, auprès d’un concessionnaire de la marque, sous une présentation dite “prenium”, à un prix non modique de 21.900 €.

En procédant de la sorte, l’acquéreur a nécessairement fait entrer dans le champs contractuel la notion d’un achat de véhicule dit “de confiance”, c’est à dire un véhicule, bien que d’occasion, apte à lui assurer de rouler sereinement, en toute tranquillité, pour un usage normalement attendu pour un véhicule de ce type et de cette origine, notamment en lui permettant de rouler sur autoroute à 130 km/h sans désagrément.

Or, force est de constater que le véhicule acheté n’a pas fait l’objet d’une délivrance conforme.
En effet, dés les premiers jours, mais sans que les vibrations en cause n’ai pu être constatées lors de la prise de possession, le véhicule a présenté cette défectuosité et a fait l’objet dans ce cadre de onze prises en charge par le réseau BMW, à sa charge, pour finalement ne pas aboutir à une solution satisfaisante ; la cause du désordre restant inconnue selon l’expert.

Ainsi, par delà la recherche d’un désordre relevant éventuellement de la qualification de vice caché, et sans qu’il soit utile ou nécessaire d’y recourir, le manquement à l’obligation du vendeur, qui plus est professionnel et représentant de l’importateur du fabricant, de délivrer à l’acquéreur un véhicule attendu, c’est à dire qui bénéficie d’un état de fonctionnement globalement satisfaisant, sans avoir à subir moult interventions entraînant l’immobilisation du véhicule à de nombreuses occasions - engage sa responsabilité pour inexécution contractuelle.

Par ailleurs, le Tribunal retient que cette inexécution à l’obligation de délivrance est d’une gravité suffisante, puisqu’à ce jour aucune solution technique donnée pour certaine n’a été mise en oeuvre, de sorte que la résolution de la vente sera prononcée, assortie des restitutions réciproques aux frais du vendeur.

Sur la demande de dommages et intérêts consécutifs à l’inexécution de l’obligation de délivrance.

L'acquéreur soutient, consécutivement au manquement du vendeur, avoir subit divers préjudices dont il demande réparation.

Réponse du Tribunal :

Selon l'article 1231-1 du même code :
"Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure."

En l’espèce, d’une part, le Tribunal fait sien le raisonnement du vendeur sur les postes de préjudice relatifs aux frais d’assurance ainsi q’aux frais de contrôle technique. En effet, ces dépenses découlent d’obligations légales liées à la mise en circulation d’un véhicule terrestre à moteur sur la voie publique, ce qu’a effectivement effectué l’acquéreur pendant plus de 40.000 km, il ne peut donc fonder un préjudice sur cette base.

Le Tribunal retient d’autre part, que c’est également à bon droit que le vendeur fait valoir que sur les 32 mois d’immobilisations évoqués par l’acquéreur, seuls 44 jours correspondent aux interventions réalisées par le vendeur (dont détail dans ses conclusions). Aussi, l’indemnité d'indemnisation du préjudice de jouissance au titre de ces 44 jours d'immobilisation ne saurait dès lors excéder 506 €, somme admise par le vendeur à titre subsidiaire ; et s'agissant de l'immobilisation volontaire du véhicule par l’acquéreur dans les locaux de la société ABM AGEN à compter du 23 avril 2019,le Tribunal retient n’y avoir à donner lieu à indemnisation dès lors qu'elle résulte de la volonté de l’acquéreur de ne plus utiliser le véhicule alors que celui-ci est roulant et exempt de panne immobilisante et attesté non-dangereux par l’expert judiciaire
.
S'agissant de la demande d'indemnisation au titre de l'utilisation dégradée du véhicule depuis la date d'achat jusqu'à la date du jugement à intervenir, s’il est vrai que l’acquéreur a pu parcourir 41.380 kilomètres en trois ans avec le véhicule, démontrant ainsi que son usage a été possible, c’est dans des conditions décrites par l’expert comme désagréable par les vibrations, les vibrations se manifestant à partir de 100 km/h de sorte qu’elles rendent les trajets autoroutiers pénibles, voire à éviter, en privilégiant alors les routes nationales au prix d’un allongement, d’une plus grande fatigue et d’une prise de danger accrue ; ce qui justifie pleinement une indemnisation à hauteur de 1€ par jour du 15/10/2015 jusqu’à trente jours après le dépôt définitif du rapport de l’expert judiciaire (soit le 25/04/2021), soit 2004 jours moins les 44 jours déjà indemnisés, soit 1.960 jours de jouissance dégradée, soit un préjudice fixé à 1.960 €.

Il sera donc fait droit à la demande d’indemnisation de l’acquéreur au titre de la jouissance, dans la limite cependant de 2.466 €.

Sur la demande du vendeur d’être relevé indemne par son propre vendeur

Le vendeur fait valoir qu’il a acquis le véhicule en cause deux mois seulement avant que de le céder à l’acquéreur final, et que compte tenu du faible délai, il serait bien fondé à en demander garantie à son propre vendeur, nonobstant le fait que l’expert serait dans l’incapacité de déterminer si le vice existait lors de l’une ou l’autre des deux ventes intervenues successivement, dans la mesure où le kilométrage serait identique entre les deux ventes (à 78.735 km).

Le premier vendeur, ici défendeur, fonde ses arguments de refus d’avoir à garantir son propre acquéreur, sur une hypothèse de condamnation de celui-ci reposant sur un vice caché ou un défaut de conformité et non pas sur un défaut de délivrance conforme.

Réponse du Tribunal :

Le Tribunal retient que le champ contractuel n’est pas strictement le même lorsque d’une part la vente intervient entre un particulier, simple consommateur et un vendeur professionnel de l’automobile, qui plus est concessionnaire de la marque et d’autre part, lorsque la vente s’opère entre deux professionnels, sensés chacun avoir une connaissance technique suffisante leur permettant de connaître ou d’être en mesure de détecter tout défaut d’importance sur le produit et de mesurer la qualité du produit vendu.

Dans la première hypothèse, l’acquéreur contracte pour obtenir un véhicule lui assurant la prestation de sa mobilité ; dans la seconde, le professionnel fait l’acquisition d’un produit automobile “en l’état”, à charge pour lui de procéder, le cas échéant à toutes réparations ou préparations susceptibles de lui assurer une mise en valeur sur le marché.

Ainsi, au cas présent, la vente intervenue le 31 août 2015, entre EDEN AUTO et la société d'ARVAL d'un véhicule automobile de marque BMW Série 1 / 120d / 184ch / URBAN LIFE, immatriculé CG-659-EK, mis en circulation le 8 août 2012, ne permet pas de dire que EDEN AUTO demandait à son vendeur, dont la profession est la location (“LEASE”), la délivrance d’un véhicule en parfait état de marche.

A ce titre EDEN AUTO invoque avoir fait procéder sur ce véhicule à un entretient avant revente et c’est donc à juste titre que ARVAL SERVICE LEASE invoque le fait que son acquéreur n’aurait en toute logique pas procédé à toutes les diligences nécessaires, en sa qualité de professionnel, dans les vérifications qu'il a faite avant la revente du véhicule à M. [O] et que si responsabilité il y avait, elle serait exclusivement imputable à EDEN AUTO.

Dans ces conditions, ARVAL SERVICE LEASE ne peut être tenu de garantir des suites pécuniaires de la condamnation de son acquéreur, ce tant en terme de restitution du prix de vente, que de dommages et intérêts consécutifs.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l'article 696 du code de procédure civile, soit ici le vendeur.

- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.
Il sera donc fait droit à la demande de l’acquéreur dans la limite de 1.000 €.
Il sera fait droit à la demande de premier vendeur dans la limite de 1.000 €.

- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX,

- DIT que la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX et SA ARVAL SERVICE LEASE sont irrecevables à soulever en défense devant la formation de jugement une exception de procédure tirée d’une supposée nullité de l’assignation et des fins de non recevoir tirée de supposées prescriptions de l'action, ce en violation de la compétence exclusive du Juge de la mise en état instituée par l'article 789 du code de procédure civile ;

- PRONONCE la résolution de la vente du 30 octobre 2015, intervenue entre la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX, nouveau nom de la S.A.S. PAROT PREMIUM, et [C] [O], portant sur le véhicule BMW 120d immatriculée CG-659-EK;

- CONDAMNE la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX à rembourser à Monsieur [C] [O] le prix d'achat de 21.900 € ;

- ORDONNE à la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX de récupérer le véhicule à ses frais et moyens ;

- DIT que ces restitutions réciproques interviendrons simultanément ;

- CONDAMNE la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX à payer à Monsieur [C] [O] , à titre des dommages et intérêts consécutifs au manquement à l’obligation de délivrance la somme de 2.466 € ;

- CONDAMNE la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire s'élevant à 2.497,20 € ;

- DEBOUTE la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX de sa demande de condamner la SA ARVAL SERVICE LEASE à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à quelque titre que ce soit à son encontre ;

- CONDAMNE la S.A.S.U. EDENAUTO PREMIUM BORDEAUX à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 1.000 € à Monsieur [C] [O],
- 1.000 € à la SA ARVAL SERVICE LEASE ;

- RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.

Le présent jugement a été signé par monsieur Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président et par madame Pascale BUSATO, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/07024
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;21.07024 ?
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