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19/03/2024 | FRANCE | N°20/03296

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 19 mars 2024, 20/03296


N° RG 20/03296 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UKGZ
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND



50B

N° RG 20/03296 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UKGZ

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.A.S. THYSSENKRUPP ASCENSEURS

C/


Le Syndicat des copropriétaires SDC LE TRIANON,
S.A.R.L. La société MER GOLF ET LOISIRS (résidence LE TRIANON)







Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SCP DGD
la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX




TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHA

MBRE CIVILE


JUGEMENT DU 19 MARS 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique

Greffier, lors des débats et du p...

N° RG 20/03296 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UKGZ
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE

SUR LE FOND

50B

N° RG 20/03296 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UKGZ

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A.S. THYSSENKRUPP ASCENSEURS

C/

Le Syndicat des copropriétaires SDC LE TRIANON,
S.A.R.L. La société MER GOLF ET LOISIRS (résidence LE TRIANON)

Grosses délivrées
le

à
Avocats : la SCP DGD
la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré

Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique

Greffier, lors des débats et du prononcé Pascale BUSATO, en présence de MARTN William, stagiaire

DÉBATS

A l’audience publique du 23 Janvier 2024

JUGEMENT

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE

S.A.S. THYSSENKRUPP ASCENSEURS nouvellement dénommée la société TK ELEVATOR FRANCE
ZI Saint Barthélémy
Rue de Champfleur - BP 50126
49001 ANGERS CEDEX 01

représentée par Maître Philippe ROGER de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

Le Syndicat des copropriétaires SDC LE TRIANON
161 Boulevard de la Plage
33120 ARCACHON

représentée par Maître Fabrice DELAVOYE de la SELARL DGD AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et par Maître Corinne RAYNAL de la SCP VIOLANTE - RAYNAL VIOLANTE, avocats au barreau de BAYONNE, avocat plaidant
N° RG 20/03296 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UKGZ

S.A.R.L. La société MER ET GOLF LOISIRS (résidence LE TRIANON)
47 boulevard de la Mer
64600 ANGLET

représentée par Maître Fabrice DELAVOYE de la SELARL DGD AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, Maître Corinne RAYNAL de la SCP VIOLANTE - RAYNAL VIOLANTE, avocats au barreau de BAYONNE

********
EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon marché de travaux signé le 07 avril 2013, et ses avenants des 20 novembre 2013 et 15 septembre 2014, et moyennant le prix total de 100.520 euros hors taxes, la SAS THYSSENKRUPP ASCENSEURS s’est vue confier des travaux de dépose d’un ascenceur existant, et de fourniture, installation, mise en service de deux ascenseurs, dans une résidence HOTEL RESIDENCE LE TRIANON située 161 boulevard de la plage à ARCACHON (33), comprenant des appartements en copropriété exploités en partie par la SARL MER ET GOLF LOISIRS.

Par deux ordonnances du 06 juillet 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux, saisi par le syndicat des copropriétaires et l’exploitant, a ordonné une mesure d’expertise concernant le premier ascenceur, et a enjoint à la société THYSSENKRUPP de finir les travaux de montage, de délivrer le certificat de conformité, sous astreinte de 500 euros par jour de retard durant une période de deux mois à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision.

Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux, saisi par la SARL MER ET GOLF LOISIRS, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle alléguée de la société THYSSENKRUPP, a débouté l’exploitant de ses prétentions indemnitaires au titre d’un préjudice économique et commercial résultant des dysfonctionnements des ascenseurs. Par arrêt du 23 octobre 2023, la cour d’appel de Bordeaux a infirmé cette décision, débouté la société MER ET GOLF de sa demande en réparation de son préjudice économique, et condamné la société TK ELEVATOR venant aux droits de la société THYSSENKRUPP à lui verser la somme de 15.000 euros en indemnisation de son préjudice d’atteinte à son image et sa réputation.

Exposant que des factures sont demeurées impayées à la suite de la réalisation des travaux, par acte délivré le 16 mars 2020, la SAS THYSSENKRUPP ASCENSEURS a fait assigner le syndicat des copropriétaires SDC LE TRIANON, prise en la personne de son syndic, et la SARL MER GOLF ET LOISIRS (dénommée en réalité SARL MER ET GOLF LOISIRS) devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment de paiement de la somme de 94.269,60 euros.

Par ordonnance du 22 mai 2023, le juge de la mise en état a, constaté que les défendeurs se sont désistés de leur demande tendant à la liquidation de l’astreinte, déclaré recevable la demande reconventionnelle formée par le SDC LE TRIANON relative au premier ascenseur et déclaré irrecevable la demande relative au second ascenseur en raison de sa prescription.

La clôture est intervenue le 10 janvier 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 09 janvier 2024, la SAS TK ELEVATOR FRANCE, anciennement dénommée THYSSENKRUPP ASCENSEURS, sollicite du tribunal :
- la condamnation solidaire du SDC LE TRIANON et de la SARL MER ET GOLF LOISIRS à lui payer la somme de 78.558 euros TTC, avec intérêts au taux contractuel de trois fois le taux de l’intérêt au taux légal à compter de la date d’exigibilité de chaque facture et jusqu’à parfait paiement,
- la condamnation de la SARL MER ET GOLF LOISIRS à lui payer une indemnité forfaitaire de 40 euros par facture impayée, soit la somme totale de 120 euros,
- le débouté du SDC LE TRIANON de ses demandes reconventionnelles,
- le débouté de la SARL MER ET GOLF LOISIRS de ses demandes,
- la condamnation du SDC LE TRIANON et de la SARL MER ET GOLF LOISIRS au paiement des dépens de l’instance,
- la condamnation solidaire du SDC LE TRIANON et de la SARL MER ET GOLF LOISIRS à lui payer la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande en paiement du solde de facture, la société TK ELEVATOR FRACE expose, qu’ayant parfaitement exécuté ses obligations contractuelles pour avoir livré et installé les ascenseurs commandés, la seule réserve indiquée à la réception ayant été levée, elle est fondée à obtenir le paiement des factures émises les 19 mars, 21 avril et 27 août 2015. Elle prétend également, sur le fondement de l’article L441-10 du code de commerce, pouvoir obtenir des intérêts sur les sommes dues, et une indemnité forfaitaire pour chacune des factures impayées.

Elle soutient que la SARL MER ET GOLF LOISIRS est bien cocontracante au marché de travaux, qu’elle a notamment agi devant d’autres juridictions suite à ce contrat, et qu’elle tente d’entretenir une confusion entre différentes entités. Elle prétend ainsi qu’elle se trouve par conséquent débitrice des sommes dues.

Elle allègue du caractère injustifié du refus de paiement par le syndicat de copropriétaire, sur le fondement des articles 1134 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, et 1604 du code civil. Ainsi, elle conteste tout retard dans la livraison du premier ascenseur qui a été mis en service le 19 mars 2015 et réceptionné sans réserve le 10 avril 2015, et expose qu’aucune demande ne peut être formulée par les défenderesses au titre du deuxième ascenseur, compte tenu de la prescription constatée par le juge de la mise en état.

En réponse à la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires au titre du remplacement de l’ascenseur du fait de désordres, la société TK ELEVATOR fait valoir qu’il n’est pas démontré la nécessité d’un remplacement intégral, lequel n’a d’ailleurs pas été effectué depuis sept années. Elle soutient également que le remplacement des pièces défectueuses a été réalisé dans le cadre du contrat d’entretien et qu’il n’existe plus de désordres à ce jour pour justifier la compensation réclamée. Elle expose que les désordres allégués ne relèvent pas de sa responsabilité, mais de celle du contrat de maintenance confié à une autre société.

S’agissant du préjudice allégué par la copropriété, la société TK ELEVATOR fait valoir que ni sa réalité, ni son montant ne sont démontrés, aucune évaluation forfaitaire ne pouvait être retenue.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 08 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier le TRIANON, pris en la personne de son syndic en exercice, le syndic CABAY IMMOBILIER, et la SARL MER ET GOLF LOISIRS demandent au tribunal de :
- mettre hors de cause la société MER ET GOLF LOISIRS
- condamner la société THYSSENKRUPP à payer à la SARL MER ET GOLF LOISIRS la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société THYSSENKRUPP de ses demandes formées à l’encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence le TRIANON,
- condamner la société THYSSENKRUPP à payer au syndicat des copropriétaires des dommages et intérêts à hauteur de:
* 83.220 euros au titre du remplacement des ascenseurs,
* 44.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- juger que par le jeu de la compensation entre le solde du marché restant dû et la sommes dues par la société demanderesse, il reste dû au syndicat des copropriétaires la somme de 50.212 euros,
- condamner la société THYSSENKRUPP au paiement des dépens,
- condamner la société THYSSENKRUPP au paiement de la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de la mise hors de cause de la SARL MER ET GOLF LOISIRS, elles font valoir que celle-ci n’est pas propriétaire de l’immeuble, qu’elle n’a commandé aucun travaux, ni signé aucun contrat dès lors qu’elle n’a pas la capacité et le pouvoir juridique de le faire.

S’agissant de la demande formée à l’encontre du syndicat des copropriétaires, celui-ci fait valoir que les factures n’ont pas été acquittées mais que cette demande se heurte aux carences qui ont été celles de la société TK ELEVATOR dans la fabrication et l’installation des ascenseurs, la copropriété ayant eu à souffrir de délais d’installation et de mise en service importants. Elle expose que les dysfonctionnements perdurent et portent sur la vitesse de l’ascenseur, leur caractère bruyant et leur usure anormale du fait d’un mauvais montage initial.

Compte tenu de ces manquements, la copropriété représentée par son syndic réclame l’indemnisation du préjudice qu’elle va devoir supporter pour le remplacement du premier ascenseur à hauteur de 83.220 euros, dont il ne pourrait tout au plus être déduit que le coût d’une usure normale des appareils, usure difficile à chiffrer en l’état compte tenu du montage défectueux dès l’origine.

A l’appui de sa seconde prétention indemnitaire, la copropriété fait valoir que les propriétaires des appartements n’ont pu en jouir paisiblement et correctement en ce que jusqu’au mois de janvier 2016 un seul ascenseur fonctionnait, et que des pannes et dysfonctionnements surviennent depuis la mise en service de chacun des appareils. Elle prétend que les copropriétaires bénéficiant de semaines d’occupation personnelles, le préjudice doit être évalué à la somme de 520 euros par appartement, soit la somme totale de 44.500 au titre des 89 appartements.

Elle soutient également, que le compte fait entre les parties dans le cadre de l’expertise judiciaire permet de retenir que la somme restant due est de 65.465 euros HT, et non celle de 78.558 euros telle que réclamée par la société demanderesse, somme dont il convient par ailleurs de déduire les dépenses supportées par la copropriété au titre des réparations, changements de pièces et interventions qui n’auraient pas eu lieu si le montage avait été effectué dans les règles de l’art, soit la somme de 1.100 euros HT. Elle retient donc que la somme due est de 77.508euros TTC.

Elle réclame la compensation entre la somme due par la copropriété de 77.508 euros, et l’indemnisation de ses deux postes de préjudices.

MOTIVATION

1/ Sur la demande formée par la société TK ELEVATOR en paiement des travaux

En vertu de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 applicable au présent litige compte tenu de la date de conclusion du contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. [...] Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En application de ce texte, une partie peut suspendre l’exécution de son obligation lorsque l’autre n’exécute pas la sienne.

En l’espèce, le devis signé le 7 novembre 2013 ne stipule pas spécifiquement le nom du co-contractant de la société THYSSENKRUPP ASCENSEURS dès lors qu’il n’est mentionné aucun nom dans la partie “le client” et que le cachet porte le nom HOTEL-RESIDENCE LE TRIANON, sans mention de la structure juridique.

En revanche, le décompte aux fins de paiement établi le 19 mars 2015 par la société THYSSENKRUPP a été adressé au syndic de copropriété, celui-ci étant mentionné en dernière page de ce document comme le signataire et le payeur, sans qu’il n’y ait de mention de la SARL MER ET GOLF LOISIRS. Des mentions identiques figurent sur les décomptes suivants établis le 21 avril 2015, le 27 août 2015. De même, le procès-verbal de réception établi le 26 août 2015 identifie également en qualité de maître de l’ouvrage la syndic de copropriété, et ne fait aucune référence à la société MER ET GOLF.

Il n’est pas contesté par la société TK ELEVATOR que la société MER ET GOLF LOISIRS n’est pas propriétaire de l’immeuble, dès lors qu’elle est titulaire d’un contrat de gestion et d’exploitation de la résidence de tourisme.

Le fait que la société MER ET GOLF ait engagé des procédures judiciaires devant le juge des référés et devant le tribunal de commerce ne saurait permettre de retenir sa qualité de co-contractant. En effet, il doit être relevé que devant le tribunal de commerce, la demande formée par la société MER ET GOLF était fondée sur la responsabilité délictuelle de la société THYSSENKRUPP. Cela démontre ainsi que la société MER ET GOLFE n’a pas revendiqué la qualité de co-contractant, mais celle de tiers au contrat invoquant un préjudice suite à l’exécution de celui-ci, et qu’elle était dès lors, dans ce cadre juridique, légitime à solliciter l’organisation d’une expertise par le juge des référés.

Le fait que la SARL MER ET GOLF LOISIRS ait servi d’intermédiaire pour transmettre le devis le 12 novembre 2013 à la société THYSSENKRUPP ne saurait suffir à lui conférer la qualité de co-contracant.

Enfin, et en tout état de cause, la seule entité juridique en capacité d’engager juridiquement les copropriétaires pour la conclusion de contrats concernant les parties communes de l’immeuble est le syndicat de copropriétaire.

Dans ces conditions, la demande en paiement formée à l’encontre de la société MER ET GOLF ne saurait prospérer.

S’agissant de la demande formée à l’encontre du syndicat de copropriétaire, celui-ci admet ne pas s’être acquitté du paiement de l’intégralité des sommes dues au titre des travaux de pose/installation/mise en service de deux ascenseurs, en dehors de l’acompte initial, mais oppose des manquements de son co-contractant à l’exécution de ses obligations.

Or, concernant les délais de livraison, l’expertise permet de retenir que si le délai initial n’a pas été respecté, c’est en raison de la temporisation de la commande par le syndicat des copropriétaires pour des raisons budgétaires. La société réalisant les travaux ne peut donc être tenue à ce délai contractuel initial, qui a été dépassé de sept semaines.

S’agissant du délai ultérieurement fixé, la nouvelle date n’a été dépassée que de trois semaines, et est la conséquence de difficultés liées au choix de nouveaux ascenseurs, et la présence d’autres corps de métiers. L’expert relève par ailleurs les efforts réalisés par la société TK ELEVATOR pour tenir les objectifs. Ce délai de trois semaines ne saurait donc justifier l’exception d’inexécution alléguée pour s’opposer au paiement de 75% du montant des travaux.

Par ailleurs, au titre des dysfonctionnements, l’expertise judiciaire a relevé le mauvais positionnement de portes palières qui frottent l’une sur l’autre, l’instabilité de la cabine dans son chemin de roulement, et son mauvais positionnement dans la gaine. L’expert retient que les pannes et dysfonctionnements constatés sont la conséquence d’un montage et de règlages dont la qualité nécessaire au bon fonctionnement n’a pas été assurée.

Enfin, concernant le compte à faire entre les parties au regard des prétentions indemnitaires, il ne peut constituer une cause d’exception d’inexécution, mais nécessite d’examiner les prétentions indemnitaires, avant d’envisager éventuellement une compensation entre les sommes dues.

Dès lors, un manquement de la société TK ELEVATOR à son obligation de réaliser les travaux dans les règles de l’art est établi au regard des désordres relevés par l’expert. Ce manquement ne saurait toutefois revêtir un caractère de gravité suffisant pour conduire au rejet total de la demande de la société TK ELEVATOR comme réclamé par le syndicat des copropriétaires, dès lors que les travaux initiaux ont été, même imparfaitement, réalisés. Par ailleurs, si l’expertise mentionne certes que des travaux de reprise des anomalies devaient être diligentés, l’expert n’a toutefois pas chiffré le coût de ces travaux, ce qui aurait pu servir de base pour une évaluation de la part à venir en déduction du prix restant à payer au titre de l’exception d’inexécution. De même, le syndicat des copropriétaires est défaillant à démontrer la valeur de ces travaux, dès lors qu’il ne produit pas le document d’évaluation des travaux de reprise qui avait été communiqué à l’expert et qui avait conduit ce dernier à ne pas intégrer de somme à ce titre, dans le décompte entre les parties, en raison de l’engagement de la société THYSSEN à réaliser ces travaux de remise en ordre de l’ascenseur.

Dans ces conditions, faute pour le SDC LE TRIANON de rapporter la preuve qui lui incombe, le compte entre les parties sera établi sans déduction du coût des travaux de reprise, et hors compensation examinée ultérieurement.
Ainsi, il résulte du décompte définitif établi le 27 août 2015, et du décompte établi par l’expert que le montant total des travaux est de 100.520 euros HT, soit 120.483,78 euros TTC, sur laquelle la société TK ELEVATOR FRANCE indique avoir perçu un acompte d’un montant de 35.055 euros HT, soit 41.925,78 euros TTC.

Il convient de déduire la somme de 1.100 euros HT, soit 1.320 euros TTC, jusifiée par la facture acquittée par le syndicat pour des travaux de reprise réalisés par une société tiers pour le changement de courroie.

Le solde dû s’élève ainsi à la somme de 64.356 euros HT, soit 77.238 euros TTC.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de condamner le syndicat des copropriétaires SDC LE TRIANON, pris en la personne de son syndic en exercice, le syndic CABAY IMOBILIER, à payer à la société TK ELEVATOR FRANCE la somme de 77.238 euros TTC, et de débouter celle-ci de ses demandes formées à l’encontre de la SARL MER GOLF ET LOISIRS. Cette somme portera intérêt au taux contractuel de trois fois le taux de l’intérêt légal à compter de la délivrance de l’assignation en l’absence de mise en demeure préalable de paiement.

2/ Sur les prétentions indemnitaires formées par le syndicat des copropriétaires

En vertu de l’article 1147 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 applicable au contrat litigieux, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l’espèce, comme retenu précédemment, il résulte de l’expertise un manquement de la société TK ELEVATOR à son obligation d’exécuter les travaux dans les règles de l’art, dès lors que les pannes et dysfonctionnements constatés sont la conséquence d’un montage et de règlages dont la qualité nécessaire au bon fonctionnement n’a pas été assurée.

Compte tenu de ce manquement, il convient d’examiner les postes de préjudice dont l’indemnisation est sollicitée.

- Au titre du remplacement de l’ascenseur

Comme mentionné précédemment, l’expertise indique que des travaux de reprise étaient proposés et devaient être mis en oeuvre par la société THYSSENKRUPP. Il n’est pas démontré par des pièces contraires par le SDC LE TRIANON que ces travaux pourraient ne pas être satisfactoires. L’expert a également indiqué que les interventions déjà réalisées ont résolu la majorité des dysfonctionnements, et qu’il ne reste qu’à remplacer quelques éléments défectueux ou mal montés sans remise en cause de la sécurité. L’expert judiciaire ne préconise ainsi pas le remplacement intégral de l’appareil.
Ce remplacement n’est pas non plus préconisé par l’expert SCE sollicité par la société SCHINDLER, désormais en charge de la maintenance de l’appareil.Ce rapport “d’expertise ponctuelle” établi en décembre 2021 mentionne exclusivement une liste de travaux pour pouvoir maintenir en service l’appareil.

Le fait que ce nouveau prestataire formule une proposition chiffrée de modernisation des ascenseurs ne saurait permettre de démontrer l’existence d’un préjudice résultant des manquements commis par la société TK ELEVATOR FRANCE.

Dès lors, il n’est pas démontré l’existence d’un préjudice lié à la nécessité de remplacer l’ascenseur objet du litige, ce qui doit conduire au rejet de cette demande.

- Au titre du préjudice de jouissance

Il résulte de l’expertise que l’ascenseur mis en place par la société TK ELEVATOR a présenté du fait du manquement de celle-ci à l’exécution de ses obligations contractuelles de réaliser les travaux dans les règles de l’art, des dysfonctionnements et des pannes. Ces désordres occasionnent un préjudice de jouissance pour le syndicat des copropriétaires dès lors que l’utilisation de l’appareil ne pouvait avoir lieu sereinement de ce fait, ce d’autant plus que les désordres sont apparus alors que le second ascenseur n’était pas encore mis en oeuvre. Ainsi, les parties communes de l’immeuble se sont trouvées affectées d’une moindre accessibilité du fait de ces manquements.

Compte tenu de ce que la copropriété est composée de 89 appartements, et de ce que la perte de jouissance a perduré pendant plusieurs mois, il convient d’évaluer le préjudice ainsi subi par le syndicat des copropriétaires à la somme totale de 22.500 euros.

3/ Sur la demande de compensation

En vertu de l’article 1347 du code civil, la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.

En l’espèce, la société TK ELEVATOR et le syndicat des copropriétaires sont tous deux, au terme du présent jugement, débitrices et créancières de sommes l’une envers l’autre.

Il convient par conséquent d’ordonner la compensation entre les sommes dues par chacune des parties selon les modalités fixées au dispositif du jugement.

4/ Sur les frais du procès

- Dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires SCD LE TRIANON, succombant à titre principal à la présente instance, il convient de le condamner au paiement des dépens.

- Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

En l’espèce, compte tenu des condamnations réciproques, des considérations d’équité commandent dire n’y avoir lieu à condamnation de la SCD LE TRIANON et de la société TK ELEVATOR au titre des frais irrépétibles.

La société TK ELEVATOR qui perd son procès à l’encontre de la SARL MER ET GOLF LOISIRS sera condamnée à lui payer la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires SCD LE TRIANON, pris en la personne de son syndic en exercice, le syndic CABAY IMOBILIER, à payer à la SAS TK ELEVATOR FRANCE, anciennement dénommée SAS THYSSENKRUPP ASCENSEURS la somme de 77.238 euros TTC, avec intérêt au taux contractuel de trois fois le taux de l’intérêt légal à compter du 16 mars 2020 ;

DÉBOUTE la SAS TK ELEVATOR FRANCE, anciennement dénommée SAS THYSSENKRUPP ASCENSEURS de ses demandes formées à l’encontre de la SARL MER GOLF ET LOISIRS ;

CONDAMNE la SAS TK ELEVATOR FRANCE, anciennement dénommée SAS THYSSENKRUPP ASCENSEURS à payer au syndicat des copropriétaires SCD LE TRIANON, pris en la personne de son syndic en exercice, le syndic CABAY IMOBILIER la somme de 22.500 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires SCD LE TRIANON de sa demande indemnitaire au titre du remplacement de l’ascenseur ;

ORDONNE la compensation entre les sommes dues par la SAS TK ELEVATOR FRANCE, anciennement dénommée SAS THYSSENKRUPP ASCENSEURS et par le syndicat des copropriétaires SCD LE TRIANON, pris en la personne de son syndic en exercice, le syndic CABAY IMOBILIER ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires SCD LE TRIANON, pris en la personne de son syndic en exercice, le syndic CABAY IMOBILIER au paiement des dépens de l’instance ;

CONDAMNE la SAS TK ELEVATOR FRANCE, anciennement dénommée SAS THYSSENKRUPP ASCENSEURS à payer à SARL MER GOLF ET LOISIRS la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT N’Y AVOIR LIEU à condamnation du syndicat des copropriétaires SCD LE TRIANON, pris en la personne de son syndic en exercice, le syndic CABAY IMOBILIER sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT N’Y AVOIR LIEU à condamnation de la SAS TK ELEVATOR FRANCE, anciennement dénommée SAS THYSSENKRUPP ASCENSEURS sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La présente décision est signée par Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et Madame Pascale BUSATO, Greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/03296
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;20.03296 ?
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