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12/03/2024 | FRANCE | N°23/09993

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 12 mars 2024, 23/09993


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 12 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/09993 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMJF
Minute n° 24/ 67


DEMANDEUR

S.A. VISIOMED GROUP, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 514231265, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 6]
[Localité 10]

représentée par Maître Arnaud BAYLE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maîtres Guillaume BUGE et Diane HERVEY-CHUPIN de l’AARPI SOLFERINO ASSOCIES, avocats au barreau d

e PARIS, avocats plaidants


DEFENDEURS

S.A.S. BEWELLCONNECT, inscrite au RCS de Nice sous le n° 487 766 784, pr...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 12 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/09993 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMJF
Minute n° 24/ 67

DEMANDEUR

S.A. VISIOMED GROUP, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 514231265, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 6]
[Localité 10]

représentée par Maître Arnaud BAYLE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maîtres Guillaume BUGE et Diane HERVEY-CHUPIN de l’AARPI SOLFERINO ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants

DEFENDEURS

S.A.S. BEWELLCONNECT, inscrite au RCS de Nice sous le n° 487 766 784, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 7] [Localité 1]

Monsieur [Z] [E]
demeurant [Adresse 3] [Localité 1]

S.A.S. BEWELLTHY, inscrite au RCS de Nice sous le n° 922 173 638, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 7] [Localité 1]

S.A.S. MEDSCO INVEST, inscrite au RCS de Nice sous le n° 921 937 777, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 7]
[Adresse 7] [Localité 1]

Monsieur [O] [N]
demeurant [Adresse 2] [Localité 5]

Madame [K] [F]
demeurant [Adresse 8] [Localité 9]

représentés par Maître Yann DIODORO, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant, Maître Mathilde STINCO, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant
S.E.L.A.R.L. [M]-LES MANDATAIRES, représentée par Me [I] [M], en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS BEWELLCONNECT
dont le siège social est [Adresse 4] [Localité 1]

représentée par Maître Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant, Maître Mathilde STINCO, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 23 Janvier 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 12 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 12 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Paris en date du 22 septembre 2023, la SA VISIOMED GROUP a fait assigner la SAS BEWELLCONNECT, Monsieur [Z] [E], la SAS BEWELLTHY, la SAS MEDSCO INVEST, Monsieur [O] [N] et Madame [K] [F] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux par acte de commissaire de justice en date du 26 octobre 2023 afin de voir liquidée l’astreinte fixée par cette décision.

Par jugement du même jour, le tribunal de commerce de Nice a placé la SAS BEWELL CONNECT en redressement judiciaire et désigné la SELARL [M] LES MANDATAIRES en qualité de mandataire judiciaire.

Par acte de commissaire de justice en date du 17 novembre 2023, la SA VISIOMED GROUP a dénoncé l’assignation à la SELARL [M] LES MANDATAIRES.

A l’audience du 23 janvier 2024 et dans ses dernières conclusions, la SA VISIOMED GROUP conclut à la compétence de la présente juridiction et s’en remet quant à la fin de non-recevoir soulevée par la SAS BEWELL CONNECT relevant l’irrecevabilité de la demande au regard du principe d’arrêt des poursuites. Au fond, elle sollicite au visa des articles L131-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution la liquidation de l’astreinte provisoire et la condamnation in solidum des défendeurs à lui verser la somme de 800.000 euros outre 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SA VISIOMED GROUP fait valoir que la clause attributive de compétence prévue par le contrat de joint venture n’a vocation à s’appliquer que concernant les litiges résultant de l’exécution de contrat. Elle souligne que la procédure collective a été ouverte le même jour que la délivrance de l’assignation, cette hypothèse n’étant pas documentée en jurisprudence, mais précise s’en remettre sur l’application du principe de l’arrêt des poursuites au bénéfice de la SAS BEWELL CONNECT.

Sur le fond, elle soutient que les défendeurs ont à 4 reprises volontairement enfreint l’interdiction faite par l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 22 septembre 2023 de s’abstenir de dénigrer publiquement la SA VISIOMED GROUP. Elle fait valoir qu’elle a été contrainte de communiquer sur cette décision de façon publique, dans la mesure où elle est cotée en bourse et ainsi soumise à des obligations de communication pour rassurer les porteurs de titres, les dénigrements ayant donné lieu à l’ordonnance litigieuse, ayant fortement impacté le cours de son titre. Elle fait valoir que par la publication d’un communiqué relayé par la suite dans un média spécialisé, l’AGEFI puis dans un article sur le site Warning Trading et enfin dans le cadre d’une publication Linkedin sur le compte du conseil de l’un des défendeurs, ces derniers l’ont dénigrée et ont ainsi manqué à leur obligation imposée judiciairement. Elle conteste tout exercice d’un droit de réponse dans le communiqué publié par les défendeurs le 6 octobre 2023, les formes prescrites pour l’exercice de ce droit n’ayant selon elle pas été respectées. Elle soutient le caractère délibéré des manquements commis et l’absence de cause extérieure pouvant justifier la commission de ces actes. Elle conclut à la liquidation de l’astreinte sans modération au regard des situations financières confortables des défendeurs.

A l’audience du 23 janvier 2024 et in limine litis, la SELARL [M] LES MANDATAIRES, en présence de la SAS BEWELL CONNECT, conclut au débouté de la demanderesse et à sa condamnation à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir, au visa des articles 369 et 122 du Code de procédure civile, L621-40 du Code de commerce, que l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire interrompt l’action en liquidation de l’astreinte et implique l’arrêt des poursuites individuelles.

A l’audience du 23 janvier 2024 et dans leurs dernières écritures, les autres défendeurs sollicitent à titre principal le renvoi de l’affaire et soulèvent in limine litis l’incompétence du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux pour connaitre du litige au profit du tribunal de commerce de Paris. A titre subsidiaire, ils concluent au rejet de toutes les demandes de la SA VISIOMED GROUP. A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent la minoration de l’astreinte à la somme de 10.000 euros. En tout état de cause, ils sollicitent qu’il soit constaté que le principe de solidarité « est sollicité sans identification aucune des protagonistes rendant impossible une liquidation de l’astreinte ».

Les défendeurs, à l’exception de la SAS BEWELL CONNECT, font valoir que l’affaire doit être renvoyée dans l’attente de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris statuant sur l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris. Ils soulèvent l’incompétence du juge du tribunal judiciaire de Bordeaux au regard de l’article 42 du contrat de joint venture les liant et attribuant la compétence pour tout litige entre les parties au tribunal de commerce de Paris.

Sur le fond, ils contestent toute liquidation d’astreinte soulignant que l’interdiction judiciaire a été faite jusqu’à l’issue des contentieux existants entre les parties. Ils font valoir qu’aucune procédure judiciaire n’étant pendante entre les actionnaires, l’interdiction n’a pas lieu de s’appliquer. Ils contestent toute violation de l’obligation judiciaire dans la publication du communiqué du 6 octobre 2023, précisant qu’il s’agit de l’exercice d’un droit de réponse au communiqué de la SA VISIOMED GROUP publié le 3 octobre 2023. Elle considère que la reprise par deux médias indépendants hors de toute initiative de sa part de son communiqué ne peut s’analyser en un manquement à son obligation qui lui soit imputable. Elle fait valoir le même moyen concernant la publication sur Linkedin réalisée par le conseil de Monsieur [E] qui a agi de son propre chef et hors de tout mandat confié par son client, cette publication ne pouvant donc leur être imputée, Maitre [H] n’étant en outre pas visé par les termes de l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris. Les défendeurs contestent le montant de l’astreinte réclamée, précisant que la demanderesse s’est prévalue d’un préjudice de 38,5 millions d’euros suite à la dépréciation de son cours à la bourse mais n’a en définitive inscrit au passif de la SAS BEWELL CONNECT qu’une créance de 939.033,55 euros soit 68 fois moins. Elle sollicite donc une réduction de l’astreinte dans les mêmes proportions, à titre subsidiaire.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur le renvoi et la jonction

Il n’y a pas lieu d’ordonner le renvoi du dossier, l’assignation en date du 26 octobre 2023 réclamant l’application d’une décision exécutoire par provision nonobstant l’appel qui en a été interjeté.

L’instance introduite par l’appel en cause de la SELARL [M] LES MANDATAIRES sera jointe à l’instance principale afin qu’il soit statué sur l’ensemble des demandes ayant toutes trait au même litige.

Le dossier 23/09994 sera donc joint au dossier 23/09993.

- Sur l’irrecevabilité des demandes à l’encontre de la SAS BEWELLCONNECT

L’article L621-40 du Code de commerce dispose :

« I. - Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II. - Il arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles.
III. - Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus. »

En l’espèce il n’est pas contesté que la délivrance de l’assignation à l’encontre de la SAS BEWELL CONNECT a été concomitante au prononcé de l’ouverture du redressement judiciaire. Il est également constant que la présente instance vise à liquider une astreinte prononcée par une décision judiciaire en date du 22 septembre 2023 donc antérieurement au 26 octobre 2023, date de l’assignation.

Il y a donc lieu de faire application du principe de l’arrêt des poursuites et de constater que les demandes formées à l’encontre de la SAS BEWELL CONNECT sont irrecevables.

- Sur la compétence du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux

L’article 42 du contrat de joint venture versé aux débats et conclu entre Medsco Invest, [O] [N], [K] [J], [U] [Y], [T] [D] et Visiomed Group prévoit : « Tout litige survenant entre les parties sera soumis à la compétence exclusive du tribunal de commerce de Paris, y compris en cas de pluralité de défendeurs et en matière de référé. »

Outre que cette convention ne lie pas la totalité des parties au présent litige et ne saurait donc s’appliquer aux parties non contractantes, cette clause attributive de compétence a vocation à s’appliquer pour tout litige concernant l’exécution de la convention qui la contient. Or, le présent litige a trait à la liquidation d’une astreinte judiciaire étrangère à l’application de cette convention. Les défendeurs ne se prévalent du reste pas de cette clause de compétence dans leurs écritures versées aux débats dans l’instance pendant devant la Cour d’appel de Paris puisqu’ils invoquent la compétence du tribunal de commerce de Nice.

Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux est donc bien compétent pour statuer sur le présent litige.

- Sur la liquidation de l’astreinte et la fixation d’une astreinte définitive

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”

L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.

L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir”.

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère”.

Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d'une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l'atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l'évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.

Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que : « Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. »

Le dispositif de l’ordonnance du 22 septembre 2023 prévoit : « Enjoignons la SAS BEWELL CONNECT, M [Z] [E], M [O] [N], Mme [K] [F], la SAS BEWELLTHY et la SAS MEDSCO INVEST :
- de s’abstenir de communiquer publiquement et de quelque manière que ce soit sur les contentieux qui opposent BEWELL CONNECT et/ou Monsieur [E] et/ou BEWELLTHY et/ou MEDSCO INVEST à VISIOMED GROUP,
- de dire que les échanges de BEWELL CONNECT et/ ou Monsieur [E] et/ou BEWELLTHY et/ ou MEDISCO INVEST avec VISIOMED GROUP devront se faire par l’intermédiaire de leurs conseils, et à destination des conseils des demandeurs,
- de s’abstenir de publier tout avis ou commentaire relatif aux personnes visées ci-dessus, sur internet et les réseaux sociaux et notamment tout avis Google, toute publication sur Facebook, Linkedin, Instagram, concernant les personnes précitées,
- le tout sous astreinte de 200.000 euros par manquement constaté.

Disons que cette mesure perdurera jusqu’à l’issue des contentieux existants entre SAS BEWELLCONNECT et/ou M [Z] [E] et/ou M [O] [N] et/ou Mme [K] [F] et/ou la SAS BEWELLTHY et/ou la SAS MEDSCO INVEST à VISIOMED GROUP ».

Cette ordonnance a été signifiée à tous les défendeurs par actes en date du 27 septembre 2023.

Le terme de « contentieux » retenu par la décision est suffisamment large pour excéder la seule hypothèse de l’existence d’une procédure judiciaire. En tout état de cause, le présent litige étant pendant et ayant vocation à perdurer jusqu’à la décision de la Cour d’appel statuant sur l’ordonnance litigieuse, il existe bel et bien actuellement un contentieux entre les parties de telle sorte que les dispositions de l’ordonnance susvisée ont vocation à s’appliquer.

Le communiqué de la SA VISIOMED GROUP en date du 3 octobre 2023 est bien versé aux débats par la demanderesse en contradiction avec les écritures des défendeurs. Ce communiqué de presse reprend certains éléments de motivation de l’ordonnance de référé et rappelle certaines parties de son dispositif, de façon objective. Il précise que la décision est susceptible d’appel et rappelle les conditions de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SAS BEWELL CONNECT. Les termes de ce communiqué sont donc objectifs et factuels et ne comportent aucun élément dénigrant à l’encontre des défendeurs, ce d’autant que la décision est annexée à ce communiqué. Le bienfondé de ce communiqué est justifié par la nécessité d’informer les actionnaires de la SA VISIOMED GROUP cotée en bourse.

Le communiqué de la SAS BEWELL CONNECT en date du 6 octobre 2023 se prévaut d’un « droit de réponse » et indique notamment « cette ordonnance de référé a été rendue par un juge consulaire statuant à juge unique, sans aucune motivation en fait et en droit et procédant par un copier-coller des écritures adverses ». Il mentionne également : « Si cette ordonnance est effectivement exécutoire de plein droit, elle n’est pas définitive, appel a été interjeté le 4 octobre 2023, de telle sorte que des magistrats cette fois professionnels et indépendants se prononceront » puis « Une procédure collective est également ouverte devant le tribunal de commerce de Nice, et audiencée le 6 novembre 2023, témoignant, s’il en était besoin, des difficultés financières des filiales du groupe Visiomed. »

Outre que ce communiqué jette un discrédit certain sur la décision de justice précitée, il se situe dans la droite ligne des publications ayant précédé cette décision notamment en questionnant ouvertement la solvabilité de la SAS BEWELL CONNECT, et donc par ricochet de la SA VISIOMED GROUP dont elle est une filiale.

Ce communiqué ne saurait donc s’analyser en une simple communication factuelle sur le recours entrepris à l’encontre de l’ordonnance de référé mais en un commentaire de cette décision en des termes dénigrants et en un nouvel opprobre jeté sur la solvabilité de la demanderesse.

Le droit de réponse au sens juridique du terme fait l’objet d’une règlementation précise prévue par l’article 6 de la loi n°2004-575 rappelée du reste par la société VISIOMED sur son site internet. Ainsi ce communiqué doit être adressé au directeur de la publication dans un délai précis, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

Ce communiqué constitue donc indéniablement un manquement à l’obligation de ne pas faire édictée par l’ordonnance de référé du 22 septembre 2023.Aucune cause extérieure n’est invoquée pour le justifier et son caractère délibéré ne fait pas de doute puisqu’il se revendique comme une réponse.

En revanche, la demanderesse n’établit pas la communication volontaire et la demande de publication diligentée par les défendeurs auprès de l’AGEFI, média spécialisé qui a pu tout à fait s’emparer seul du communiqué public.

Le deuxième manquement invoqué par la demanderesse n’est donc pas établi.

Le post Linkedin du média Warning Trading mentionne clairement la communication du communiqué litigieux par Maitre [V] [H], avocat de Monsieur [E]. Pour autant Maître [H] n’était pas partie à la procédure de référé et n’est pas concerné par l’interdiction judiciaire contenue dans l’ordonnance rendue dans ce contexte. Rien ne démontre par ailleurs que Monsieur [E] ait expressément mandaté son conseil pour relayer ce communiqué notamment au vu du post personnellement publié par celui-ci. Le fait que la société BEWELLCONNECT ait « liké » cette publication ne suffit pas à en faire l’instigatrice bien qu’elle ait contribuée indéniablement à sa propagation. Ce communiqué, étant en tout état de cause public, il avait vocation à être connu de tous, ce manquement ayant déjà été relevé par la présente juridiction.

La demanderesse n’établit donc pas la violation délibérée par les défenderesses de l’obligation de ne pas faire mise à leur charge par la décision du juge des référés dans la publication des posts du média Warning Trading et de Maitre [V] [H] agissant en son nom personnel.

Un seul manquement à l’obligation judiciaire peut donc être relevé.

En application des dispositions susvisées, il y a donc lieu de liquider l’astreinte au vu de ce seul communiqué.

S’agissant des personnes responsables de cette publication, ce communiqué mentionne « la SAS BEWELL CONNECT, la SAS BEWELTHY, la SAS MEDSCO INVEST et dirigeants et Monsieur [Z] [E] ». Il ressort des extraits K bis versés aux débats que Madame [K] [J] est la directrice générale de la SAS BEWELLTHY et que Monsieur [N] est président de la société MEDSCO INVEST. Le communiqué visant « les dirigeants », ces personnes seront solidairement tenues au paiement de l’astreinte liquidée avec les personnes morales qu’ils dirigent.

Les termes de l’ordonnance de référé sont clairs et il n’entre pas dans l’office du juge de l’exécution d’en modifier les termes sauf disproportion manifeste entre l’enjeu protégé et son montant. Or, il ressort de la motivation de l’ordonnance de référé que les précédents dénigrements relevés par cette décision ont causé un préjudice majeur à la SA VISIOMED dont le cours en bourse a été très rapidement déprécié.

La somme de 200.000 euros retenue par le juge du principal apparait donc proportionnée aux capacités financières des sociétés et des particuliers défendeurs à la présente procédure. Elle a en outre une vocation comminatoire qui, bien qu’elle n’ait pas en l’espèce fonctionné, doit demeurer. Elle ne saurait enfin avoir une valeur indemnitaire, s’agissant d’une astreinte et non d’une condamnation à des dommages et intérêts, laquelle demeure en sus toujours possible.

L’astreinte sera donc liquidée à hauteur de 200.000 euros, somme que les défendeurs seront solidairement condamnés à payer à l’exception de la SAS BEWELL CONNECT contre qui la demande a déjà été jugée irrecevable supra.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [Z] [E], la SAS BEWELLTHY, la SAS MEDSCO INVEST, Monsieur [O] [N] et Madame [K] [F], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens et au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La demande formée par la SELARL [M] LES MANDATAIRES sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile sera rejetée, l’assignation ayant été délivrée concomitamment à l’ouverture de la procédure collective, dont la demanderesse ne pouvait de fait avoir connaissance.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
REJETTE la demande de renvoi formulée par Monsieur [Z] [E], la SAS BEWELLTHY, la SAS MEDSCO INVEST, Monsieur [O] [N] et Madame [K] [F] ;
ORDONNE la jonction du dossier 23/09994 au dossier 23/09993 ;
DECLARE la demande formée par la SA VISIOMED GROUP à l’encontre de la SAS BEWELLCONNECT irrecevable ;
DIT que le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux est compétent pour connaître du présent litige ;
LIQUIDE l’astreinte provisoire prononcée par l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Paris en date du 22 septembre 2023 à l’encontre de Monsieur [Z] [E], la SAS BEWELLTHY, la SAS MEDSCO INVEST, Monsieur [O] [N] et Madame [K] [F] au profit de la SA VISIOMED GROUP à la somme de 200.000 euros et condamne in solidum Monsieur [Z] [E], la SAS BEWELLTHY, la SAS MEDSCO INVEST, Monsieur [O] [N] et Madame [K] [F] à payer cette somme à la SA VISIOMED GROUP ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [Z] [E], la SAS BEWELLTHY, la SAS MEDSCO INVEST, Monsieur [O] [N] et Madame [K] [F] à payer à la SA VISIOMED GROUP la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
REJETTE la demande formée par la SELARL [M] LES MANDATAIRES sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [Z] [E], la SAS BEWELLTHY, la SAS MEDSCO INVEST, Monsieur [O] [N] et Madame [K] [F] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/09993
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;23.09993 ?
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