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12/03/2024 | FRANCE | N°23/04294

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 12 mars 2024, 23/04294


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 12 Mars 2024


DOSSIER N° RG 23/04294 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X2SH
Minute n° 24/ 64


DEMANDEUR

S.A.R.L. V.D., immatriculée au RCS de Dax sous le n° 500 412 580, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Stéphanie LACREU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Julien CLAUDEL de la SCPA LUZ AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE, avocat plaidant

r>DEFENDEUR

S.A.R.L. CALANDRE, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 393 679 808, prise en la personne de son repré...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 12 Mars 2024

DOSSIER N° RG 23/04294 - N° Portalis DBX6-W-B7H-X2SH
Minute n° 24/ 64

DEMANDEUR

S.A.R.L. V.D., immatriculée au RCS de Dax sous le n° 500 412 580, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Stéphanie LACREU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Julien CLAUDEL de la SCPA LUZ AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE, avocat plaidant

DEFENDEUR

S.A.R.L. CALANDRE, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 393 679 808, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Xavier DELAVALLADE de la SCP DELAVALLADE - RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 23 Janvier 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 12 Mars 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 12 mars 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 2 juin 2022, la SARL VD a fait assigner la SARL CALANDRE par acte de commissaire de justice en date du 11 mai 2023 afin de voir liquidée l’astreinte fixée par cette décision.

A l’audience du 23 janvier 2024 et dans ses dernières conclusions, la SARL VD sollicite au visa des articles L131-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution :
- la liquidation de l’astreinte et la condamnation de la SARL CALANDRE à lui verser la somme de 49.600 euros à ce titre
- le rejet des demandes de la SARL CALANDRE
- la condamnation de la SARL CALANDRE aux dépens et au paiement d’une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la demanderesse fait valoir que la SARL CALANDRE ne lui a pas restitué le chèque de 10.000 euros versé à titre d’acompte pour l’achat d’un véhicule conformément à l’injonction du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 2 juin 2022, dont elle souligne qu’il a été signifié le 18 juillet 2022 et qui est définitif à défaut d’avoir été frappé d’appel. Elle souligne avoir adressé une demande amiable de restitution par courrier officiel du 23 juin 2022. Elle conteste toute cause étrangère alléguée par la défenderesse, soulignant que celle-ci ne démontre pas qu’il ait été fait opposition à ce chèque, ce qui n’a du reste pas été retenu par le tribunal de commerce et précise que ce fait n’empêche en tout état de cause pas, la restitution matérielle du chèque litigieux. Elle conteste avoir reçu le chèque par courrier du 5 août 2022 comme la défenderesse l’indique, soulignant qu’elle n’en justifie par aucun moyen.

A l’audience du 23 janvier 2024 et dans ses dernières écritures, la SARL CALANDRE conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse aux dépens outre le paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle sollicite que le montant de l’astreinte soit ramené à 1euro par jour de retard.

Au soutien de ses prétentions, la défenderesse conclut à la suppression de l’astreinte en raison d’une cause étrangère. Elle fait en effet valoir que la SARL VD a fait opposition au chèque litigieux ce qui rend l’astreinte et la restitution du chèque inutiles. Elle souligne ne pas avoir encaissé ce chèque qui outre l’opposition est en tout état de cause dépourvu de toute validité compte tenu de son ancienneté. Elle soutient également avoir en réalité déjà restitué ce chèque par courrier du 5 août 2022. Elle souligne enfin n’avoir été destinataire d’aucune demande d’exécution amiable et précise avoir réglé les dommages et intérêts fixés par la décision du tribunal de commerce. A titre subsidiaire, elle sollicite de ramener à 1 euro par jour de retard le montant de l’astreinte au regard de l’absence de préjudice.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la liquidation de l’astreinte et la fixation d’une astreinte définitive

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”

L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.

L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir”.

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère”.

Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d'une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l'atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l'évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.

L’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que :
« Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. »

Enfin l’article 9 du Code de procédure civile prévoit qu’il incombe à la partie de verser aux débats les éléments de preuve nécessaires au succès de ses prétentions.

En l’espèce, le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 2 juin 2022 précise en son dispositif : « Condamne la société CALANDRE SARL à restituer à la société VD SARL le chèque de 10.000 euros et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 15 jours suivant la signification de la présente décision ».
La demanderesse justifie de la signification de cette décision par acte du 18 juillet 2022.
Elle justifie également d’une demande amiable de restitution du chèque par courriel officiel en date du 23 juin 2022 dont elle verse l’accusé de lecture par le conseil de la défenderesse à la même date. Cette dernière est donc infondée à indiquer qu’aucune demande amiable ne lui a été faite.

La SARL CALANDRE indique justifier de la restitution du chèque par sa pièce numéro 2 qui est un courrier du 17 novembre 2022 accompagnant le paiement de la somme de 4.000 euros de dommages et intérêts et ne mentionne à aucun moment le chèque litigieux. Elle fait état d’un courrier envoyé le 5 août pour restituer le chèque mais ne le verse pas aux débats.

Elle n’établit pas davantage l’existence d’une opposition à ce chèque, la pièce 4-1, un mail écrit par Madame [K] (dont rien n’établit le lien avec la demanderesse) indiquant simplement « le chèque du 7 décembre 200 est mentionné bien qu’annulé ». Outre que le terme annulé n’est pas synonyme d’une opposition bancaire, ni les parties, ni le jugement ne mentionnent la date du chèque litigieux. Il ressort simplement du jugement du tribunal de commerce qu’un bon de commande a été signé et retourné par courriel du 7 décembre 2020, le chèque étant ensuite envoyé par courrier.

En tout état de cause, cette seule mention ne suffit à établir l’opposition laquelle ne saurait constituer une cause étrangère justifiant l’inexécution de l’obligation judiciaire puisqu’elle est antérieure à la fixation de celle-ci. L’inutilité invoquée par la défenderesse ne saurait du reste s’analyser en une cause étrangère mais relève de l’appréciation du juge du fond de l’opportunité de fixer une astreinte, qu’elle était tout à fait à même de contester par la voie de l’appel. Enfin, en l’absence de connaissance de la date du chèque, il est impossible de se prononcer sur sa validité, ce facteur étant tout autant étranger à l’appréciation de la liquidation que le précédent.

En définitive, la SARL CALANDRE débitrice de l’obligation de faire et partant de la preuve de s’être libérée de cette obligation ne démontre par aucun moyen s’être acquittée de la condamnation judiciaire mise à sa charge.

Il y a donc lieu de liquider l’astreinte ayant commencé à courir le 3 août 2022 soit 15 jours après la signification intervenue le 18 juillet 2022. La demanderesse fixe sa demande de liquidation à la date du 12 décembre 2023 soit 469 jours à 100 euros. L’astreinte à liquider s’élève donc à la somme de 49.600 euros.

Il y a toutefois lieu de faire application du principe de proportionnalité entre l’intérêt protégé par l’astreinte ordonnée et le montant de celle-ci. Ainsi, il n’est pas contesté par les parties que la SARL CALANDRE n’a pas encaissé le chèque litigieux et a exécuté les autres dispositions du jugement.

Le seul risque demeurant est celui d’un encaissement tardif à supposer que le chèque soit encore valide. La SARL VD dispose de ce point de vue de la possibilité de faire opposition à ce chèque par précaution.

Le montant de l’astreinte liquidée apparait ainsi disproportionné à l’enjeu protégé par cette injonction judiciaire, qui n’en a pas moins été inexécutée.
Il y a donc lieu de liquider l’astreinte à une somme de 2.000 euros, cette somme tenant compte du comportement du débiteur peu enclin à s’exécuter.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SARL CALANDRE, partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
LIQUIDE l’astreinte provisoire prononcée par le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 2 juin 2022 à l’encontre de la SARL CALANDRE au profit de la SARL VD à la somme de 2.000 euros et condamne la SARL CALANDRE à payer cette somme à la SARL VD ;
CONDAMNE la SARL CALANDRE à payer à la SARL VD la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL CALANDRE aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 23/04294
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;23.04294 ?
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