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07/03/2024 | FRANCE | N°23/08720

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 07 mars 2024, 23/08720


N° RG 23/08720 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMRO
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







70E

N° RG 23/08720 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMRO

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[Z] [Y], [E] [J] épouse [Y]

C/

[I] [K]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Jean-philippe BOUARD
Maître Stéphanie BERLAND de la SELEURL CABINET SBA



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 07 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors d

u délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Madame Hassna AHM...

N° RG 23/08720 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMRO
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

70E

N° RG 23/08720 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMRO

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[Z] [Y], [E] [J] épouse [Y]

C/

[I] [K]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Jean-philippe BOUARD
Maître Stéphanie BERLAND de la SELEURL CABINET SBA

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 07 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 25 Janvier 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Ollivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEURS :

Monsieur [Z] [Y]
né le 02 Septembre 1976 à CENON (33150)
3 chemin du Baraillot
33610 CESTAS

représenté par Maître Stéphanie BERLAND de la SELEURL CABINET SBA, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Madame [E] [J] épouse [Y]
née le 14 Novembre 1974 à LE MANS (72000)
de nationalité Française
3 chemin du Baraillot
33610 CESTAS

N° RG 23/08720 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YMRO

représentée par Maître Stéphanie BERLAND de la SELEURL CABINET SBA, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDEUR :

Monsieur [I] [K]
né le 17 Novembre 1938 à LILLE (59000)
10 chemin du Pargot
33610 CESTAS

représenté par Me Jean-philippe BOUARD, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Madame et Monsieur [Y] sont propriétaires d’un bien immobilier situé 3 chemin du Baraillot à Cestas (33610),contiguë à la propriété de Monsieur [I] [K].
Un conflit les opposé à Monsieur [K] au sujet de l’élagage d’arbres se trouvant en limite de propriété, Monsieur [K] a réalisé les dits travaux.

Monsieur [K] a soutenu que ses voisins ne disposaient pas du droit de déverser les eaux pluviales de son garage sur son fonds et a obstrué la canalisation posée à cet effet.

Les époux [Y] ont saisi le juge de proximité du litige, reprochant en outre à Monsieur [K] d’avoir érigé une clôture de type claustrat appuyée sur la clôture mitoyenne

Un procès verbal de constat contradictoire a été ordonné par le juge de proximité le 21 mars 2022.

Aucun accord n’a pu intervenir.

Par jugement du 2 février 2023 la juge de proximité a ordonné la réouverture des débats pour que les parties présentent leurs observation sur le moyen relevé d’office de son incompétence, les parties ont conclu à la compétence du tribunal de proximité.

Par jugement du 3 juillet 2023le pôle de protection et proximité s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande relevant du droit des servitudes de sorte que l’affaire a été renvoyée à la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux.

***
Au terme de leurs dernières conclusions déposées le 5 janvier 2024 Monsieur et Madame [Y] sollicitent de voir :

CONDAMNER Monsieur [I] [K] à procéder la dépose de toutes les obstructions qu’il a apporté à la canalisation d’évacuation des eaux pluviales, sous astreintede 100€ par jour à compter du 7ème jour suivant la signification de la décision à intervenir.

CONDAMNER Monsieur [I] [K] à payerà Madame et Monsieur [Y] une indemnité de 5.000 €, à titre de dommages et intérêts et en réparation des préjudices occasionnés.
Ils sollicitent 2.500 €au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de leur demande ils indiquent disposer d’une servitude d’écoulement des eaux pluviales, les eaux de la toiture du garage sont canalisées depuis sa construction en 1986 (déclaration d’achèvement du 3 décembre 1988) , étant précisé qu’à l’époque Monsieur [K] avait consenti à ce que ces eaux soient renvoyées vers un bassin de récupération.

Ils notent que Monsieur [K] n’a pas contesté avoir procédé à cette obstruction en novembre 2020, arguant du fait que cette évacuation permettait aussi celle des eaux de la piscine, or ces eaux sont assimilées aux eaux pluviales et la purge n’en est effectué qu’une fois l’an, sans incidence sur la propriété voisine.

Ils considèrent que l’autorisation qualifiée de “provisoire” par Monsieur [K], a duré plus de trente ans de sorte qu’ils sont fondés à se prévaloir de la prescription acquisitive trentenaire de la servitude établie.

Cette servitude acquise comprend celle de surplomber le fonds voisin par une gouttière destinée à l’écoulement des eaux pluviales.

Ils ajoutent ne plus maintenir leur demande au sujet du retrait des claustras posés par leur voisin.

Détaillant le préjudice qu’ils estiment avoir subi, ils réclament 5.000 € de dommages intérêts et 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

***

Monsieur [I] [K], au terme de ses dernières conclusions déposées le 10 novembre 2023 sollicite de voir :

- débouter les époux [Y] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre reconventionnel,

- condamner in solidum les époux [Y] à enlever la gouttière de leur garage qui se situe en surplomb du fonds de Monsieur [K] et à procéder à tous travaux nécessaires pour assurer la récupération de leurs eaux pluviales exclusivement sur leur fonds ;

- assortir cette condamnation d’une astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 7ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

- condamner in solidum les époux [Y] à payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de Monsieur [K] ;

- condamner in solidum les époux [Y] à payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.

Il note que le titre des demandeurs démontre que leur auteur n’a jamais acquis de droit de servitude, l’acte prévoyant en outre que les eaux pluviales ne peuvent être versées chez le voisin, de sorte que les époux [Y] ne démontre pas avoir acquis la servitude qu’ils invoquent. Cette servitude ne pouvait inclure l’écoulement des eaux de vidange de la piscine qui a été construite postérieurement.

Tout au plus ils ont bénéficié d’une simple tolérance, provisoire, en attente d’un raccordement aux eaux pluviales en conformité aux règles d’urbanisme applicable, il n’est donc pas justifié d’une autorisation permanente, le caractère précaire de l’autorisation interdisant toute prescription acquisitive.

Les règles d’urbanisme imposent l’écoulement des eaux pluviales dans le réseau collectif prévu à cet effet, ce qui est rappelé dans l’acte d’achat de ses voisins, qui ne peuvent l’ignorer, même si la règle a été infléchie en 2017 (possibilité de dispositifs d’infiltration)

Il prend acte du fait que les demandeurs renoncent à leur demande de dépose des claustras.

Il conteste que ses voisins aient subi un préjudice quelconque alors qu’il a procédé à l’élagage complet de ses chênes et qu’eux mêmes persistent à prétendre écouler leurs eaux sur son fonds.

Il se porte reconventionnellement demandeur en suppression de la gouttière du garage dont l’huissier a constaté l’implantation en surplomb de son fonds.

Il précise que lui et son épouse sont respectivement âgés de 83 et 84 ans, que la situation leur occasionne beaucoup de tracs et de stress, son épouse a même été hospitalisée en raison d’une forte crise d’angoisse. Il sollicite en conséquence une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts outre 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Les demandeurs invoquent les dispositions de l’article 690 du Code civil qui prévoient que les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans.

Si, en application de l’article 681 du Code civil tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin, il en est déduit par la jurisprudence que la saillie du toit sur le fonds voisin n'établit pas une présomption de propriété sur la bande de terrain qui est surplombée, mais ne peut conduire qu'à l'acquisition, à titre de servitude, du droit de surplomber et de déverser les eaux provenant de l'égout des toits.

En application de l’article 688 du Code civil, les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme: tels sont les conduites d'eau La servitude d'écoulement des eaux pluviales, dont l'exercice n’exige pas le fait de l'homme et qui peut se perpétuer sans son intervention renouvelée, a un caractère continu permettant son acquisition par prescription.

La servitude a un caractère apparent en ce que les eaux de pluies recueillies dans une gouttière en surplomb puis dans une canalisation édifiée à cette fin, venaient rejoindre un bassin constitué sur le fonds voisin pour permettre son infiltration.

Il est justifié que cette servitude existe depuis la construction du garage en 1986, en mitoyenneté, avec l’accord de Monsieur [K] (pièce 3 défendeur), de sorte que la prescription est manifestement acquise.

Il ne peut être évoqué une simple tolérance ou autorisation provisoire alors que l’installation existe de manière pérenne depuis plus de trente ans et que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, les règles d’urbanisme n’imposent pas de raccorder à un réseau public l’écoulement des eaux pluviales mais d’infiltrer ces eaux au plus près de la source, à l’échelle du lot ou de l’opération, ce qui a été manifestement le cas lors de la création des deux garages construits en mitoyenneté en 1986.

Il est sans incidence pour la solution du litige que l’acte de vente au profit des demandeurs ne rapporte pas l’existence de cette servitude, dès lors que celle-ci est parfaitement justifiée par les éléments produits aux débats.

Monsieur [K] sera condamné à rétablir la canalisation d’évacuation des eaux pluviales sous astreinte.

Il est toutefois constant que le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur, de sorte que les époux [Y] ne peuvent raccorder les eaux de vidange de la piscine à celui de l’égout du toit du garage pour lequel la servitude a été établie, quand bien même ces eaux seraient assimilées à des eaux de pluie par les règles d’urbanisme qui les distinguent ainsi des eaux usées. Il s’agit en outre d’eaux évacuées par une intervention de l’homme, présentant ainsi un caractère discontinue au sens des dispositions de l’article 688 précité, ne pouvant à ce titre bénéficier du statut de servitude, ni du bénéfice de la prescription - étant précisé que la date de la construction de la piscine n’est pas connue.

Les époux [Y] devront procéder aux travaux nécessaire pour permettre la vidange de leur piscine par une voie autre que la canalisation des eaux pluviales du garage.

L’attitude de Monsieur [K], qui a procédé unilatéralement à l’obstruction d’une canalisation, a été préjudiciable à ses voisins, il convient de faire droit à la demande de dommages-intérêts présentée, à hauteur de 1.000 €

L’équité commande d’allouer aux demandeurs la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

CONDAMNE Monsieur [K] à rétablir la canalisation d’évacuation des eaux pluviales du garage des époux [Y] dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte 50 € par jour de retard pendant trois mois, passé ce délai.

CONDAMNE les époux [Y] à raccorder la vidange de leur piscine par une autre voie que la canalisation d’évacuation des eaux pluviales du garage.

CONDAMNE Monsieur [K] à verser aux époux [Y] la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts.

CONDAMNE Monsieur [K] à verser aux époux [Y] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [K] aux entiers dépens comprenant les frais de constat de Maître [G] [X].

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de Greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/08720
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;23.08720 ?
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