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07/03/2024 | FRANCE | N°23/00044

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Expropriations, 07 mars 2024, 23/00044


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE


JUGEMENT FIXANT DES INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI SEPT MARS DEUX MIL VINGT QUATRE


N° RG 23/00044 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YHZJ
NUMERO MIN: 24/00028

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonction

s prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DO...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE

JUGEMENT FIXANT DES INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI SEPT MARS DEUX MIL VINGT QUATRE

N° RG 23/00044 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YHZJ
NUMERO MIN: 24/00028

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET, Greffier

A l’audience publique tenue le 25 Janvier 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 07 Mars 2024, et la décision prononcée par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

S.A. SNCF RESEAU
immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 412 280 737
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 11]
représentée par Maître Isabelle CARTON DE GRAMMONT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

ET

Madame [M] [Y] épouse de M. [B] [Z]
née le 26 Février 1975 à [Localité 12] (BULGARIE)
[Adresse 5]
[Localité 16]

représentée par Me Bruno TURBE, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [B] [Z]
né le 20 Août 1971 à [Localité 14]
[Adresse 5]
[Localité 16]

représenté par Me Bruno TURBE, avocat au barreau de PARIS

En présence de Monsieur [O] [N] , Commissaire du Gouvernement

-------------------------------------------
Grosse délivrée le:
à :
Expédition le :
à :

_________________________________________________________________________

FAITS, PROCEDURE, MOYENS ET PRETENTIONS
Monsieur [B] [Z] et madame [M] [Y] épouse [Z] sont propriétaires d’une maison d’habitation de 85,33 m² située sur une parcelle cadastrée section BI n°[Cadastre 9] sise [Adresse 5] à [Localité 16].
Par arrêté du 25 novembre 2015, le préfet de la Gironde a déclaré d’utilité publique, au profit de SNCF Réseau, les travaux nécessaires à la réalisation des aménagements ferroviaires au Sud de [Localité 13] pour une durée de 5 ans. Les effets de la déclaration d’utilité publique ont été prorogés jusqu’au 14 mars 2028 par arrêté du 26 septembre 2022.
L’enquête parcellaire s’est déroulée entre le 7 novembre et le 24 novembre 2022. Le 25 septembre 2023, un arrêté de cessibilité a été pris par le préfet de la Gironde.
Aucun accord n’ayant pu être trouvé entre les époux [Z] et SNCF Réseau sur les indemnisations, SNCF Réseau a saisi le juge de l’expropriation par mémoire enregistré au greffe le 7 septembre 2023, aux fins de voir fixer l’indemnisation pour la dépossession du bien appartenant à monsieur et madame [Z] à un montant total de 348 293,10 euros en valeur libre (315 721 euros au titre des indemnités principales et 35 572,10 euros au titre de l’indemnité de remploi).

Le transport sur les lieux fixé par ordonnance du juge de l’expropriation du 23 octobre 2023 s’est déroulé le 25 janvier 2024 en présence des époux [Z], de leur conseil, du conseil et du représentant de SNCF Réseau et du commissaire du gouvernement.

Le commissaire du Gouvernement a communiqué un mémoire le 1er décembre 2023. Il est proposé au juge de l’expropriation d’allouer aux expropriés une somme de 403 600 euros (366 000 euros au titre des indemnités principales et 37 600 euros au titre de l’indemnité de remploi), outre d’éventuels frais de déménagement, pour l’acquisition de la parcelle expropriée.

Par ordonnance du 22 décembre 2023, le juge de l’expropriation de la Gironde a déclaré immédiatement expropriée pour cause d’utilité publique au profit de SNCF Réseau la parcelle cadastrée bâtie section BI n°[Cadastre 9], sise sur la commune de [Localité 16].

A l’audience du 25 janvier 2024, la société SNCF Réseau, représentée par son conseil, a repris oralement ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 15 janvier 2024 par lesquelles il est demandé au juge de l’expropriation de fixer à 315 721 euros en valeur libre le montant de l’indemnité principale (à défaut, appliquer un abattement de 20% pour occupation), outre une indemnité de remploi de 32 572,10 euros, ainsi que des frais de déménagement de 2 900 euros, soit une indemnité totale de dépossession de 351 193,10 euros.
Au soutien de ses demandes, SNCF Réseau expose que la maison objet de la procédure d’expropriation est une maison de plain-pied d’une surface habitable de 85,33 m² sise sur un terrain de 715 m², longeant la voie ferrée et située dans un lotissement. La maison est dans un état d’usage correct. Une piscine hors sol enterrée est située dans le jardin, outre un cabanon climatisé. Elle estime que la date de référence à retenir doit être fixée au 4 décembre 2015 pour la partie du bien situé en emplacement réservé, soit la date de publication de l’arrêté préfectoral déclarant d’utilité publique les travaux nécessaires aux aménagements ferroviaires au Sud de [Localité 13] emportant mise en compatibilité du PLU, et pour la partie située hors emplacement réservé, au 10 mars 2020, date à laquelle la 9ème modification du PLU de [Localité 13] Métropole, approuvée par délibération du 24 janvier 2020, a été rendue opposable aux tiers. Pour la partie située en emplacement réservé, à la date de référence, elle était classée en zone UPm4, tandis que la partie située hors emplacement réservée était classée en zone UM30-5L30 EB30 du PLU, correspondant à un tissu à dominante de maisons individuelles récentes. Elle ajoute que le bien est concerné en majeure partie par des prescriptions de la zone E n° 1012 : « Ensemble bâti et paysager » bénéficiant d’une protection particulière. La parcelle est soumise à la servitude d’utilité publique T1, servitude relative aux chemins de fer, ainsi qu’à la servitude d’utilité publique AC2 impliquant des obligations de faire pour les propriétaires et des obligations passives.

S’agissant des termes de comparaison présentés par les expropriés, elle estime qu’ils ne sont pas pertinents dès lors qu’ils ne portent pas sur des biens similaires de par leur localisation (non proche d’une voie ferrée) ou de par leurs caractéristiques propres.

S’agissant des termes de référence retenus par le commissaire du gouvernement, il est soutenu que la quasi-totalité des biens ne sont pas situés sur des secteurs soumis aux nuisances sonores comme le bien en cause. Il est demandé au tribunal de privilégier les termes de références des biens situés le long de la voie ferrée. Concernant les indemnités accessoires, il est proposé d’allouer 2 900 euros au titre des frais de déménagement correspondant au devis le plus détaillé et complet proposé par les expropriés. S’agissant de la demande d’indemnité au titre de la perte d’un puits, SNCF Réseau s’y oppose au motif que ce type de construction accessoire n’a pas de valeur intrinsèque et ne fait l’objet d’aucune valorisation distincte.

En réplique, selon mémoire récapitulatif enregistré au greffe le 17 janvier 2024, les expropriés sollicitent une indemnité principale de 426 650 euros, une indemnité de remploi de 43 665 euros, une indemnité de déménagement de 3010 euros et une indemnité de perte de puits de 5000 euros.

Au soutien de ces demandes, ils exposent que leur pavillon a été érigé en 2001, que celui-ci est bien exposé et bénéficie d’une vue dégagée. Il est relié au tout-à-l’égout, est équipé de double vitrage, de la fibre optique, d’un éclairage extérieur, d’un puits, d’une piscine. Il est bien desservi par le réseau de transport. Ils indiquent qu’il n’existe pas de difficulté quant à la méthode retenue (méthode par comparaison), ni sur la date de référence, le litige portant sur la valeur au m². Ils se prévalent de 4 termes de comparaison, étant souligné que la valorisation devra prendre en compte la présence de la piscine et des aménagements extérieurs. Ils soutiennent que les termes de comparaison de SNCF Réseau sont critiquables car concernent des biens en moins bon état apparent et dont l’état d’entretien intérieur n’est pas connu. Ils soulignent qu’il n’y a pas lieu de faire application d’un abattement de 20% pour occupation dès lors qu’ils ont expressément et clairement formulé leurs demandes indemnitaires sur la base d’un bien libre d’occupation depuis leur premier mémoire et ne demandent pas de relogement, demandant au contraire une indemnité de déménagement. S’agissant des termes de référence retenus par SNCF Réseau, il est demandé de les écarter comme étant incomparables. Ils ajoutent que leur maison bénéficie d’un excellent DPE (classement en catégories C et A). Ils sollicitent en outre une indemnité de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le commissaire du gouvernement a maintenu sa position. Au soutien de sa proposition de fixation à une indemnité principale de 366 000 euros, il expose que la date de référence retenue est celle du 10 mars 2020, date à laquelle a été rendue opposable la 9ème modification du PLU, le bien exproprié se situant en zone UM30 à cette date, correspondant à un tissu à dominante de maisons individuelles récentes. Le bien est dans un périmètre de droit de préemption. Il fait valoir que les 4 termes de comparaison retenus par SNCF Réseau n’appellent pas d’observations particulières, étant souligné que le premier terme retenu est également retenu dans le cadre de son analyse. Il indique néanmoins que pour obtenir une valeur vénale au plus près du marché actuel, il écarte les termes de comparaison issus de transactions constatées en 2020 et 2021 et propose de ne retenir que des termes de comparaison issus de transactions constatées en 2022 et 2023 et propose 13 termes.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la date de référence

La parcelle expropriée est incluse dans le périmètre du droit de préemption urbain.

Par application des dispositions combinées des articles L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 213-4 du code de l’urbanisme, auquel renvoie l’article L. 213-6 du même code, la date de référence est celle à laquelle la dernière révision du PLU modifiant la zone dans laquelle est située le bien en cause a été rendue opposable aux tiers.

En outre, en application de l’article L. 322-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme, lorsque l’expropriation porte sur un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d’urbanisme, la date de référence prévue à l’article L. 322-3 du code de l’expropriation est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est située l’emplacement réservé.
La parcelle en cause étant à la fois située en partie sur un emplacement réservé et soumise au droit de préemption urbain, la date de référence à retenir pour l’ensemble de la parcelle considérée est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est située la parcelle en cause, comprenant l’emplacement réservé, soit en l’espèce le 10 mars 2020 correspondant à la date à laquelle a été rendue opposable la 9ème modification du PLU de [Localité 13] Métropole approuvée par délibération du 24 janvier. En effet, si l’arrêté préfectoral déclarant d’utilité publique les travaux nécessaires aux aménagements ferroviaires du Sud de [Localité 13] du 25 novembre 2015 a emporté mise en compatibilité le PLU, et en conséquence sa modification, il convient de constater, ainsi que le souligne SNCF Réseau, qu’à cette date le bien était situé en zone UP m4. Or, le zonage a été modifié depuis lors puisque, ainsi que le souligne également SNCF Réseau, le bien est désormais en zone UM30 : ainsi c’est bien la date du 10 mars 2020 qui doit être retenue pour l’ensemble de la parcelle.
La zone UM30 correspond au tissu à dominante de maisons individuelles récentes.
Sur la description du bien

Il s’agit d’une maison d’habitation construite en 2001, composée d’une entrée donnant sur une pièce à vivre à usage de salon/salle à manger, d’une cuisine, d’un cellier, de trois chambres avec parquet flottant au sol dont deux disposant d’un placard intégré, une salle de bain avec douche, vasque et baignoire, d’un wc séparé. Elle est dotée d’une climatisation réversible installée en 2019. Il y a du carrelage au sol, la tapisserie au mur a été repeinte. L’ensemble est en bon état général. Il n’y a pas de garage, ni de sous-sol.
A l’extérieur, la façade est en crépi, en bon état. La toiture est également en bon état. Les gouttières sont en aluminium. Il y a un petit appentis au-dessus de la porte d’entrée et une terrasse en bois sur toute la largeur avant de la maison.
La parcelle est entièrement clôturée, avec un portail manuel et portillon. Des arbres fruitiers sont présents à l’arrière de la maison. Une pergola et une terrasse en dalle béton sont présentes à l’arrière de la maison. La terrasse se prolonge jusqu’à l’abri de jardin, édifié sur une chappe de béton, isolé, climatisé, en très bon état, où il y a une seconde pergola en aluminium et un barbecue construit en dur. Une piscine hors sol creusée est également présente sur le terrain. Un puits est présent sur la parcelle.

Sur l’indemnité principale

Par application des articles L. 322-1 et L. 322-2 du code de l’expropriation, l’indemnité de dépossession est fixée d’après la valeur du bien au jour du jugement, en tenant compte de sa consistance à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété et de son usage effectif à la date de référence.

La consistance matérielle et juridique du bien n’a pas été modifiée depuis l’ordonnance d’expropriation du 22 décembre 2023.

Les expropriés n’ayant jamais revendiqué leur droit à un relogement dans le cadre de la procédure d’expropriation, le bien sera évalué libre, sans qu’il y ait lieu d’appliquer un abattement pour occupation.

La zone UM30 correspond à un tissu à dominante de maisons individuelles récentes.

En application de l’article L. 322-4 du code de l’expropriation, l’évaluation des terrains à bâtir doit tenir compte des possibilités légales et effectives de construction à la date de référence et des servitudes affectant l’utilisation des sols, notamment les servitudes d’utilité publique.

La parcelle est assujettie à une servitude T1 « zone ferroviaire en bordure de laquelle peuvent s’appliquer les servitudes relatives au chemin de fer » impliquant des obligations de faire imposées aux propriétaires (obligation de demander la délivrance de son alignement avant tout travaux, obligation de procéder à l’élagage des plantations situées de part et d’autre des passages à niveau, etc.) ainsi que des obligations passives (interdiction aux riverains des voies ferrées de procéder à l’édification d’aucune construction autre qu’un mur de clôture dans une distance de 2 mètres d’un chemin de fer, de planter des arbres et haies vives à moins de 2 mètres de la limite de la voie ferrée, etc.
La parcelle est également soumise à la servitude AC2 correspondant aux servitudes pour la protection des sites et monuments naturels (classés ou inscrits) impliquant pour les propriétaires une obligation d’information quatre mois à l’avance de son intention d’entreprendre des travaux autres que ceux d’exploitation courante ou d’entretien normal, demande une autorisation avant d’apporter une modification à l’état des lieux et à leur aspect et des obligations passives (interdiction d’établir une servitude conventionnelle).
Enfin, le bien concerné est en majeure partie concerné par des prescriptions de la zone 3 n°1012 « Ensemble bâti et paysager » bénéficiant d’une protection particulière et imposant des prescriptions spécifiques sur l’ensemble du périmètre (préserver les masses arborées, conserver les sujets arborés remarquables, règles particulières concernant la modification du volume et des façades).
En l’espèce, les capacités effectives de construction ne sont pas réduites, mais la parcelle supporte des servitudes limitant les usages que peuvent en faire les propriétaires.

Au regard de la nature du bien en cause, il y a lieu de retenir, ainsi que le propose SNCF Réseau, et en l’absence de contestation sur ce point, la méthode d’évaluation par comparaison.

SNCF Réseau retient 4 termes de comparaison issus de mutations réalisées entre 2020 et 2022. Les actes notariés sont produits. Il en ressort les éléments suivants :

Le premier terme de comparaison est une transaction du 5 août 2022 concernant une maison située [Adresse 6]. Il s’agit d’une maison d’habitation de 89 m², sur un terrain de 700 m² construite en 2001. La parcelle de 700 m² dispose, selon l’acte notarié, d’un abri de jardin édifié sur une chappe de béton, d’une piscine hors sol et d’une terrasse en bois démontable. La vente a eu lieu pour un prix de 348 400 euros, soit 3914 ,61 euros le m².

Ce terme, proposé par l’expropriant, est pertinent dès lors qu’il est situé dans la même rue que l’emprise expropriée, que la surface habitable et la surface du terrain sont similaires, de même que l’année de construction.
Il convient de souligner que bien que située dans la même rue, la maison ne longe pas les rails de chemin de fer. Néanmoins, le prix du mètre carré, au regard des prix des transactions versés aux débats, semble tenir compte de cette situation géographique particulière, le prix étant inférieur à des transactions de biens similaires situés dans des secteurs plus éloignés de la voie ferrée. Dès lors, il n’y a pas lieu d’appliquer de décote.

Le deuxième terme de comparaison est une mutation du 17 décembre 2021 concernant une maison d’habitation édifiée en 2011, de plain-pied avec 3 chambres et jardin autour sise [Adresse 8]. Située à 900 mètres de l’emprise expropriée, la parcelle sur laquelle est édifiée la maison longe la voie ferrée. Le prix a été fixé à 311 000 euros pour une parcelle de 670 m² et une surface habitable de 86 m², soit 3 616,28 euros le mètre carré. Ce terme est pertinent.

Le troisième terme de comparaison concerne une mutation du 22 juin 2021 d’une maison sise [Adresse 7], de 88m² édifiée en 2012 sur un terrain de 648 m² pour un prix de 300 000 euros (3409,09 euros le m²). La maison comprend 3 chambres. Elle est également pourvue d’un garage et de deux cabanons. Ce terme de comparaison qui date de bientôt trois ans doit être écarté comme étant trop ancien.

Le quatrième terme de comparaison doit également être écarté pour être trop ancien (transaction du 20 mai 2020).

Le commissaire du gouvernement retient 13 termes de comparaison. Le 9e terme est identique au premier terme proposé par l’expropriant (contrairement à ce qu’expose le commissaire du gouvernement, la lecture de l’acte notarié permet de dire que la maison ne dispose pas d’un garage, simplement un préau démontable).

Les termes 2, 6 et 12 doivent être écartés car trop éloignés de la voie ferrée.
Les termes 8 et 10 doivent être écartés pour manque de pertinence, le 8 étant une maison jumelée, le 10 une maison sur un terrain de 230 m², soumis en outre au statut de la copropriété. Les termes 11 et 13 doivent être écartés car concernent des maisons d’habitation comportant 4 chambres.

L’examen des termes restants, à savoir les termes 1, 3, 4, 5 et 7 révèle les éléments suivants :

Le terme 1 est relatif à une maison individuelle de 86 m² de surface habitable, avec cabanon et jardin. La transaction a eu lieu le 12 janvier 2022. Le prix est de 4440 euros le m².

Le terme 3 peut également être retenu s’agissant d’une maison située [Adresse 1] comprenant 3 chambres, garage, terrain autour. Le prix au m² est de 3360 euros.

Le terme 4 concerne une transaction du 23 mars 2022 pour une maison sise [Adresse 10], comprenant 3 chambres, avec garage et jardin. Le prix au m² est 4289 euros.

Le terme 5 est une transaction intervenue le 13 avril 2022. La maison de plain-pied de 2011 comprend deux chambres, deux abris de jardin, une piscine semi enterrée. Elle a une surface de 75 m² sur un terrain de 611 m². Elle a été vendue au prix de 330 000 euros, soit un prix au mètre carré de 4 400 euros. Cette parcelle présente des caractéristiques similaires à l’emprise expropriée dont elle est éloignée de 900 mètres, toujours le long de la voie ferrée.

Le terme 7, situé [Adresse 4], est pertinent en ce qu’il concerne une maison de 1991, de 81m² utiles, érigée sur un terrain de 557 m². Le prix au mètre carré est de 4975 euros. Elle est certes plus éloignée de la voie ferrée que l’emprise expropriée mais reste une zone soumise à des nuisances sonores.

Concernant les termes des expropriés, 4 références sont proposées. Le premier terme est identique au terme 7 du commissaire du gouvernement.

Le terme n° 2 concerne une maison de 1989, de 100 m² sur un terrain de 566 m². La transaction a eu lieu le 15 avril 2022. Le prix au m² est de 4 464,20 euros. Toutefois, la maison comprend 4 chambres et un garage. En outre, elle est située [Adresse 3], à 400 mètres en retrait de l’emprise expropriée, l’éloignant d’autant de la voie ferrée. Ce terme doit être exclu comme non pertinent.

Le terme n°3 correspond au terme n°2 du commissaire du gouvernement qui est écarté.

Le terme n° 4 porte sur une transaction réalisée le 23 mars 2021, pour une maison de 2011 de 90 m². Située [Adresse 15], la parcelle est plus proche de la voie ferrée mais en est plus éloignée que l’emprise concernée. Le prix au m² de cette vente est de 4 433,33 euros mais là encore il s’agit d’une maison avec 4 chambres, outre un garage. Ce terme doit donc être exclu comme non pertinent

Au total les termes pertinents pouvant être retenus à titre de comparaison sont les suivants :

Les termes 1 et 2 de l’expropriant, les termes 1, 3, 4, 5 et 7 du commissaire du gouvernement, soit une moyenne de :

(3914,61+3616,28+4440+3360+ 4289+4400+4975) / 7=4142,13 euros
Et une médiane de 4289 euros.

Il convient de relever que les biens retenus à titre de comparaison disposent tous d’un garage, élément dont n’est pas pourvu le bien exproprié. Néanmoins, cet élément apparaît largement pouvoir être compensé par les équipements de la maison et du jardin.
Au regard des caractéristiques du bien exproprié, très bien entretenu, du DPE favorable, de la climatisation réversible, des éléments agrémentant le jardin (cabanon isolé et climatisé, pergolas, terrasse, puits, arbres fruitiers) il y a lieu de fixer le montant de l’indemnité au prix médian à savoir 4289 euros le mètre carré.

Soit une indemnité principale de :

4289 x 85,33 = 365 980,37 euros. .

Sur l’indemnité de remploi

L’indemnité de remploi, prévue à l’article R. 322-5 du code de l’expropriation, destinée à compenser les frais de tous ordres exposés pour l’acquisition d’un bien comparable, est habituellement fixée à 20 % pour la fraction de l’indemnité principale inférieure à 5 000 euros, à 15 % pour la fraction comprise entre 5 000 et 15 000 euros et à 10 % pour le surplus.

L’indemnité de remploi sera donc fixée en l’espèce à la somme de 37 598 euros (5000x20% = 1000 + 10 000 x 15%= 1500 + 350 980,37x 10%= 35 098 euros).

Sur les indemnités accessoire

En application de l’article L. 321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

En l’espèce, il est établi que les époux [Z] auront des frais de déménagement liés à l’expropriation. Ils produisent deux devis : le premier de l’entreprise LANZAC, pour une prestation complète dite « formule luxe » d’un montant de 2900 euros. Le second établi par la société Déménageurs de France d’un montant de 3120 euros, pour une formule dite « grand confort ».

Il y a lieu d’allouer aux expropriés une somme de 2 900 euros correspondant au devis le moins onéreux pour une prestation apparaissant équivalente.

S’agissant de la perte de jouissance du puits, il est demandé une indemnité de 5000 euros. Or, force est de constater que cette demande n’est absolument pas motivée. Si la présence d’un puits a été constatée lors du transport sur les lieux, aucun élément n’est fourni quant à l’utilisation effective de ce puits par les époux [Z] et le préjudice qui résulterait pour eux de la privation, méritant de le distinguer de l’indemnité principale.
Cette demande sera rejetée.

Sur les frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

Au vu des circonstances du litige, il apparaît équitable de condamner SNCF RESEAU à verser une somme de 2 000 euros aux époux [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Fixe la date de référence au 10 mars 2020

Fixe les indemnités revenant à monsieur [B] [Z] et à madame [M] [Y] épouse [Z], pour l’expropriation de la parcelle bâtie cadastrée section BI n°[Cadastre 9] située [Adresse 5] à [Localité 16] aux sommes suivantes :

- indemnité principale365 980,37 euros

- indemnité de remploi37 598 euros

- indemnité accessoire (frais de déménagement)2 900 euros

Rejette la demande d’indemnité accessoire au titre de la perte du puits

Condamne SNCF Réseau aux dépens.

Condamne [Localité 13] Métropole à verser à monsieur et madame [Z] une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision a été signée par, Madame Marie WALAZYC Juge de l’Expropriation, et par Mme Céline DONET, greffier présent lors du prononcé.

Le GreffierLe Juge de l’Expropriation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 23/00044
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;23.00044 ?
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