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07/03/2024 | FRANCE | N°23/00042

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Expropriations, 07 mars 2024, 23/00042


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE


JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI SEPT MARS DEUX MIL VINGT QUATRE


N° RG 23/00042 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YHYZ
NUMERO MIN: 24/00027

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions pr

évues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET,...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE

JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI SEPT MARS DEUX MIL VINGT QUATRE

N° RG 23/00042 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YHYZ
NUMERO MIN: 24/00027

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET, Greffier

A l’audience publique tenue le 25 Janvier 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 07 Mars 2024, et la décision prononcée par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

S.A. SNCF RESEAU
immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 412 280 737
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentée par Maître Isabelle CARTON DE GRAMMONT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

ET

Monsieur [N] [K] [B]
né le 12 Avril 1972 à [Localité 15]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 7]

représenté par Maître Bruno TURBE, avocat au barreau de PARIS

En présence de Madame [V] [C], Commissaire du Gouvernement

-------------------------------------------
Grosse délivrée le:
à :
Expédition le :
à :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Monsieur [N] [B] est propriétaire d’une parcelle cadastrée AH [Cadastre 8] d’une contenance de 1757 m², issue de la division d’une parcelle cadastrée section AH n° [Cadastre 6], sise [Adresse 14] à [Localité 12]. Il s’agit d’un terrain nu en nature de bois taillis et ronciers.

Par arrêté du 25 novembre 2015, le préfet de la Gironde a déclaré d’utilité publique au bénéfice de SNCF RESEAU, les travaux nécessaires à la réalisation des aménagements ferroviaires au Sud de [Localité 11]. Les effets de cette déclaration d’utilité publique ont été prorogés par arrêté du préfet de la Gironde du 26 septembre 2022.

SNCF RESEAU a saisi la juridiction de l’expropriation de la Gironde en adressant un mémoire par lettre recommandée avec accusé de réception reçu au greffe le 7 septembre 2023 aux fins de voir fixer l’indemnisation pour la dépossession du bien appartenant à monsieur [B] à la somme de 2112 euros au titre de l’indemnité principale et de l’indemnité de remploi.

Le mémoire en réponse établi par le conseil de monsieur [B] a été réceptionné au greffe le 17 décembre 2023. Il sollicite une indemnité principale de 26 355 euros outre une indemnité de remploi de 3635 euros et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4000 euros.

Par mémoire reçu au greffe du juge de l’expropriation le 21 décembre 2023, le commissaire du Gouvernement a proposé au juge de l’expropriation d’allouer à monsieur [B] la même somme que celle proposée par l’expropriant.

Le transport sur les lieux fixé par ordonnance du juge de l’expropriation 9 novembre 2023 s’est déroulé le 9 janvier 2024. Le représentant de SNCF Réseau, son conseil, le commissaire du gouvernement, Monsieur [B] et son conseil étaient présents.

L’affaire a été fixée à l’audience du 25 janvier 2024.

A l’audience, SNCF RESEAU, représenté par son conseil, a repris oralement ses dernières conclusions du 15 janvier 2024 et maintenu son offre d’indemnisation de 2 112 euros. Au soutien de son offre, SNCF RESEAU se fonde sur le fait que la parcelle objet de la procédure d’expropriation est en nature de bois taillis et de ronciers, libre de toute occupation, située en zone Natura 2000, soumise en partie sur un emplacement réservé. Elle est située en zone N du PLU de [Localité 12], en zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique. Le terrain est également soumis à des prescriptions d’isolement accoustique ainsi qu’à une servitude d’utilié publique “chemins de fer”. Il propose 4 termes de comparaison relatifs à des transactions portant sur des parcelles ayant des caractéristiques similaires et retient une valorisation d’un euro le mètre carré. Il soutient qu’aucun des termes de comparaison présentés par le conseil de monsieur [B] ne peut être retenu dès lors qu’aucune référence de publication n’est indiquée et qu’il n’est pas possible d’identifier ces transactions.

Le commissaire du Gouvernement a repris oralement ses conclusions rectificatives enregistrées au greffe le 11 janvier 2024 et maintenu son évaluation à la somme de 2 112 euros. Il expose que la parcelle est soumise en à hauteur de 2,4% à un emplacement réservé au bénéfice de SNCF RESEAU et est en zone de préemption au titre des espaces naturels et sensibles. Elle est située en zone N du PLU. Sur les termes de comparaison communiqués par l’exproprié, il indique que les références de la transaction relative à la parcelle AS [Cadastre 4] n’ont pu être trouvées dans les applicatifs internes sur les communes de [Localité 12] et de [Localité 16]. La transaction de la parcelle AS [Cadastre 3] à [Localité 12] ne peut être retenue car située en zone UC. Les parcelles AT [Cadastre 9] et [Cadastre 1] à [Localité 12] sont des terrains destinés à la construction d’un ensemble immobilier à usage professionnel et sont situées en zone 1AUY, de sorte qu’aucun des termes de comparaison présenté ne peut être retenu. Il indique que les termes de comparaison produits par l’expropriant n’appellent aucune observation particulière et en produit trois autres pour aboutir à une valorisation de un euro le mètre carré.

Le conseil de monsieur [B] a repris oralement ses conclusions. Il sollicite une valorisation du terrain à 15 euros le mètre carré au regard de trois termes de comparaison issus de ventes intervenues le 16 mai 2019, le 13 novembre 2020 et le 30 septembre 2022. La moyenne de ces ventes étant de 41 euros le mètre carré, il soutient qu’une demande à hauteur de 15 euros par mètre carré est raisonnable. Selon lui, les références retenues par SNCF RESEAU sont criticables car anciennes, portent sur des parcelles enclavées et sur des superficies beaucoup plus grandes.

MOTIVATION

Sur la date de référence

En application de l’article L. 322-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme, lorsque l’expropriation porte sur terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d’urbanisme, la date de référence prévue à l’article L. 322-3 du code de l’expropriation est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé.

Par ailleurs, en application de l’article L. 215-8 du code de l’urbanisme, lorsque le terrain faisant l’objet d’une procédure d’expropriation est soumis au droit de préemption dans les espaces naturels, la date de référence à retenir est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanime et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AH [Cadastre 5], issue de la division de la parcelle AH [Cadastre 6], est située en zone de préemption ENS (Espaces naturels sensibles). De plus, elle est située en partie sur un emplacement réservé, destiné à une “réserve d’emprise pour l’aménagement de la voie ferroviaire”.

L’emprise litigieuse étant grevée d’un emplacement réservé et soumise au droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles, la date de référence doit donc être fixée à celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public le plan local d’urbanisme ou l’approuvant, le révisant ou le modifiant et délimitant la zone dans laquelle est situé cette parcelle, supportant l’emplacement réservé, soit en l’espèce le 4 décembre 2015, date de la publication de l’arrêté du 25 novembre 2015 emportant mise en compatibilité du PLU (article 3 dudit arrêté). En effet, si le PLU de [Localité 12] a été modifié postérieurement, en 2017, les modifications n’ont pas impacté la zone dans laquelle est située l’emprise expropriée.

A cette date, la parcelle était classée en zone N du PLU de [Localité 12], soit en zone de richesses naturelles et forestières.

La parcelle est aussi classée en zone Natura 2000 et en zone d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Elle est également assujettie à des prescriptions d’isolement accoustique et à la servitude d’utilité publique T1, “servitudes relatives aux chemins de fer: zone en bordure de laquelle s’appliquent les servitudes ferroviaires”.

Sur la description du bien

En application de l’article L. 322-1 du code de l’expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété.

A la date de l’audience, l’ordonnance d’expropriation n’avait été encore été rendue. Elle a été rendue le lendemain, soit le 26 janvier.

Il est de jurisprudence constante que lorsque l’ordonnance d’expropriation n’est pas encore rendue à la date du jugement, c’est la date de ce dernier qu’il convient de retenir. En l’espèce, l’ordonnance a été rendue le 26 janvier, soit avant le prononcé du jugement. Il y a lieu de retenir cette date.

A cette date, il s’agissait d’un terrain nu, en nature de prés, partiellement en bois taillis et ronciers, situé à proximité immédiate du sentier de découverte des espaces naturels sensibles pour le site de la Vallée de l’Eau Blanche.

Sur l’indemnité principale

Par application des articles L. 322-1 et L. 322-2 du code de l’expropriation, l’indemnité de dépossession est fixée d’après la valeur du bien au jour du jugement, en tenant compte de sa consistance à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété et de son usage effectif à la date de référence.

La consistance matérielle et juridique du bien n’a pas été modifiée depuis l’ordonnance d’expropriation.

A la date de référence, le bien à exproprier est libre, en nature de prés, bois taillis et ronciers, situé en zone N du PLU, soumis à plusieurs contraintes d’urbanisme rappelée ci-avant de sorte que le terrain doit être considéré pour son évaluation comme un terrain qui n’est pas à bâtir et sans usage effectif particulier.

Au soutien de sa proposition de fixation de l’indemnité principale à hauteur de 1 euro le mètre carré, SNCF Réseau se réfère à 4 mutations intervenues en zone N du PLU de [Localité 12], situées à moins de 1,5 km du terrain litigieux.

Les quatres termes de comparaison concernent des parcelles situées en zone N du PLU, soit dans un zonage identique à celui de la parcelle litigieuse. De plus, le terme de comparaison numéro 2 , relatif à une vente intervenue le 14 octobre 2021, porte sur une parcelle classée en zone N, en zone Natura 2000, en zone de préemption au titre des ENS et en zone d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Elle affiche un prix de 1 euro le mètre carré. Si les autres ventes de 2019 et 2020 sont plus anciennes, elle affichent un prix au mètre carré identique, pour des caractéristiques équivalentes. Il y a lieu d’écarter la référence de la vente du 16 juin 2022 pour un prix au mètre carré de 0.05 euros qui est une vente manifestement atypique.

Les termes de comparaison retenus par le commissaire du Gouvernement du 16 juin 2022 (1 euro le mètre carré) et du 6 octobre 2020 (1.03 euros le mètre carré) concernent des parcelles ayant des caractéristiques identiques.

S’agissant des termes de comparaison apportés par l’exproprié ; s’il est exact qu’aucune référence de transaction n’a été apportée, il convient néanmoins de relever que le commissaire du Gouvernement a procédé aux recherches de ces actes. Ces recherches conduisent à écarter ces termes de comparaison en raison de leur non pertinence, dès lors qu’ils ne portent pas sur des transactions de parcelles situées dans une zone N du PLU.

S’il est vrai que les termes de comparaison de l’exproprié et de l’expropriant portent sur des parcelles d’une superficie plus grande que la parcelle de monsieur [B], force est de constater qu’aucun élément n’est apporté pour justifier une augmentation du prix du mètre carré pour des parcelles de taille équivalente à celle objet du litige.

Ainsi, au vu de ces éléments, il y a lieu d’évaluer l’indemnité principale de la parcelle cadastrée AH [Cadastre 8] comme suit: 1757 x 1= 1757 euros, arrondie à 1760 conformément aux conclusions de SNCF RESEAU.

Sur l’indemnité de remploi

L’indemnité de remploi, prévue à l’article R. 322-5 du code de l’expropriation, destinée à compenser les frais de tous ordres exposés pour l’acquisition d’un bien comparable, est habituellement fixée à 20 % pour la fraction de l’indemnité principale inférieure à 5 000 euros, à 15 % pour la fraction comprise entre 5 000 et 15 000 euros et à 10 % pour le surplus.

L’indemnité de remploi sera donc fixée en l’espèce à la somme de 352 euros (1760x 20%), arrondie à 352 euros.

Sur les dépens

Conformément à l’article L. 312-1 du code de l’expropriation, SNCF RESEAU supportera les dépens.

Sur les frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.[...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
Au vu des circonstances du litige, il apparaît équitable de condamner SNCF RESEAU à verser une somme de 1 500 euros à monsieur [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Fixe les indemnités revenant à monsieur [N] [B] pour l’expropriation de parcelle cadastrée section AH n°[Cadastre 8] d’une contenance de 1757 m², issue de la division de la parcelle cadastrée AH n°[Cadastre 6], sise [Adresse 14] à [Localité 12] aux sommes suivantes :

- indemnité principale1757 euros

- indemnité de remploi352 euros,

Condamne SNCF RESEAU aux dépens.

Condamne SNCF RESEAU à verser à monsieur [N] [B] une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par, Madame Marie WALAZYC Juge de l’Expropriation, et par Mme Céline DONET, greffier présent lors du prononcé.

Le GreffierLe Juge de l’Expropriation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 23/00042
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;23.00042 ?
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