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07/03/2024 | FRANCE | N°22/07379

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 07 mars 2024, 22/07379


N° RG 22/07379 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W6VH
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







28A

N° RG 22/07379 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W6VH

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[C] [K] épouse [W]

C/

[U] [K]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Philippe DE FREYNE
la SELAS ELIGE BORDEAUX



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 07 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY,

Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant ...

N° RG 22/07379 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W6VH
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

28A

N° RG 22/07379 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W6VH

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[C] [K] épouse [W]

C/

[U] [K]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Philippe DE FREYNE
la SELAS ELIGE BORDEAUX

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 07 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 25 Janvier 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Ollivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSE :

Madame [C] [K] épouse [W]
née le 08 Novembre 1950 à BORDEAUX
de nationalité Française
288 route de Ramounichot
33410 MONPRIMBLANC

représentée par Maître Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDEUR :

Monsieur [U] [K]
né le 23 Août 1946 à SAINT-ANDRE-DU-BOIS
de nationalité Française
Jardinet Sud
33490 SAINT ANDRE DU BOIS
représenté par Me Philippe DE FREYNE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [K] est décédé le 2 juin 2002, sa veuve, Madame [V], est décédée le 25 juin 2020 laissant pour recueillir leurs successions leurs deux enfants Madame [C] [K] épouse [W] et Monsieur [U] [K].

Une donation rapportable avait été faite le 22 septembre 1971, par Monsieur [B] [K], à sa fille, d’une propriété agricole située à MOMPRIMBLANC et sur des communes avoisinantes pour une valeur de 50.000 F, sous différentes réserves et conditions.

Monsieur [U] [K] avait bénéficié, le 22 mai 1973, d’une donation immobilière (immeuble situé à SAINT ANDRE DU BOIS) en préciput (Pièce 4), émanant de sa mère, assortie de différentes charges. Les biens donnés avaient été évalués 50 000 Frs en 1973.

Le 22 septembre 1978, les époux [K] ont procédé à une donation-partage conjonctive, entre leurs deux enfants, sur l’ensemble des biens du couple. Cet acte mentionnait, et intégrait les donations précédemment accomplies par Monsieur et Madame [K] au profit de leurs deux enfants.

Les deux enfants ont été allotis dans des proportions différentes, la différence au profit de Monsieur [U] [K] est indiquée comme s’imputant sur la quotité disponible.

Madame [W] estimant qu’il avait été porté atteinte à sa réserve a fait désigner un expert par le juge des référés, elle estime que son frère ne s’est pas exécuté des charges de la donation-partage qui doit en outre être révoquée pour ce motif. Par ailleurs son frère occupe depuis 1973 une partie d’un immeuble donné avec réserve d’usufruit et s’est approprié selon elle la totalité de l’immeuble depuis le placement de sa mère en maison de retraite. Il est redevable d’une indemnité d’occupation.

Aucune conciliation n’a pu intervenir

***

Au terme de ses dernières conclusions déposées le 18 juillet 2023 Madame [C] [W] sollicite de voir :

Ordonner l’ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de M. [B]
[K], décédé le 2 juin 2002 et de Mme [V], son épouse, décédée le 25 juin 2020.

Vu le rapport d’expertise établi sur le fondement de l’article 145 du CPC.
Vu la perte du droit de [U] [K] à effectuer un rapport en nature

Déclarer recevable et bien fondée en sa demande de réduction, fondée sur l’article 1077-1 du code civil.

Juger que les dispositions contenues dans la donation-partage du 22 septembre 1978 portent atteinte à la réserve héréditaire de Mme [C] [K] épouse [W] .
N° RG 22/07379 - N° Portalis DBX6-W-B7G-W6VH

Rejeter de toutes les prétentions contraires de M. [K] et de sa demande de prise en compte des sommes qu’il a pu régler depuis les donations.

Condamner M. [U] [K] au paiement d’une indemnité de réduction, payable au jour du partage, qui sera majorée au titre des fruits perçus depuis le décès par M. [U] [K], sur la portion des biens sujets à réduction.

Ordonner la révocation de l’avantage préciputaire qui avait été accordé à M. [U] [K] en contrepartie de la donation avec charge.

Juger que par l’effet de la révocation de l’avantage préciputaire, la succession soit partagée à égalité entre elle et son frère, et que l’indemnité de réduction soit calculée sur cette base.

A défaut, condamner M. [K] à rapporter 330 000 € à la succession.

Désigner tel expert qu’il appartiendra, à l’exception de Mme [J], en raison des défaillances constatées dans le rapport établi sur le fondement de l’article 145 pour permettre le chiffrage de l’indemnité de réduction.

Dire que l’expert désigné reçoive mission de rectifier les erreurs contenues dans le rapport [J], en compris celles relatives à la description et consistance des biens donnés, en fonction de leur état à l’époque de la donation-partage.

Dire que l’expert devra vérifier la nature réelle des parcelles données, au jour des différentes
donations ;

Dire que l’expert devra prendre en considération, dans son évaluation, les données officielles disponibles, et notamment celles de la Direction départementale de l’agriculture et de la forêt.

Dire que l’expert devra appliquer un coefficient multiplicateur de 2 pour la détermination de la valeur du bâti à usage d’habitation/le bâti destiné à l’exploitation agricole.

Dire que l’expert devra s’assurer que la vétusté actuelle de certains biens n’est pas l’effet de l’absence de tout entretien par le donataire [U] [K].

Dire que la valeur à prendre en compte pour la propriété de LOUPIAC est de 300 000 Frs.

Dire que les mêmes règles devront être appliquées, pour le calcul d’un éventuel coefficient réducteur de mitoyenneté, aux immeubles des deux héritiers.

Dire que l’expert devra procéder aux évaluations non réalisées par Mme [J] (cuves, matériel agricole, récoltes pendantes au moment de la donation-partage).

Dire que l’expert devra procéder à l’évaluation des fruits et revenus tirés des biens recelés.

Condamner M. [U] [K] à une indemnité au titre de l’usage du matériel agricole, envers la succession.

Condamner M. [U] [K], au paiement, envers la succession, d’une indemnité d’occupation, de 1973 au décès de sa mère, usufruitière au titre de l’occupation des immeubles de Jardinet Sud à lui donnés en nue-propriété.

Ordonner que l’expert procède à un nouveau calcul de la valeur locative de l’ensemble immobilier de Jardinet Sud donné en nue-propriété à M. [U] [K], depuis 1973 jusqu’au décès de Mme [V], en distinguant les périodes d’occupation et disposition des biens par M. [U] [K].

Juger qu’il soit tenu compte de cette somme dans le calcul de la masse à partager.

Condamner M. [U] [K] à rapporter à la succession la valeur des biens immobiliers ayant fait l’objet des donations déguisées des 24 mai 1971 et 2 août 1973 et qu’il soit privé, dans le partage, de tout droit sur ces sommes, en application de l’article 778 du code civil.

Ordonner que les autres biens de la succession soient partagés à parts égales, en l’absence de disposition testamentaire les concernant.

Désigner le président de la chambre des notaires, avec possibilité de délégation, pour procéder à la rédaction de l’acte de partage, en fonction du chiffre qui sera retenu au titre des sommes dues par M. [U] [K].

Ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage, en ce compris les dépens de la mesure ordonnée sur le fondement de l’article 145 CPC.

Condamner M. [U] [K] au paiement d’une indemnité de 39 600 € sur le fondement de l’article 700 CPC.

Au soutien de sa demande elle note que l’expert a retenu un montant de 204 000 Frs pour la valeur des biens donnés à Mme [C] [K] épouse [W], la somme de 761 000 Frs pour la valeur des biens immeubles et de 61 200 Frs pour le matériel donnés à son frère [U] [K], la part revenant à Madame [W] étant inférieure à sa réserve, l’indemnité de réduction doit s’appliquer.

Elle critique par ailleurs le rapport d’expertise dont elle considère qu’il n’apporte pas de réponses à ses dires notamment sur les valeurs différentes des parcelles selon qu’elles étaient en nature de vignes ou de taillis, les chiffrages étant faits très en dessous des valeurs publiées par la direction de la statistique de la direction départementale de l’agriculture et des forêts, l’expert s’est refusé à prendre en compte les photos aériennes de l’IGN pourtant datées et permettant de déterminer de la nature des parcelles ou l’état des plantations au moment de la donation.

Elle souligne que son frère a vendu en 1980 300.000 francs un immeuble à LOUPIAC donné en 1978 à LOUPIAC que l’expert a évalué à 285.000 francs.

Elle considère comme une erreur importante le fait qu’après avoir chiffré à 600 € /mois la valeur locative de la maison de Jardinet Sud, l’experte chiffre, année par année, le montant, dû. Le total est de 102 141,80 €. Mais le montant cumulé de l’indemnité, reporté en p. 43 par l’experte, est de 102 141,80 Frs, au lieu de 102 141,80 € (sic). Par ailleurs alors que la valeur totale des parcelles de SAINT MARTIN DE SESCAS est donc de :
7 709 + 47 846 + 39 863 = 95 418 Frs., l’expert en retient dans son tableau final que la somme de 39.863 fr.

Elle observe qu’un coefficient de vétusté est affecté aux biens transmis à son frère et non pas au bâtiment à usage de garage et de hangar qui lui a été attribué alors qu’il était justifié de sa vétusté.

La maison qui lui a été transmise était vétuste, sans accès, sans salle de bain, sans cellier, une rénovation complète était nécessaire mais lm’expert a également rejeté ses arguments.

Au contraire la maison donnée à son frère disposait de tous les éléments de confort de sorte qu’aucune pondération ne devait être appliquée, une partie était louée 250 € par mois et non 200 € comme indiqué par l’expert.

L’expert a procédé à un abattement de 20% pour mitoyenneté alors que les parcelles environnantes appartiennent à son frère, à l’inverse il s’est refusé à faire un tel abattement pour le garage qui lui a été donné, celui-ci étant en mitoyenneté avec des parcelles lui appartenant.

L’expert effectue un nouvel abattement de 40% du fait de l’usufruit, alors que la valeur de cet usufruit de Monsieur [K] était de 30 %.

Pour les bâtiments d’exploitation l’expert n’a pas tenu compte de la présence de cuves en béton dans le cuvier, le coût d’une cuve étant de 10.479,34 F en 1979 ; par ailleurs l’expert n’a pas tenu compte de l’existence d’un grenier qu’elle n’a même pas visité alors qu’il lui était fait observé qu’au moment de la donation ce grenier était accessible par un escalier intérieur, démonté depuis. L’expert a tenu compte de la mitoyenneté pour appliquer un abattement de 50 % alors même que l’intérêt de ce bâtiment est de se trouver à proximité de la maison.

Pour les bâtiments de Hourquet, l’expert applique un abattement de 50% pour vétusté alors que Monsieur [K] en est propriétaire depuis 50 ans et ne justifie d’aucun travaux d’entretien, les surfaces sont erronées (413,95 m² au lieu de 525 m²).

L’évaluation du matériel agricole est plus que sommaire et arbitraire, il n’a pas été tenu compte de la valeur des récoltes pendantes au jour de la donation.

Une nouvelle expertise s’impose.

Monsieur [K] soutient à tort pour exclure une atteinte à la réserve, avoir réglé la somme de 115 440 euros au titre des charges lui incombant et que cette somme est « équivalente à la valeur des biens qui lui avaient été donnés », en effet le montant de la charge à déduire de la valeur des biens donnés devra être déterminé en tenant compte des revenus que le donataire a pu tirer des biens objet de la donation, revenus qu’il omet de comptabiliser.

Une indemnité de réduction est donc due, laquelle sera majorée au titre des fruits perçus depuis le décès de Monsieur [K], celui-ci n’ayant pas pris parti dans les délais légaux il ne peut bénéficier de la faculté du retour en nature.

Elle considère enfin que les parcelles acquises le 23 avril 1971 et le 29 juin 1973 au nom de son frère qui n’avait aucun revenu constituent des donations déguisées qui son rapportables en valeur et ce compris les fruits et produits à évaluer par expert.

Au titre des charges son frère était tenu au paiement d’une rente en 1973, puis d’une rente cumulée avec une obligation de soin et d’entretien à compter du 22 septembre 1978, or non seulement il ne s’est pas acquitté de la rente de 1.000 F par mois indexée mais il a occupé l’immeuble dont ses parents s’étaient réservés l’usufruit, tandis que sa mère placée en maison de retraite se trouvait dans l’obligation de solliciter le bénéfice de l’aide sociale.

Le défaut de paiement de la rente pour un total de 116.482,48 € justifie que la révocation de la donation soit prononcée.

Les quelques règlements effectués après la décision du juge des tutelles, sous contrainte, ne correspondent nullement à l’exécution des obligations qui pesaient sur lui, la somme de 250 € mise à sa charge étant sans rapport avec le montant des frais d’hébergement (191.492,89 € + 132.600 € = 324.092,89 € pour 112.220 € dont il est justifié du règlement). Le placement de sa mère en maison de retraite ne le dispensait pas de prendre en charge les frais de son hébergement et de payer la rente pour 116.482,48 € - de sorte que les versement effectués sont inférieurs de 330.000 € environ à ses obligations, cette insuffisance justifie la révocation de la donation pour inexécution.

Elle considère avoir qualité pour agir puisqu’elle est héritière de ses parents qui disposaient d’une action personnelle pour une révocation au titre de l’ingratitude, alors que son action est une action pour inexécution laquelle ne présente pas un caractère personnel mais vise à rétablir les principes de l’égalité dans le partage.

Elle estime que son frère est redevable d’une indemnité d’occupation qui est bien supérieure au 600 € par mois retenu par l’expert et auquel Monsieur [K] entend en outre appliquer un abattement, une nouvelle expertise s’impose à ce titre également.

***

Monsieur [U] [K] sollicite au terme de ses dernières conclusions déposées le 22 novembre 2023 de voir débouter Madame [C] [K] épouse [W] de l’ensemble de ses demandes et de l’entendre condamner au paiement de la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du C.P.C ainsi qu’aux entiers dépens.

Il précise qu’à la suite de la donation partage du 22 septembre 1978 il s’est acquitté d’une soulte de 30.000 Francs.

Il ajoute que la rente à sa charge fixée à 12.000 F par an lors de la donation de 1973 a été modifiée par l’acte de 1978 où il s’est obligé à “ chauffer et à éclairer les donateurs, au surplus il s’engage pour le jour où ils ne pourront plus se subvenir seuls, à les loger, entretenir, blanchir, raccommoder, vêtir, soigner, tant en état de santé qu’en maladie, en un mot de leur fournir tout ce qui est nécessaire à l’existence en ayant pour eux les meilleurs soins et bon égard, étant toutefois précisé que les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et autres qui ne seraient pas remboursés par la Sécurité Sociale, ou un autre organisme mutuel, resteront à la charge des donateurs. A compter de ce moment, la somme en espèce ne sera plus due”.

Sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer a été placée en établissement et mise sous curatelle, en accord avec le curateur et le juge des tutelles ses obligations ont été converties sous forme d’une rente mensuelle de 250 € par mois, rente qui a évolué pour atteindre 890€. Il s’est ainsi libéré de ses obligations en s’acquittant au total d’août 2006 à son décès d’une somme de 112.220 €.

Il soutient que tous les biens de ses parents ont été partagés dans le cadre de l’acte du 10 janvier 1978 qui a été signé par sa soeur et par lui de sorte qu’il n’y a pas lieu à liquidation partage.

Il souligne que les biens donnés avaient été évalués lors du partage et qu’une expertise quarante ou cinquante ans plus tard est à la fois inutile et impossible, notamment du fait que certains bâtiments ont été détruit pour être remplacés.

En outre, en s’acquittant des charges de la donation il s’est trouvé avoir donné plus à ses parents (au moins 115.440 €) qu’il n’a reçu d’eux (75.829 €).

Par ailleurs il n’a pas eu la jouissance du logement de sa mère, dont la valeur locative de 600 € doit être ramenée à 450 € en raison de sa vétusté, de sorte qu’il ne saurait être débiteur d’une quelconque indemnité d’occupation.

Il conteste que sa soeur soit dans les conditions légales pour exercer une action en révocation d’une donation pour inexécution des charges, alors que ses parents eux-même ne l’ont nullement réclamée et alors d’autre part qu’il estime avoir exécuté ses charges.

Il sollicite en conséquence le rejet de la demande et qu’une somme de 3.000 € soit mise à la charge de sa soeur au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

DISCUSSION

Selon l’article 1078 du Code civil nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l'imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l'ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l'aient expressément accepté, et qu'il n'ait pas été prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent.

L’ensemble des biens des époux [K] ont été donné dans le cadre de l’acte de donation-partage du 10 janvier 1978, il n’existe pas d’autres biens à partager de sorte que l’action en liquidation partage est sans objet.

Néanmoins, il est habituellement jugé que les dispositions de l'art. 1078 du Code civil, texte d'exception, concernent exclusivement l'imputation et le calcul de la réserve, et non l'action en réduction pour l'exercice de laquelle l'art. 1077-2 renvoie aux règles des donations entre vifs spécialement en ce qui concerne la détermination de l'indemnité équivalente à la portion excessive de la libéralité réductible, laquelle se calcule d'après la valeur des biens donnés au jour du partage et leur état au jour où la libéralité a pris effet.

L’action de Madame [W] s’analyse comme une action en réduction de la donation consentie à Monsieur [K] qui, selon Madame [W] excéderait la réserve.

L'action en réduction ne peut, en application de l’article 1077-2 du même code, être introduite qu'après le décès du disposant qui a fait le partage. En cas de donation-partage faite conjointement par les deux époux, l'action en réduction ne peut être introduite qu'après le décès du survivant des disposants, cette action est recevable pour remplir les conditions requises.

Il convient au préalable d’observer que ce n’est selon la demanderesse pas la donation partage du 22 septembre 1978 qui créé une atteinte à la réserve, mais les conditions de son exécution.

En effet au moment de la donation partage de 1978 (pièce 5 demanderesse) il était tout d’abord rappelé que chacun des enfants avait reçu en donation en 1971 pour Madame [W] et en 1973 pour Monsieur [U] [K] des biens immobiliers d’une valeur de 50.000 F pièce 4 demanderesse) puis stipulé que les donateurs faisaient donation entre vifs à titre de partage anticipé à leurs deux enfants, dans des proportions différentes, Monsieur [U] [K] recevant à titre de préciput et hors part la différence de valeur entre le lot qui lui sera attribué et celui qui le sera à Madame [C] [K] [W], en raison des charges que les donateurs vont lui imposer.

La masse à partager s’élevait à 361.000 F ce compris le rapport des donations antérieures, Monsieur [K] se voyait attribuer un lot de 224.000 F en ce compris une soulte à sa charge de 30.000 F payée à Madame [W] (la copie de l’acte produite en pièce 5 par la demanderesse s’arrête à la page 15 et ne comporte pas la désignation de son attribution).

Conformément à l’article 1078 du Code civil, c’est à la date de la donation partage qu’il convient de fixer la valeur des biens soit 361.000 F selon les énonciations de l’acte signé des parties. Il s’agit de retenir la valeur réelle à la date de la donation.

Il est affirmé, sans que cela soit formellement contesté que l’acte comporterait la clause « Si par suite d’un obstacle d’ordre moral ou matériel, la cohabitation entre la donatrice et Monsieur [K] devenait impossible, la charge en nature ci-dessus imposée au donataire devrait être transformée en une rente annuelle et viagère dont le montant serait alors fixé d’un commun accord entre les parties et devrait correspondre à ces charges en nature ».

Madame [D] [V] veuve [K] a été placée en maison de retraite et sous tutelle, par une ordonnance du 11 juillet 2006, le Juge des Tutelles du Tribunal d’Instance de La REOLE autorise le tuteur de Madame [K] à convertir les obligations en nature de Monsieur [K] en une rente annuelle et viagère à hauteur de 250 euros par mois à compter du mois de mai 2005, date d’entrée de Madame [K] en maison de retraite. Cette rente a ainsi été fixée, dans les conditions prévues, d’un commun accord entre Monsieur [U] [K] et sa mère représentée par son tuteur, sous le contrôle du juge des tutelles. La rente a évolué pour être portée à 890 € puis à 750 € par mois et il est indiqué que Monsieur [U] [K] s’est ainsi acquitté de 112.220 €.

Madame [W] estime toutefois qu’il aurait dû s’acquitter de la totalité des frais d’hébergement à la maison de retraite et aurait dû verser une somme de 324.092,89 € outre une rente de 116.482,48 €.

Néanmoins Monsieur [U] [K] s’est effectivement exécuté de ses obligations dans les conditions fixé d’un commun accord entre les parties de sorte que l’action en révocation pour inexécution est mal fondée.

Madame [C] [K] épouse [W] effectue dans le corps de ses conclusions une critique du rapport de Madame [J] qu’elle ne produit toutefois pas aux débats, ce qui ne permet pas au tribunal d’apprécier de la pertinence des critiques formulées. En conséquence, aucune contre-expertise ne sera ordonnée.

Au total, il est justifié de ce que Monsieur [K] s’est acquitté à titre de charges de la donation, de règlements pour 112.220 €, exécutant ainsi les obligations mises à sa charge et permettant à sa soeur d’échapper au recours de l’aide sociale à l’encontre des débiteurs alimentaires (pièce 11 défendeur) .

Madame [C] [W] a disposé de donations à son profit et d’une soulte pour un total de 80.000 F (que l’expert aurait chiffré à 31.050,23 €) (pour un actif de 361.000 F), son frère disposant d’une part augmentée de la quotité disponible (part attribuée que l’expert aurait chiffré à 75.829,53 €) minorée par les charges qu’il a supporté pour 112.220 € soit plus que la valeur des biens qui lui ont été transmis Il ne saurait y avoir dans ces conditions une quelconque atteinte à la réserve.

Il n’est pas non plus justifié de réintégrer à l’actif une éventuelle indemnité d’occupation, d’une part parce que l’immeuble vétuste était sans valeur locative, d’autre part parce que le bien a été partiellement affecté au logement en contrepartie d’un loyer réduit, tenant compte de son état locatif, payé par l’occupant, la partie occupée par Madame [K] avant son placement en maison de retraite étant restée inoccupée.

Au total, Madame [W] sera déboutée de l’ensemble de ses demandes et condamnée à versée à Monsieur [U] [K] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

DIT sans objet la demande d’ouverture des opérations de compte liquidation et partage.

DÉBOUTE Madame [W] de son action en paiement d’une indemnité de réduction pour atteinte à la réserve, en révocation de l’avantage préciputaire accordé à son frère [U] [K] ou en rapport de la donation faite à celui-ci et d’application des règles du recel successoral.

DÉBOUTE Madame [W] de sa demande de contre expertise.

CONDAMNE Madame [W] à verser à Monsieur [U] [K] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE Madame [W] aux entiers dépens.

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de Greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/07379
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;22.07379 ?
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