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07/03/2024 | FRANCE | N°22/03248

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 07 mars 2024, 22/03248


N° RG 22/03248 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQVY
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE





64A

N° RG 22/03248 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQVY

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[M] [W]

C/


[H] [S] divorcée [U]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX
Me Pierre LANDETE



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 07 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des dÃ

©bats et du délibéré

Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
Statuant à Juge Unique

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 25 ...

N° RG 22/03248 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQVY
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE

64A

N° RG 22/03248 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQVY

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[M] [W]

C/

[H] [S] divorcée [U]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX
Me Pierre LANDETE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 07 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré

Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
Statuant à Juge Unique

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 25 Janvier 2024,

JUGEMENT :

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDEUR :

Monsieur [M] [W]
né le 01 Mars 1949 à ANTEQUERA (ESPAGNE)
de nationalité Française
6 rue de la Pitrade
33720 CERONS

représenté par Me Pierre LANDETE, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSE :

Madame [H] [S] divorcée [U]
née le 22 Décembre 1966 à OULED SAID (MAROC)
de nationalité Marocaine
5 rue de la Pitrade
33720 CERONS

représentée par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [U], de nationalité marocaine, marié à Mme [H] [S] selon « le régime légal étranger à Casablanca le 15 août 1989 statut et régime matrimoniaux non modifiés depuis », a acquis par acte en date du 12 octobre 2001 une parcelle de terrain à bâtir cadastrée section C n° 1733 et n° 1736 à CERONS (33) au lieudit « Pitrade ».

Le 7 janvier 2015 le tribunal de MEKNES a prononcé le divorce des époux [U]/[S].

Par acte en date du 30 septembre 2019 M. [U] a constitué à titre gratuit sur la parcelle cadastrée C n°1736 d'une contenance de 7a82ca au profit de la parcelle voisine cadastrée section C n° 652 appartenant à M. [M] [W] une servitude réelle et perpétuelle de passage à pied, en véhicule et de tous réseaux, ce droit de passage devant s'exercer sur toute la largeur de l'allée figurant sur la parcelle n°1736 pour partir de la rue et aboutir à son portail.

M. [W] a fait procéder le 10 décembre 2020 à la division de sa parcelle en deux lots cadastrés section C 2764 et 2765, cette dernière se trouvant en conséquence enclavée.

Mme [H] [S] s'est opposée à l'exercice par M. [W] de la servitude constituée par son ex-époux, faisant valoir que celui-ci n'avait pas qualité pour constituer seul une telle servitude et que M. [W] lors de la division de sa parcelle C 652 était à l'origine de l'enclave de la parcelle C 2765.

Par acte en date du 14 février 2022, après l'échec d'une tentative de conciliation et l'envoi d' une sommation, M. [M] [W] a fait assigner Mme [H] [S] pour obtenir sur le fondement de l'article 1240 du code civil sa condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral.

Faisant valoir d'une part, que la validité de la constitution de servitude dépendait de la procédure l'opposant à son ex-époux relative à la nature de leur régime matrimonial et que par jugement en date du 3 décembre 2020, frappé d'appel, le tribunal judiciaire de BORDEAUX a jugé que leur régime matrimonial était celui de la communauté légale français et qu'ainsi l'acte de constitution de servitude aurait du être signé par les deux ex-époux et d'autre part, que la situation d'enclave résultait de la division par M. [M] [W] de la sa parcelle C 652, Mme [S] a saisi le juge de la mise en état d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX.

Par ordonnance en date du 27 février 2023 le juge de la mise en état a rejeté cette demande.

Aux termes de ses dernières conclusions notifies par RPVA le 1er août 2023 et auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens, M. [M] [W] demande au tribunal de :
.débouter Mme [H] [S] de ses demandes
.la déclarer responsable des préjudices qu'elle lui a causés sur le fondement de l'article 1240 du code civil et/ou sur le fondement des troubles anormaux de voisinage
.la condamner à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice matériel correspondant à la perte d'une chance de vendre la parcelle C 2765
.la condamner à lui verser la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral
.la condamner au paiement d'une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
.dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit
.condamner Mme [H] [S] aux dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 18 octobre 2023 et auxquelles il convient également de renvoyer pour l’exposé de l’argumentaire, Mme [H] [S] entend voir :
.débouter M. [M] [W]
.le condamner à lui payer la somme de 2500 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
.le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été établie le 16 janvier 2024.

MOTIVATION

Si le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de BORDEAUX, saisi par Mme [S] d'une demande de liquidation et partage de ses intérêts patrimoniaux avec M. [U], a par jugement en date du 3 décembre 2020 jugé que le régime matrimonial applicable était le régime légal français, la Cour d'appel par arrêt infirmatif en date du 19 septembre 2023 a dit que le régime matrimonial applicable à la liquidation des intérêts pécuniaires des époux [U]/[S] était le régime légal marocain qui ne prévoit que la séparation des biens.

Mme [S] indique, sans en justifier, avoir sollicité l'aide juridictionnelle pour former un pourvoi en cassation , lequel ne présente pas de caractère suspensif. En tout état de cause, la validité de l'acte constitutif de servitude en date du 30 septembre 2019 n'est contestée devant aucune juridiction.

En conséquence, Mme [S] ne peut pour justifier son opposition au libre exercice de la servitude par M. [W], invoquer son bon droit et soutenir que son ex-époux n'avait pas qualité pour signer seul l'acte constitutif de servitude au motif que leur régime matrimonial serait régi par le droit français.

La servitude de passage consentie par M. [U] sur sa parcelle C 1736 au profit de la parcelle 652, qui par ailleurs bénéficie d'un accès à la voire publique, est une servitude conventionnelle. Elle s'exerce sur une bande de terre en nature de chemin partant de la voie publique et rejoignant le portail d'accès au reste de la parcelle 1736 et à la parcelle 1733 appartenant à M. [U]. L’acte constitutif précise que le droit de passage pourra être exercé en tout temps et heure, pour tout véhicule ou à pied, avec ou sans animaux, sans aucune restriction ou limitation par le propriétaire du fonds dominant, les membres de sa famille, ses invités, employés visiteurs et dans les mêmes conditions par les propriétaires successifs du fonds dominant (..) le passage est en nature de terre, il devra être libre à toute heure, aucun véhicule ne pouvant y stationner.

M. [Y] [U] explique dans une attestation du 10 janvier 2021 avoir passé en 2010 un accord avec M. [W] consistant, en contrepartie de l'autorisation donnée par celui-ci de construire son garage en limite de propriété et de renoncer à toute action à son encontre de ce fait, à lui consentir une servitude de passage sur son terrain, cet accord étant matérialisé par l'acte authentique du 30 septembre 2019.

M. [W] demande sur le fondement de l'article 1240 du code civil la condamnation de Mme [S], compte tenu de son comportement fautif, à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel correspondant à la perte d'une chance de vendre la parcelle C 2765 ainsi qu'à la somme de 5000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Les échanges de courrier entre Mme [S], M. [W], son conseil, l'assureur protection juridique de son voisin et une agence immobilière établissent que celle-ci est convaincue de son bon droit quels que soient les arguments opposés.

Ainsi Mme [O] [A] agent commercial en immobilier atteste les 30 novembre 2021 et 28 février 2023 que Mme [S] a perturbé les visites de la parcelle C2765 qu'elle avait organisées les 29 octobre et 23 novembre 2021 avec de potentiels acheteurs, celle-ci affirmant que la vente ne pourrait avoir lieu suite à la procédure qu'elle avait engagée. Lors de la visite du 24 février 2022 qu'elle faisait en compagnie de l'acquéreur potentiel , du constructeur et du maître d'oeuvre , elle explique que Mme [S] et sa fille se sont interposées, les ont interpellés avec véhémence ce qui a conduit à l'intervention de la gendarmerie.

La sommation d'avoir à respecter la servitude délivrée le 18 février 2022 par M. [W] est donc restée sans effet.

Le 11 janvier 2022 M. [W] déposait une main courante, déclarant que Mme [S] s'interposait lors des visites organisées par les agences immobilières pour vendre sa parcelle, faisait peur aux futurs acquéreurs en prétendant qu'il ne bénéficiait d'aucun droit de passage et plaçait épisodiquement ses poubelles de manière à empêcher l'accès à la parcelle. Le 28 février 2022 Mme [S] déposait aussi une main courante expliquant notamment qu'elle intervenait auprès des potentiels acquéreurs pour les informer de la situation juridique, estimant malhonnête que M. [W] ne le fasse pas et faisait état de l'acharnement de celui-ci à son encontre.

Les interventions répétées, souvent véhémentes, de Mme [S] auprès des éventuels acquéreurs de la parcelle enclavée appartenant à M. [W], étaient destinées non seulement à les informer qu'elle contestait la servitude permettant d'y accéder mais aussi à les dissuader de l'acheter. Il s'ensuit à l'évidence que ses agissements fautifs ont fait perdre à M. [W] une chance de vendre la parcelle C2765. Ce chef de préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5000 euros de dommages-intérêts.

N° RG 22/03248 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQVY

Par ailleurs les propos tenus devant des tiers ou les écrits qu'elle leur a adressés tendant à démontrer que l'acte constitutif de servitude n'était pas valable voire frauduleux, les obstacles au libre usage de la servitude et les tracas en résultant sont à l'origine d'un préjudice moral. Mme [S] sera condamnée à payer à M. [W] une somme de 1500 euros de dommages-intérêts à ce titre.

Les demandes de M. [W] étant fondées Mme [S] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [S] supportera la charge des entiers dépens de l’instance.

Enfin, l'équité commande de la condamner à payer à M. [W] une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

CONDAMNE Mme [H] [S] à payer à M. [M] [W] les sommes de :
.5000 euros de dommages-intérêts pour perte de chance de vendre la parcelle C2765
.1500 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

DEBOUTE Mme [H] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE Mme [H] [S] à payer à M. [M] [W] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [H] [S] aux entiers dépens de l’instance,

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire dont est assortie de plein droit la présente décision.

La présente décision est signée par Madame COLOMBET, Vice-Présidente et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/03248
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;22.03248 ?
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