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07/03/2024 | FRANCE | N°21/03087

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 07 mars 2024, 21/03087


N° RG 21/03087 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VMZP
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE






70B

N° RG 21/03087 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VMZP

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[V] [E] épouse [S], [K] [L] épouse [E]

C/

[X] [D], [O] [Y] divorcée [U], [F] [J] épouse [G]







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Dominique BASTROT
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES
la SELARL MAITRE INGRID THOMAS



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMB

RE CIVILE

JUGEMENT DU 07 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN,...

N° RG 21/03087 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VMZP
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

70B

N° RG 21/03087 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VMZP

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

[V] [E] épouse [S], [K] [L] épouse [E]

C/

[X] [D], [O] [Y] divorcée [U], [F] [J] épouse [G]

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Dominique BASTROT
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES
la SELARL MAITRE INGRID THOMAS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 07 MARS 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 25 Janvier 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Ollivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSES :

Madame [V] [E] épouse [S]
née le 31 Mars 1958 à DAKAR - SENEGAL
4 rue Aristide Briand
33740 ARES

représentée par Maître Ingrid THOMAS de la SELARL MAITRE INGRID THOMAS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Madame [K] [L] épouse [E]
née le 28 Avril 1938 à BEZIERS (34)
de nationalité Française
04 RUE ARISTIDE BRIAND
33740 ARES

N° RG 21/03087 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VMZP

représentée par Maître Ingrid THOMAS de la SELARL MAITRE INGRID THOMAS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSES :

Madame [X] [D]
née le 14 Juillet 1930 à DROCOURT (62320)
de nationalité Française
36 bis avenue de Bordeaux
33740 ARES

représentée par Maître Maxime GRAVELLIER de l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

Madame [O] [Y] divorcée [U]
née le 02 Mars 1968 à BORDEAUX
de nationalité Française
6 rue Chéri Ducamin
33740 ARES

représentée par Me Dominique BASTROT, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Madame [F] [J] épouse [G]
née le 19 Juin 1960 à ARES (33740)
de nationalité Française
18 A rue de l’Eglise
33480 LISTRAC-MEDOC

représentée par Maître Maxime GRAVELLIER de l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Madame [V] [S] née [E] (nue propriétaire) et Madame [K] [L] épouse [E] (usufruitière) sont propriétaires d’une maison à usage d’habitation située 4 rue Aristide Briand à Arès (33) section AA n°74, Madame [Y] est propriétaire d’une maison d’habitation située 36 bis avenue de Bordeaux, même commune cadastrée AA 399.

Le second immeuble a fait l’objet d’aménagements en 1998 par la construction d’un corps de bâtiment perpendiculaire à la façade postérieure de l’immeuble [E] ; des difficultés sont nées au sujet d’un espace de 10 cm non protégées lors de la tombée des pluies, puis au sujet de l’étanchéité entre les deux propriétés, un protocole mettant fin au litige, Madame [S] faisant réaliser l’étanchéité avec une joue en zinc entre les constructions ; en 2016 un nouveau litige opposait les voisins, en raison de la plantation d’une haie par Madame [Y], un accord prévoyant la taille de la haie et la préservation des chéneaux et pavés de verre n’a pu être signé, la taille de la haie est intervenue le 1er mars 2016 mais n’a pas été renouvelée depuis, les parties ne parvenant pas à s’accorder sur les limites de propriété. Le tribunal d’instance d’Arcachon a été saisi et une expertise a été ordonnée.

L’expert a déposé son rapport le 18 mars 2019 sans avoir recours à un géomètre expert, à l’initiative de Madame [S] les parties ont donc sollicité un expert pour délimiter une partie de leur propriété sans toutefois parvenir à un accord sur les délimitations.

Les consorts [E] [S] estimant que le garage de Madame [Y] empiétait sur leur terrain ont selon acte du 15 avril 2021 fait délivrer une assignation notamment au fin d’expertise.

Par ordonnance du juge de la mise en état la demande a été interprétée comme une demande de contre-expertise, relevant du juge du fond.

Par acte du 19 mai 2021, Madame [F] [J] veuve [G] et sa mère
Madame [X] [D] veuve [J] ont acquis l’immeuble de madame [O] [Y].

***

Au terme de leurs dernières conclusions déposées le 10 octobre 2023 Madame [V] [S] née [E] et Madame [K] [L] épouse [E] sollicitent de voir :

DECLARER recevables et bien fondées Mesdames [S]/[E] ;

DEBOUTER Madame [Y], Mesdames [D] et [J] de toutes demandes,
fins et prétentions ;

AVANT DIRE DROIT

ORDONNER une expertise avant dire droit sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile aux fins notamment de constater l’empiétement ;
NOMMER tel expert géomètre qu’il lui plaira aux fins de lequel aura pour mission
de DETERMINER l’étendue de l’empiétement du bien immobilier et notamment du garage sur la limite sud du terrain appartenant à Madame [Y] sur la propriété de Mesdames [S], à la vue de l’acte de propriété des requérantes et du plan de Monsieur [P] ;

de CHIFFRER, à défaut de démolition de la partie immobilière édifiée sur le terrain des requérantes, la valeur totale de celle-ci, comprenant le terrain et l’édification sur ledit terrain;

DIRE que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du Code de procédure civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s’adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts établies près ce Tribunal ;

DIRE qu’en cas de difficulté, l’expert s’en référera au Président qui aura ordonné l’expertise ou le juge désigné par lui ;

FIXER la provision à consigner au Greffe, à titre d’avance sur les honoraires de l’expert, dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir ;

AU FOND

JUGER que Mesdames [S] sont en droit d’obtenir la démolition de l’ouvrage ;

JUGER que l’empiétement de Madame [Y] porte atteinte au droit de propriété des demanderesses ;

CONDAMNER en conséquence Madame [Y] et Mesdames [D] et [J] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

LES CONDAMNER au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 outre dépens.

Les demanderesses motivent leur action en raison de l’impossibilité d’exploiter le rapport d’expertise initial puisque l’expert qui aurait dû déterminer les limites de chacune des propriétés, s’est simplement reporté à un plan de bornage réalisé lors de la division parcellaire entre les parcelles AA AA n°75 et AA n°74 plan de bornage qui ne constitue nullement un bornage qui leur soit opposable et alors que les titres qu’elles produisent permettent de remettre en cause la délimitation proposée ;

Par ailleurs, il s’agit d’apprécier d’un empiétement d’une construction réalisée en fraude du droit de l’urbanisme.

Il ne s’agit pas d’une action en revendication justifiant que l’assignation soit publiée, aucune demande de modification du fichier immobilier ne s’impose, les demanderesses sollicitent d’être rétablies dans leurs droits.

Au regard des actes et des longueurs qui y sont spécifiées, elles estiment que le garage voisin a été édifié avec un empiétement de 68 cm sur toute sa longueur.

Elles précisent que même si l’on considère qu’un bornage est intervenu, celui-ci n’a pu opérer de transfert de propriété de sorte que leur action en revendication ou en cessation de l’empiétement est recevable.

Le bornage réalisé par Monsieur [T] en 1994 a été réalisé alors que Madame [Y] avait fait arracher la clôture, l’expert se fiant à la construction existante [S] sans égard pour le plan d’urbanisme en vigueur. Par ailleurs, aucune borne n’a été implantée de sorte que ce bornage ne fournit que des dimensions.

La question reste de savoir si, comme les demanderesses le soutiennent, il existe le long de leur immeuble une petite bande de terre, ou si, comme le soutiennent les défendeurs, la limite est constituée par leur mur, de sorte qu’il n’y a pas de discussion sur la longueur de la mitoyenneté mais sur sa seule profondeur, le procès verbal de bornage dressé par monsieur [P] le 27 janvier 2020 et signé des parties consacre un accord sur la longueur de la mitoyenneté mais pas sur sa profondeur.

L’empiétement a été constaté par procès-verbal pour une surface de 11 à 15 m² et ne fait pas l’objet de contestation de la partie adverse qui invoque un usucapion et la prescription acquisitive abrégée de l’article 2272 du Code civil alors même que l’assiette de l’empiétement n’était pas comprise dans l’acte d’acquisition invoqué.

En conséquence, seule une prescription trentenaire pourrait être invoquée, prescription qui n’est pas acquise puisque la construction litigieuse est de 1998.

En raison de l’atteinte au droit de propriété la sanction est la démolition de l’ouvrage ou en tout cas son rabotage.

Du fait de l’absence de bornes il convient préalablement d’ordonner un bornage, les conclusions de l’expert désigné par la tribunal d’instance ne permettant pas de statuer, il appartient bien au juge du fond d’ordonner cette mesure;

Elles considèrent qu’en faisant valoir de mauvaise foi un droit de propriété leurs voisins leur ont occasionné un préjudice lié au trouble anormal de voisinage qu’elles estiment à 10.000 €.

***

Madame [O] [Y] au terme de ses dernières conclusions déposées le 7 mars 2023 sollicite de voir :

A titre liminaire, déclarer Madame [S] et Madame [E] irrecevables en leur action en revendication, qui aurait une incidence sur le fichier immobilier, faute d’avoir fait publier leur assignation sur ce fichier. Ce en application de l’article 30 de l’article du Décret de 04 janvier 1955.

Au principal,

Débouter Madame [S] et Madame [E] de leur demande relative à un prétendu empiétement, d’une part car elles n’apportent pas le moindre commencement de preuve de leurs affirmations, d’autre part car le contenu de leur titre de propriété n’est assurément pas opposable à Madame [Y] qui n’en a pas été partie.

Débouter Madame [S] et Madame [E] de leur demande d’expertise, d’une part car l’article 145 du Code de procédure civile suppose que la demande d’expertise soit faite avant tout procès, d’autre part car une mesure d’expertise ne peut être sollicitée pour pallier la carence des demanderesses dans l’administration de la preuve qui leur incombe.

Au subsidiaire,

Dans l’hypothèse où par extraordinaire le Tribunal envisagerait de déclarer recevable la demande présentée, Débouter néanmoins Madame [S] et Madame [E] de leurs demandes, en application de la prescription abrégée de 10 ans de l’article 2272 du Code Civil.

Au principal comme au subsidiaire,

Déclarer Madame [Y] recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle,

Condamner Madame [S] et Madame [E] à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, puisqu’elle a dû consentir à une baisse de prix de ce montant à raison de la procédure abusive menée par les demanderesses.

Condamner Madame [S] et Madame [E] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, Madame [S] et Madame [E] n’ayant eu de cesse de discréditer leur voisine auprès du voisinage afin de la contraindre de déguerpir, avec succès.

Condamner Madame [S] et Madame [E] au paiement d’une somme de 7 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, Madame [Y] ayant été contrainte d’engager des frais conséquents pour faire assurer sa défense, au surplus face à des demandes fantaisistes.

Condamner Madame [S] et Madame [E] aux entiers dépens, sur le fondement de l’article 696 du même code. Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Dominique BASTROT pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Au soutien de sa position elle relève qu’un plan de bornage a été dressé par Monsieur [T] le 26 janvier 1994, avant qu’elle n’acquiert le terrain le 13 juillet 1994, elle a fait édifier un garage accolé à la limite conformément au permis de construire délivré le 28 juin 1995, travaux déclarés achevés le 27 septembre 1997, la construction n’a pas été remise en cause, sauf en ce qui concerne des désordres liées à l’écoulement des eaux auxquels il a été remédié par un accord entre les parties (création d’un solin à frais partagés). Ce n’est qu’en 2017 que sa voisine a imaginé remettre en cause les délimitations et un expert a été désigné, l’expert a conclu que son immeuble n’empiétait pas sur le fond voisin. Elle a encore accepté qu’un bornage amiable soit diligenté, le procès verbal a été établi par Monsieur [P] le 27 janvier 2020 et a été signé par ses voisines, il aboutit aux même conclusions, à savoir à une absence d’empiétement.

Il est donc clair que la limite se situe au nu du mur de la maison de Madame [S] et qu’il n’y a aucun empiétement. Il n’est pas soutenu que ce plan de bornage constitue un acte translatif de propriété puisque la limite au droit du nu du mur n’a pas varié et ce procès-verbal de bornage signé des parties est opposable aux demanderesses, contrairement aux simples énonciations de mesures effectuées dans les actes et qui ont été établis sur les déclarations unilatérales des vendeurs.

En définitive le point limite (point D dans le rapport de Monsieur [P] ) fixé par Monsieur [T] comme étant commun aux 3 parcelles concernées (AA 74 - AA 76 - AA 399) ne peut faire l’objet de la moindre critique de la part d’un quelconque des 3 propriétaires, et par conséquent de Madame [E] ou de Madame [S] ;

Elle note que la demande initiale était formée en revendication et subsidiairement en expertise alors que les dernières conclusions sont à l’inverse en expertise et secondairement en revendication, alors qu’il existe déjà une expertise et tous les éléments utiles pour statuer au fond.

Elle souligne que l’action en revendication est irrecevable puisqu’elle aurait nécessairement des conséquences sur le fichier immobilier et qu’elle aurait en conséquence dû être publiée.

Par ailleurs elle se heurte à la prescription puisque Madame [Y] a acquis de bonne foi le 13 juillet 1994 donc depuis plus de dix ans.

Elle se porte reconventionnellement demanderesse en suppression de l’avant toit de la propriété voisine qui déborde sur sa propriété.

Elle indique que lassée des difficultés elle s’est résolue à vendre son immeuble s’imposant en conséquence de supporter les éventuelles conséquences du litige elle a dû mettre sous séquestre une somme de 33.000 €, accepté une minoration du prix de 20.000 € et subi un préjudice moral qu’elle chiffre à 10.000 €.

***

Par leurs dernières conclusions déposées le 11 octobre 2023 Madame [X] [D] et Madame [F] [G], née [J] sollicitent de voir :

AVANT DIRE DROIT :

• DEBOUTER Madame [E] et Madame [S] de leur demande de nouvelle expertise ;

AU FOND :

A titre principal,

• JUGER que le garage de Mesdames [D] et [J] n’empiète pas sur la propriété de Mesdames [E] et [S] ;
• DEBOUTER Madame [E] et Madame [S] de leur demande tendant à la démolition de l’ouvrage ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal caractérisait l’existence d’un empiétement,

• JUGER que l’assiette de l’empiétement litigieux est devenue la propriété de Madame [Y] en application de la prescription abrégée de 10 ans de l’article 2272 du Code civil;
• JUGER que le fonds acquis par Mesdames [D] et [J] n’empiète pas sur le fonds de Mesdames [S] et [E] ;

• DEBOUTER Madame [E] et Madame [S] de leur demande tendant à la démolition de l’ouvrage ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal caractérisait l’existence d’un empiétement et l’absence de prescription acquisitive,

• JUGER que la démolition de l’ouvrage litigieux constitue une sanction de l’empiétement disproportionnée au regard de l’atteinte aux droits de Mesdames [D] et [J] ;

• DEBOUTER Madame [E] et Madame [S] de leur demande tendant à la démolition de l’ouvrage ;

• ORDONNER le simple rabotage du mur dans la limite des 68 cm dénoncés par Mesdames
[D] et [J] ;

En tout état de cause,

• DEBOUTER Mesdames [S] et [E] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

• CONDAMNER solidairement Mesdames [E] et [S] à régler à Mesdames [D] et [J] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

• CONDAMNER solidairement Mesdames [E] et [S] aux entiers dépens de la procédure ;

Ils estiment que la demande de contre-expertise n’est pas motivée par un non respect du principe du contradictoire ou une erreur manifeste de l’expert, l’expert a répondu aux dires et s’est appuyé sur le rapport de Monsieur [T] et le plan de bornage signé par l’ensemble des parties.

Sur le fond ils invoquent le plan de bornage [T] dont il soulignent qu’il a été établi avant l’arrachage de la clôture, les photos produites en sens contraires correspondent à la parcelle AA n°72 et non la parcelle AA n°74, ils estiment que le rapport [C] conclut bien à une délimitation des parcelles et écarte tout empiétement, il existe même un retrait entre le mur du garage et le nu du mur de Madame [S], enfin le rapport [P], signé des parties que la limite séparative est au droit de l’angle bâti et un point limite D venant à la suite et dans le prolongement de ce mur. Ce bornage contradictoire fixe les limites de propriétés et aucune nouvelle demande de bornage n’est recevable, l’absence de pose de bornes ne fait nullement obstacle à l’opposabilité des procès-verbaux de bornage de 1994 et 2020. Pour ces motifs aucune nouvelle expertise ne s’impose.

En l’absence d’empiétement la demande de destruction est mal fondée.

Subsidiairement ils exposent que Madame [Y] détenait bien, avant de leur céder, un acte de vente par lequel la SCI HELSIANE et Madame [A] lui ont vendu l’entière parcelle AA n°399 dans les limites exposées de sorte qu’ils peuvent se prévaloir d’une prescription acquisitive en leur qualité de possesseur de bonne foi se prévalant d’un juste titre.

Plus subsidiairement, ils relèvent qu’une démolition pure et simple aurait des conséquences disproportionnées, de sorte qu’un simple rabotage du mur litigieux pourrait être réalisé de manière à opérer un retrait de 68 cm comme demandé.

Ils considèrent au total qu’en l’absence de préjudice démontré la demande de dommages-intérêts ne peut être satisfaite, en revanche l’équité commande qu’ils soient indemnisés de leurs frais irrépétibles.

DISCUSSION

Au terme de l’article 28 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles tous actes concernant la mutation ou la constitution de droits réels et tous actes portant sur la publicité de droits immobiliers. Toute demande non publiée est inopposable au tiers en application de l’article 30 du même décret et rend l’action irrecevable.

La demande principale en expertise, telle qu’elle est exprimée dans les dernières conclusions, n’est plus une action en revendication en ce qu’elle ne vise pas à obtenir une décision au fond sur le droit de propriété et donc de modifications immédiates du fichier immobilier, elle n’est pas soumise à publication.

Le moyen tiré de l’irrecevabilité sera donc écarté.

La demande d’expertise s’analyse comme une demande de contre-expertise en ce qu’elle se fonde sur la contestation des conclusions du rapport de l’expert [C], Madame [S] soutenant que l’analyse de l’acte authentique de son acquisition, lequel fait état d’une longueur de 23,70 m pour la limite Sud de sa parcelle, vient contredire le point matérialisé sur le bornage de Monsieur [N] (repris par Monsieur [C]) par le poteau électrique, la construction de Madame [Y] se trouvant à 23,02 m ce qui démontre un empiétement de 0,68 m.

L’expert s’est fondé sur le plan de bornage établi par Monsieur [T] le 14 décembre 1993 dans lequel celui-ci à la requête de la SCI HELSIANE et de Madame [H] a dressé un plan de bornage.

Au contraire de ce que Madame [S] l’expert n’a pu se fonder faussement sur une haie qu’elle aurait arrachée, son acquisition ayant été faite le 13 juillet 1994 donc huit mois plus tard et la photo produite pour illustrer son propos ne correspond pas à la limite concernée, elle est extraite d’un PV de constat du 2 juin 2010 (dossier [Y] pièce 21 photos 37-38).

Ce plan de bornage signé par les parties délimite ainsi contradictoirement les limites de propriété et il en résulte que cette limite se fait au nu du mur de la propriété [S].

Néanmoins, un nouveau plan de bornage a été dressé à la requête de Madame [S] par Monsieur [R] [P] le 27 janvier 2020, ce plan de bornage également signé et approuvé par les parties retient que la limite ABCD se situe à l’angle d’un mur existant au Nord jusqu’à l’angle d’un mur existant 4,74 m plus au Sud, pour se poursuivre en droite ligne jusqu’à l’angle bâti C à 11,22 et sur 9,30 m jusqu’à un point D non matérialisé, qui se trouve dans le prolongement de la ligne C D formée par le nu du bâti [S], à 0,53 m de l’angle Sud de ce mur. Ce procès-verbal de bornage a également été approuvé par les consorts [S] [E].

Il en résulte à nouveau que la limite Est de la parcelle AA 399 acquise par Madame [Y] en 1994 se situe au nu du mur des consorts [S] [E]. Le point D non matérialisé fixé par le rapport [P] en accord avec les trois parties concernées ne peut faire l’objet d’aucune critique et l’expert [C] a légitimement pu déduire que les limites séparatives sont respectées entre les propriétés et qu’il n’y avait pas d’empiétement.

Les mesures figurant dans l’acte authentique du 13 juillet 1963, ne sauraient être opposables aux tiers à cet acte, l’expert [C] a en outre examiné l’acte d’acquisition de Madame [S] du 13 juillet 1994, acte qui lui a été présenté (ce qui est mentionné page 7/29 de son rapport).

Aucun nouveau bornage ne peut être réalisé, dès lors que le plan et le procès-verbal antérieurs
ayant reçu le consentement des parties permettent de reconstituer sans ambiguïté la position de la limite. Il importe peu, à ce titre qu’aucune borne n’ait été implantées puisque d’une part les limites sont constituées par le nu des murs et que, d’autre part ces plans de bornage ont été approuvés par Madame [S] (le plan de bornage [T] a été signé par [E] ([S]), [N],[Z], [W], [I] et la SCI HELSIANE ; le plan pièce 4 défendeurs) [P] a été approuvé par Madame [S], Madame [Y] et Madame [E] - pièce 11 demandeur, 14 défendeur) en ce compris le positionnement de la limite “D” côté [N] (qui a approuvé le bornage [T]).

Une éventuelle discussion sur le positionnement du point D par Monsieur [N] ne serait pas recevable puisque celui-ci a approuvé le bornage [T].

En tout état de cause il est certain que la limite des propriétés se trouve au nu du mur de la propriété [E] [S] de sorte qu’il est vain de rechercher un empiétement à la suite de la construction d’un garage dont le vice est de ne pas être accolé à l’immeuble mais de s’y trouver à distance (ce qui a du reste conduit à un contentieux précédent ayant débouché sur un accord pour couvrir l’interstice entre les bâtiments).

Au total le Tribunal est ainsi en mesure de juger qu’il n’existe pas d’empiétement de sorte que la mesure de contre-expertise est injustifiée.

La demande formée par Madame [Y] seule, au fin de voir supprimer l’avant toit édifié par Madame [S] est irrecevable à défaut d’intérêt à agir de cette dernière qui ne se trouve plus propriétaire de l’immeuble concerné, cette demande n’est pas reprise par Madame [D] et Madame [J], nouvelles propriétaires.

Madame [Y] justifie d’un préjudice du fait que, lors de la vente elle a dû consentir une minoration du prix en raison de l’instance en cours, d’une part, et qu’une partie du prix (33.000 € a été consigné sur un prix total de 720.000 € pièce 15) en outre, elle a subi un stress particulier du fait de la multiplication des réclamations et des instances. Il y a lieu d’estimer son préjudice à la somme de 10.000 € toute cause de préjudice confondu et de faire droit à sa demande pour ce montant.

L’équité commande de condamner les demanderesses à verser à Madame [Y] la somme de 5.000 € et Madame [D] et Madame [J], ensemble, la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

DÉCLARE recevable mais mal fondée la demande de contre-expertise sollicitée par Madame [V] [E] épouse [S] et Madame [K] [L] épouse [E],

LES EN DÉBOUTE

CONDAMNE Madame [V] [E] épouse [S] et Madame [K] [L] épouse [E] à verser :

- la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts à Madame [O] [Y].

- la somme de 5.000 € à Madame [O] [Y] et celle de 3.500 € à Madame [D] et Madame [J] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE Madame [V] [E] épouse [S] et Madame [K] [L] épouse [E] aux entiers dépens

La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de Greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/03087
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;21.03087 ?
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