Vu enregistrée à son secrétariat le 4 juin 2024, l'expédition du jugement du 4 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille, saisi de la demande formée par M. C... A... tendant à l'annulation de la décision implicite du directeur de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) rejetant sa réclamation indemnitaire préalable et à la condamnation de l'AP-HM à lui payer, en réparation du préjudice consécutif à l'intervention chirurgicale réalisée par le professeur B... au sein de l'hôpital nord de Marseille le 20 octobre 2011, la somme de 209 000 euros majorée des intérêts de retard, outre celle de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la compétence ;
Vu l'arrêt du 29 septembre 2022 par lequel la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré le juge des référés de l'ordre judiciaire incompétent pour ordonner la mesure d'expertise médicale sollicitée par M. A... concernant la même intervention ;
Vu, enregistrées le 8 juillet 2024, les observations présentées par l'ONIAM qui conclut à ce que M. A... lui verse une somme de 2 000 euros en application du I de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu enregistré, le 18 juillet 2024, le mémoire de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (HP-HM) qui conclut à la compétence du juge judiciaire ;
Vu, enregistrées le 20 août 2024, les observations déposées pour le Ministre du travail, de la santé et des solidarités qui s'en remet à la décision du Tribunal ;
Vu, enregistré le 28 août 2024, le mémoire de production de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (HP-HM) ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de la santé publique ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Frédérique Agostini, membre du Tribunal,
- les observations de la SARL Le Prado-Gilbert pour l'Assistance Publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM),
- les observations de la SCP Sevaux-Mathonnet pour l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM),
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. En 1965, alors qu'il était âgé de 16 ans, M. C... A... a été victime d'un accident de ski ayant endommagé son genou droit. Il a subi depuis diverses interventions chirurgicales réalisées en France et en Italie. M. A... a été hospitalisé du 19 au 27 octobre 2011 à l'hôpital nord de Marseille relevant de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), où, le 20 octobre, le professeur D... B..., chirurgien orthopédiste, praticien hospitalier, chef du service orthopédique et de traumatologie de l'hôpital, a procédé à un troisième changement de prothèse et une seconde greffe osseuse de l'extrémité supérieure du tibia à partir de l'os iliaque droit. Le 22 février 2019, M. A... a été amputé, en Italie, du membre inférieur droit au niveau de la cuisse droite.
2. Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020, M. A... a saisi le tribunal administratif de Marseille aux fins d'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur de l'AP-HM a rejeté sa réclamation indemnitaire préalable et de la condamnation de l'AP-HM à lui payer, en réparation du préjudice consécutif à l'intervention du 20 octobre 2011, la somme de 209 000 euros majorée des intérêts de retard outre celle de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par acte du 3 août 2020, M. A... a assigné le professeur B... devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille pour voir désigner un expert et obtenir une provision de 40 000 euros. L'instance a été reprise par les héritiers du défendeur, décédé le 19 octobre 2021. Le 31 mars 2022, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de la région PACA, saisie par M. A... d'une demande d'indemnisation, s'est, après expertise, déclarée incompétente faute d'atteinte des seuils de gravité du dommage justifiant une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.
3. Par un arrêt du 29 septembre 2022, considérant que M. A... ne démontrait pas avoir été opéré dans le cadre du secteur hospitalier privé du professeur B..., la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré le juge des référés de l'ordre judiciaire incompétent pour ordonner la mesure d'expertise sollicitée. Par jugement du 4 juin 2024, considérant à l'inverse qu'il résultait des pièces produites que M. A... avait été opéré et suivi dans le cadre de l'activité libérale du professeur B..., le tribunal administratif de Marseille, faisant application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de la compétence.
4. Aux termes de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique dans sa version applicable au litige : " Dès lors que l'exercice des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 dans les conditions prévues à l'article L. 6112-3 n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre. " En vertu de l'article L. 6154-2 du même code, l'activité libérale peut comprendre des consultations, des actes et des soins en hospitalisation et s'exerce exclusivement au sein des établissements dans lesquels les praticiens ont été nommés ou, dans le cas d'une activité partagée, dans l'établissement où ils exercent la majorité de leur activité publique, sous la triple condition que cet article énonce. Selon l'article L. 6144-3, alinéa 1er et 3 : " Le praticien exerçant une activité libérale choisit de percevoir ses honoraires directement ou, par dérogation aux dispositions de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale, par l'intermédiaire de l'administration de l'hôpital /.../ L'activité libérale donne lieu au versement à l'établissement par le praticien d'une redevance dans des conditions déterminées par décret. " Aux termes de l'article R. 1112-22 : " Lorsque les malades autres que les bénéficiaires de l'aide médicale optent pour le régime particulier ou l'activité libérale des praticiens hospitaliers, l'option est formulée par écrit, dès l'entrée du malade, par lui-même, un membre de sa famille ou un proche, après que l'intéressé a pris connaissance des conditions particulières qu'implique le choix de l'une ou de l'autre de ces catégories. L'engagement de payer les suppléments au tarif de prestations, qui doivent être précisément indiqués, est signé en même temps, sous réserve, en ce qui concerne les assurés sociaux, des conventions entre les établissements publics de santé et les organismes prenant en charge les frais de soins. " Les modalités de la prise en charge du patient en secteur d'activité libérale sont alors réglées en particulier par les dispositions des articles R. 6154-3 concernant la perception directe des honoraires, R. 6154-6 du code de la santé publique concernant les frais de séjour, R. 6154-7 concernant les indications relatives aux règles applicables du fait de ce choix ainsi qu'à l'expression écrite du choix et par un renvoi aux dispositions de l'article R. 1112-23 du même code, qui rend impossible le transfert d'un patient, admis dans un secteur d'activité libérale ou en secteur public, dans l'autre secteur.
5. Les fautes commises par un praticien hospitalier à l'occasion d'actes accomplis dans le cadre du service public hospitalier engagent en principe la seule responsabilité du centre hospitalier dont relève ce praticien, qu'il appartient au patient de poursuivre devant la juridiction administrative.
6. En revanche, les fautes commises par un praticien hospitalier à l'occasion de son activité libérale le sont en dehors de l'exercice de ses fonctions hospitalières et engagent sa seule responsabilité qu'il appartient au patient de poursuivre devant la juridiction judiciaire.
7. Il résulte des pièces du dossier que, le 20 octobre 2011, le professeur B... bénéficiait d'un contrat d'activité libérale avec l'AP-HM, dont il avait signé le renouvellement le 21 juillet 2008 pour 5 ans à compter du 22 juillet 2008. L'article 4 du contrat précisait que, conformément aux dispositions de l'article R. 6154-3, le professeur B... avait fait le choix de percevoir directement ses honoraires, qu'il devait ainsi trimestriellement fournir au directeur un état récapitulatif de son activité libérale au titre des consultations et actes effectués et payer la redevance due.
8. M. A... a été admis entre le 19 au 27 octobre 2011 à l'hôpital nord de Marseille, établissement de santé qui relève de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, lors de cette hospitalisation, M. A... aurait formulé expressément et par écrit son choix d'être traité au titre de l'activité libérale du professeur B... ou qu'il aurait versé directement des honoraires à ce praticien. En l'absence de tout autre élément suffisamment précis et concordant permettant d'établir que M. A... aurait été pris en charge en secteur d'activité libérale du praticien, les actes de soins en hospitalisation effectués entre le 19 et le 27 octobre 2011 doivent, par suite, être regardés comme ayant été réalisés au titre des fonctions hospitalières du professeur B....
9. Il suit de là que le litige opposant M. A... à l'AP-HM ressortit à la compétence de la juridiction administrative.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'ONIAM au titre des dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant M. C... A... à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 4juin 2024 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La demande de l'ONIAM tendant à l'allocation d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, à l'ONIAM et au Ministre du travail, de la santé et des solidarités.