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07/10/2024 | FRANCE | N°C4319

France | France, Tribunal des conflits, 07 octobre 2024, C4319


Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 mai 2024, l'expédition du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, saisi de conclusions du syndicat des copropriétaires de la résidence " Saint-Georges Astorg " tendant à l'indemnisation de ses préjudices, par la commune de Toulouse, la Mutuelle des architectes français (MAF), M. D..., les sociétés ADS, ETC et Riva, fondées, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité sans faute et, à titre subsidiaire, sur la responsabilité décennale des constructeurs et la responsabilité pour faute d

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Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 mai 2024, l'expédition du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, saisi de conclusions du syndicat des copropriétaires de la résidence " Saint-Georges Astorg " tendant à l'indemnisation de ses préjudices, par la commune de Toulouse, la Mutuelle des architectes français (MAF), M. D..., les sociétés ADS, ETC et Riva, fondées, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité sans faute et, à titre subsidiaire, sur la responsabilité décennale des constructeurs et la responsabilité pour faute de la commune de Toulouse, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider de la question de compétence ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 5 juillet 2024, le mémoire de la commune de Toulouse concluant à la compétence du juge judiciaire ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 8 juillet 2024, le mémoire présenté par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés pour M. D... et de la Mutuelle des architectes français (MAF) concluant à la compétence du juge administratif ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 5 août 2024, le mémoire du syndicat des copropriétaires de la résidence Saint-Georges concluant à la compétence du juge administratif ;

Vu enregistré à son secrétariat le 12 août 2024, le mémoire présenté par la SCP Spinosi au nom de la société Assurances Diagnostic Services (ADS) concluant à la compétence du juge administratif.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l'organisation judiciaire ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Flores, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Piwnica et Molinié pour le syndicat des copropriétaires de la résidence Saint-Georges Astorg,

- les observations de la SCP Boutet Hourdeaux pour la commune de Toulouse,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Delpech Astorg est propriétaire de locaux situés dans un ensemble immobilier, soumis au régime de la copropriété, dénommé résidence Saint-Georges Astorg, sis rue d'Astorg, rue Malaret et rue Delpech à Toulouse. Ces locaux sont situés sous une dalle-terrasse, grevée d'une servitude de passage public, qui avait été réalisée par la commune de Toulouse en qualité de maître d'ouvrage délégué.

2. Selon acte sous-seing privé en date du 31 mars 1977, la société Delpech Astorg a donné en location le sous-sol dont elle est propriétaire à la société de commissaires-priseurs Malphettes et Chassaing, devenue la société Chassaing Rivet Fournie, puis la société Hôtel des ventes Saint-Georges et enfin la société Marambat de Malafosse.

3. Selon un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 7 décembre 1995, le syndicat des copropriétaires de la résidence Saint-Georges Astorg (le syndicat des copropriétaires) a autorisé la commune de Toulouse à réaménager en esplanade la dalle-terrasse, qui relève des parties communes de la copropriété. À cette occasion, la commune a fait appel à M. D..., en qualité de maître d'œuvre de l'opération, et a confié à la société Riva la réalisation des travaux d'étanchéité.

4. En 1998, à la suite de l'apparition d'infiltrations importantes en provenance de la dalle-terrasse, la commune de Toulouse a fait procéder à des travaux de reprise. Face à la persistance des infiltrations, d'autres travaux ont été successivement réalisés par la société Étanchéité toulousaine de couverture (la société ETC) et par la société Assistance Diagnostic Services (la société ADS), qui a fait appel à un sous-traitant, M. B....

5. De nouveaux désordres ayant été constatés, les sociétés Delpech Astorg et Hôtel des ventes Saint-Georges ont, le 17 août 2014, fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance de Toulouse afin d'obtenir sa condamnation à réaliser les travaux de reprise nécessaires et à payer diverses sommes en réparation du préjudice subi. Le syndicat des copropriétaires a notamment fait appeler en cause la société la société ETC, M. C... en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette dernière, la société ADS, M. D... et son assureur, la Mutuelle des architectes français. La société ADS a fait appeler en cause la compagnie AXA, son assureur, et la compagnie Sagena, assureur de M. B....

6. Par ordonnance du 12 juillet 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse s'est déclaré incompétent pour connaître des appels en cause formés par le syndicat des copropriétaires à l'égard de la société ETC, de M. C..., ès qualités, et de la société ADS, des appels en cause à l'égard des compagnies AXA et compagnie Sagena, et des appels en garantie formés par le syndicat des copropriétaires à l'égard de la société Riva et de M. D....

7. Par requêtes et mémoires enregistrés les 29 janvier 2019, 15 juin et 22 juillet 2020, le syndicat des copropriétaires a saisi le tribunal administratif de Toulouse de demandes en indemnisation de son préjudice à l'encontre des sociétés ADS, ETC et Riva, de M. D... et de la commune de Toulouse.

8. Par jugement du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Toulouse a renvoyé au Tribunal la question de compétence s'agissant des conclusions dirigées à l'encontre des sociétés Riva, ETC et ADS, de M. D..., en application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, et a sursis à statuer jusqu'à ce que sa décision soit rendue.

9. Les règles essentielles du régime de la copropriété telles qu'elles sont fixées par la loi du 10 juillet 1965, et notamment la propriété indivise des parties communes, au nombre desquelles figurent, en particulier, outre le gros œuvre de l'immeuble, les voies d'accès, passages et corridors, la mitoyenneté présumée des cloisons et des murs séparant les parties privatives, l'interdiction faite aux copropriétaires de s'opposer à l'exécution, même à l'intérieur de leurs parties privatives, de certains travaux décidés par l'assemblée générale des copropriétaires se prononçant à la majorité, la garantie des créances du syndicat des copropriétaires à l'encontre d'un copropriétaire par une hypothèque légale sur son lot, sont incompatibles tant avec le régime de la domanialité publique qu'avec les caractères des ouvrages publics. Par suite, des biens appartenant à une personne publique dans un immeuble soumis au régime de la copropriété n'appartiennent pas au domaine public et ne peuvent être regardés comme constituant un ouvrage public, fussent-ils affectés au besoin du service public ou à l'usage du public. De même, les dommages qui trouveraient leur source dans l'aménagement ou l'entretien de ces locaux ne sont pas des dommages de travaux publics.

10. Il résulte de l'instruction qu'avant sa cession au syndicat des copropriétaires, la dalle-terrasse litigieuse, qui assure la couverture de l'hôtel des ventes objet d'infiltrations, ne faisait pas l'objet d'une affectation au service public ou à l'usage du public et ne relevait pas du domaine public. Cette dalle-terrasse, qui a rejoint régulièrement la copropriété de la résidence Saint-Georges Astorg, relève de ses parties communes.

11. La dalle-terrasse aménagée en esplanade, qui fait partie d'un immeuble soumis au régime de la copropriété, n'appartient pas au domaine public et ne peut être regardée comme constituant un ouvrage public. Les dommages qui trouveraient leur source dans l'aménagement ou l'entretien de la dalle-terrasse ne sont pas des dommages de travaux publics.

12. Le juge judiciaire est donc compétent pour connaître des conclusions en indemnisation présentées par le syndicat des copropriétaires en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre des sociétés Riva, ETC et ADS et de M. D....

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre des sociétés Riva, ETC et ADS, de M. D... et de la commune de Toulouse.

Article 2 : L'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse du 12 juillet 2018 est déclarée nulle et non avenue en ce qu'elle déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître des appels en cause formés par le syndicat des copropriétaires à l'égard de la société étanchéité toulousaine de couverture (ETC), de M. C..., ès qualités de liquidateur de la société ETC et de la société Assistance Diagnostic Services, des appels en cause formés par la société ADS à l'égard de la compagnie AXA son assureur et de la compagnie SAGENA, assureur de son sous-traitant la société B... et des appels en garantie formés par le syndicat des copropriétaires à l'égard de la société RIVA et de M. D.... La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Toulouse est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 23 mai 2024.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires de la résidence " Saint-Georges Astorg ", à la société Assistance Diagnostic Services (ADS), à la société Axa France assurance, à M. C..., liquidateur judiciaire de la société étanchéité toulousaine de couverture, à M. D..., à la Mutuelle des architectes français, à la société SAM, à la commune de Toulouse et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4319
Date de la décision : 07/10/2024

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - TRAVAUX PUBLICS - DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - ABSENCE – DOMMAGES TROUVANT LEUR SOURCE DANS L’AMÉNAGEMENT OU L’ENTRETIEN DE BIENS APPARTENANT À UNE PERSONNE PUBLIQUE DANS UN IMMEUBLE SOUMIS AU RÉGIME DE LA COPROPRIÉTÉ [RJ1].

17-03-02-06-01 Les règles essentielles du régime de la copropriété telles qu'elles sont fixées par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, et notamment la propriété indivise des parties communes, au nombre desquelles figurent, en particulier, outre le gros œuvre de l'immeuble, les voies d'accès, passages et corridors, la mitoyenneté présumée des cloisons et des murs séparant les parties privatives, l'interdiction faite aux copropriétaires de s'opposer à l'exécution, même à l'intérieur de leurs parties privatives, de certains travaux décidés par l'assemblée générale des copropriétaires se prononçant à la majorité, la garantie des créances du syndicat des copropriétaires à l'encontre d'un copropriétaire par une hypothèque légale sur son lot, sont incompatibles tant avec le régime de la domanialité publique qu'avec les caractères des ouvrages publics. Par suite, des biens appartenant à une personne publique dans un immeuble soumis au régime de la copropriété n’appartiennent pas au domaine public et ne peuvent être regardés comme constituant un ouvrage public, fussent-ils affectés au besoin du service public ou à l’usage du public. De même, les dommages qui trouveraient leur source dans l’aménagement ou l’entretien de ces locaux ne sont pas des dommages de travaux publics.

DOMAINE - DOMAINE PRIVÉ - CONSISTANCE - BIENS APPARTENANT À UNE PERSONNE PUBLIQUE DANS UN IMMEUBLE SOUMIS AU RÉGIME DE LA COPROPRIÉTÉ [RJ1].

24-02-01 Les règles essentielles du régime de la copropriété telles qu'elles sont fixées par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, et notamment la propriété indivise des parties communes, au nombre desquelles figurent, en particulier, outre le gros œuvre de l'immeuble, les voies d'accès, passages et corridors, la mitoyenneté présumée des cloisons et des murs séparant les parties privatives, l'interdiction faite aux copropriétaires de s'opposer à l'exécution, même à l'intérieur de leurs parties privatives, de certains travaux décidés par l'assemblée générale des copropriétaires se prononçant à la majorité, la garantie des créances du syndicat des copropriétaires à l'encontre d'un copropriétaire par une hypothèque légale sur son lot, sont incompatibles tant avec le régime de la domanialité publique qu'avec les caractères des ouvrages publics. Par suite, des biens appartenant à une personne publique dans un immeuble soumis au régime de la copropriété n’appartiennent pas au domaine public et ne peuvent être regardés comme constituant un ouvrage public, fussent-ils affectés au besoin du service public ou à l’usage du public. De même, les dommages qui trouveraient leur source dans l’aménagement ou l’entretien de ces locaux ne sont pas des dommages de travaux publics.

TRAVAUX PUBLICS - NOTION DE TRAVAIL PUBLIC ET D'OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE NE PRÉSENTANT PAS CE CARACTÈRE - BIENS APPARTENANT À UNE PERSONNE PUBLIQUE DANS UN IMMEUBLE SOUMIS AU RÉGIME DE LA COPROPRIÉTÉ [RJ1].

67-01-02-02 Les règles essentielles du régime de la copropriété telles qu'elles sont fixées par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, et notamment la propriété indivise des parties communes, au nombre desquelles figurent, en particulier, outre le gros œuvre de l'immeuble, les voies d'accès, passages et corridors, la mitoyenneté présumée des cloisons et des murs séparant les parties privatives, l'interdiction faite aux copropriétaires de s'opposer à l'exécution, même à l'intérieur de leurs parties privatives, de certains travaux décidés par l'assemblée générale des copropriétaires se prononçant à la majorité, la garantie des créances du syndicat des copropriétaires à l'encontre d'un copropriétaire par une hypothèque légale sur son lot, sont incompatibles tant avec le régime de la domanialité publique qu'avec les caractères des ouvrages publics. Par suite, des biens appartenant à une personne publique dans un immeuble soumis au régime de la copropriété n’appartiennent pas au domaine public et ne peuvent être regardés comme constituant un ouvrage public, fussent-ils affectés au besoin du service public ou à l’usage du public. De même, les dommages qui trouveraient leur source dans l’aménagement ou l’entretien de ces locaux ne sont pas des dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MOLLARD
Rapporteur ?: M. Philippe Flores
Rapporteur public ?: M. Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 11/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2024:C4319
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