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13/05/2024 | FRANCE | N°C4307

France | France, Tribunal des conflits, 13 mai 2024, C4307


Vu, enregistré à son secrétariat le 25 janvier 2024, le jugement du 23 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi de la demande formée par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), subrogé aux droits de M. C... B..., tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 51 000 euros en réparation des préjudices subis par M. B... à raison de la maladie qu'il a contractée du fait de son exposition à l'amiante et à ce que la majoration de la rente servie à celui-ci soit fixée au maximum légal, a renvoyé au Tribunal des conflits, par

application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le so...

Vu, enregistré à son secrétariat le 25 janvier 2024, le jugement du 23 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi de la demande formée par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), subrogé aux droits de M. C... B..., tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 51 000 euros en réparation des préjudices subis par M. B... à raison de la maladie qu'il a contractée du fait de son exposition à l'amiante et à ce que la majoration de la rente servie à celui-ci soit fixée au maximum légal, a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 2 février 2022 de la cour d'appel de Rennes confirmant le jugement du 11 mars 2021 du tribunal judiciaire de Rennes déclinant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de l'action indemnitaire formée devant lui par le FIVA ;

Vu, enregistré le 6 mars 2024, le mémoire présenté par la SARL Le Prado - Gilbert pour le FIVA tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente ;

Vu, enregistré le 7 mars 2024, le mémoire présenté par la ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui s'en remet à la décision qui sera prononcée par le Tribunal des conflits quant à la détermination de l'ordre de juridiction compétent pour connaître de l'affaire ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée au ministre des armées et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

Vu la loi n° 200-1257 du 23 décembre 2000, notamment son article 53 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Collin, membre du Tribunal,

- les observations de la SARL Le Prado - Gilbert pour le FIVA,

- les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;

1. M. C... B... a contracté une maladie résultant de son exposition à des poussières d'amiante au cours de la période où il était militaire au sein de la marine nationale. Il a saisi le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de cette maladie. Il a accepté, le 18 novembre 2016, l'offre d'indemnisation proposée par le FIVA, laquelle incluait une rente à taux majoré. Ce fonds, subrogé dans les droits de M. B..., a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest d'une action tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute inexcusable de l'employeur. Par un jugement du 11 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Brest a décliné la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de cette demande. Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 2 février 2022 de la cour d'appel de Rennes. Saisi par le FIVA des mêmes conclusions, le tribunal administratif de Rennes, estimant qu'elles relevaient de la compétence de la juridiction judiciaire, a, par un jugement du 23 janvier 2024, renvoyé au Tribunal des conflits, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

2. Aux termes de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 : " I. - Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : 1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ; (...) II. - Il est créé, sous le nom de "Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante", un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. / Cet établissement a pour missions de réparer les préjudices définis au I du présent article et d'identifier les personnes mentionnées au même I. (...) III. - Le demandeur justifie de l'exposition à l'amiante et de l'atteinte à l'état de santé de la victime. (...) Le fonds examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. (...) IV. - Dans les six mois à compter de la réception d'une demande d'indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d'indemnisation. (...) L'acceptation de l'offre (...) vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable tout autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. (...) VI. - Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. (...) ".

3. Une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l'action qui aurait été engagée par le subrogeant. Ainsi, l'ordre de juridiction compétent pour connaître d'une action subrogatoire exercée par le FIVA en application des dispositions du VI de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 est celui qui aurait été compétent pour connaître d'une action engagée par la victime elle-même en vue de la réparation des préjudices résultant de la maladie professionnelle qu'elle a contractée à raison de son exposition à des poussières d'amiante.

4. Une telle action, lorsqu'elle est engagée à l'égard de l'Etat par un ancien militaire, procède de la mise en œuvre de la législation relative aux pensions militaires d'invalidité et des règles de droit commun de l'engagement de la responsabilité de la puissance publique, et non de la mise en œuvre des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale, qui ne sont pas applicables à la situation de l'intéressé. Cette demande, qui ne se rattache pas au contentieux de la sécurité sociale, relève de la compétence de la juridiction administrative, y compris lorsqu'elle est fondée sur l'invocation d'une faute commise par l'Etat pris en sa qualité d'employeur.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de l'action subrogatoire engagée par le FIVA contre l'Etat en vue de la réparation des préjudices subis par M. B....

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par le FIVA.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 janvier 2024 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, au ministre des armées et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4307
Date de la décision : 13/05/2024

Analyses

17-03-02-05-01-01 COMPÉTENCE. - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION. - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL. - RESPONSABILITÉ. - RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE. - COMPÉTENCE ADMINISTRATIVE. - ACTION SUBROGATOIRE EXERCÉE PAR LE FIVA CONTRE L’ETAT EN SA QUALITÉ D’ANCIEN EMPLOYEUR D’UN MILITAIRE [RJ1].

17-03-02-05-01-01 Une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l’action qui aurait été engagée par le subrogeant. Ainsi, l’ordre de juridiction compétent pour connaître d’une action subrogatoire exercée par le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) en application du VI de l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 est celui qui aurait été compétent pour connaître d’une action engagée par la victime elle-même en vue de la réparation des préjudices résultant de la maladie professionnelle qu’elle a contractée à raison de son exposition à des poussières d’amiante....Une telle action, lorsqu’elle est engagée à l’égard de l’Etat par un ancien militaire, procède de la mise en œuvre de la législation relative aux pensions militaires d’invalidité et des règles de droit commun de l’engagement de la responsabilité de la puissance publique, et non de la mise en œuvre du livre IV du code de la sécurité sociale (CSS), qui n’est pas applicable à la situation de l’intéressé. Cette demande, qui ne se rattache pas au contentieux de la sécurité sociale, relève de la compétence de la juridiction administrative, y compris lorsqu’elle est fondée sur l’invocation d’une faute commise par l’Etat pris en sa qualité d’employeur.


Composition du Tribunal
Président : M. MOLLARD
Rapporteur ?: M. Pierre Collin
Rapporteur public ?: M. Chaumont

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2024:C4307
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