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11/03/2024 | FRANCE | N°C4300

France | France, Tribunal des conflits, 11 mars 2024, C4300


Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 novembre 2023, l'expédition du jugement du 8 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau, saisi par Mme D... B... d'une demande tendant à la condamnation du département des Pyrénées-Atlantiques à lui verser la somme de 257 700 euros, assortie des intérêts à taux légal à compter du 1er juillet 2015, en réparation des fautes commises par le service de l'aide sociale à l'enfance de ce département qui ont été à l'origine, notamment, du placement de sa fille, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret

du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 novembre 2023, l'expédition du jugement du 8 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau, saisi par Mme D... B... d'une demande tendant à la condamnation du département des Pyrénées-Atlantiques à lui verser la somme de 257 700 euros, assortie des intérêts à taux légal à compter du 1er juillet 2015, en réparation des fautes commises par le service de l'aide sociale à l'enfance de ce département qui ont été à l'origine, notamment, du placement de sa fille, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 17 novembre 2020 par lequel la cour d'appel de Paris a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 8 décembre 2023, le mémoire présenté par le ministre de la santé et de la prévention, qui s'en remet à la décision qui sera prononcée par le Tribunal des conflits quant à la détermination de l'ordre de juridiction compétent pour connaître de l'affaire ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 20 décembre 2023, le mémoire présenté pour Mme D... B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure C... E..., qui estime que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître de l'affaire, et qui conclut à ce que le département des Pyrénées-Atlantiques lui verse une somme de 4 000 euros en application du I de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au département des Pyrénées-Atlantiques, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 75-1 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle de Silva, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix pour Mme D... B... et sa fille, C... F... B... ;

- les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B... est la mère d'une enfant, C... E..., née le 29 mars 2007 et qui a fait l'objet d'une mesure de placement judiciaire à l'aide sociale à l'enfance ordonnée en urgence, à titre provisoire, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pau le 30 avril 2008, puis par un jugement en assistance éducative du 3 juillet 2008 du juge des enfants, suivi de plusieurs autres décisions de ce dernier, courant jusqu'au 16 juillet 2014. A cette date, le juge des enfants a prononcé, par jugement en assistance éducative du 16 juillet 2014, la mainlevée du placement et a restitué la jeune C... à sa mère. En vertu de ces décisions judiciaires, la jeune C... a été confiée notamment, au cours de cette période, à l'aide sociale à l'enfance des Pyrénées Atlantiques. Mme B... a introduit en 2015, devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, devenu aujourd'hui tribunal judiciaire, une action indemnitaire qui était notamment dirigée contre le conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques ainsi que contre l'Etat, et qui mettait en cause des dysfonctionnements constatés à l'occasion de la saisine du juge judiciaire par l'aide sociale à l'enfance à fin de placement de l'enfant et des décisions relatives au placement de son enfant, à son maintien sous ce régime ainsi que des conditions de son exécution. Par jugement du 16 octobre 2017, le TGI de Paris a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif soulevée par le département et a débouté Mme B... de l'ensemble de ses demandes indemnitaires. Saisie de ce jugement, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 17 novembre 2020, infirmé ce jugement en ce qu'il avait écarté comme irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par le département et a estimé, en l'absence de voie de fait, que la juridiction administrative était seule compétente pour connaître des demandes indemnitaires dirigées contre le département des Pyrénées-Atlantiques. La cour a, par ailleurs, confirmé le rejet des demandes indemnitaires dirigées contre l'Etat au titre du fonctionnement défectueux du service public de la justice. Mme B... a saisi, le 9 août 2021, le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation du département des Pyrénées-Atlantiques à lui verser une somme de 257 700 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2015, en réparation des fautes qu'elle estimait avoir été commises par le service de l'aide sociale à l'enfance du département et qui auraient été, selon elle, à l'origine du placement de sa fille, notamment pour avoir alerté le procureur de la République près le TGI de Pau de la situation de sa fille et pour avoir sollicité le placement provisoire, en urgence, de sa fille. Par un jugement du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Pau a renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

2. Aux termes de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental: (...) 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil, des articles 375-5, 377, 377-1, 380, 411 du même code ou de l'article L. 323-1 du code de la justice pénale des mineurs (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du code civil : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; (...) ".

3. A supposer que le fait d'avoir alerté le procureur de la République et sollicité le placement provisoire, en urgence, de sa fille C..., puis, selon Mme B..., d'avoir méconnu son droit à l'information, faute de lui avoir transmis le rapport annuel d'évaluation pluridisciplinaire, d'avoir porté atteinte au principe d'égalité entre les deux parents, et d'avoir rendu plus difficile le maintien de ses relations avec sa fille pendant la période où cette dernière était placée par décision du juge des enfants, soient constitutifs de fautes, celles-ci, en ce compris le fait d'avoir signalé la situation au procureur de la République, ne sont pas détachables des obligations que le service de l'aide sociale à l'enfance assume dans l'exercice de la mission d'assistance éducative qui lui a été confiée par le juge des enfants sur ce mineur. Il en résulte qu'il appartient à la juridiction judiciaire d'en connaître.

4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B... au titre des dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la demande formée par Mme B....

Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 novembre 2020 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il décline la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de l'action dirigée contre le département des Pyrénées-Atlantiques.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Pau est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 8 novembre 2023.

Article 4: La présente décision sera notifiée à Mme B..., au département des Pyrénées-Atlantiques et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

N° 4300- 2 -


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4300
Date de la décision : 11/03/2024

Analyses

AIDE SOCIALE - DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - AIDE SOCIALE À L'ENFANCE - PLACEMENT DES MINEURS - ACTES NON DÉTACHABLES D’UNE PROCÉDURE JUDICIAIRE – INCLUSION – DÉCISIONS DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL AYANT CONDUIT AU PLACEMENT JUDICIAIRE D’UN ENFANT À L’ASE DANS LE CADRE D’UNE MISSION D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE – CONSÉQUENCE – ACTION EN RÉPARATION DES PRÉJUDICES CAUSÉS PAR DE TELLES DÉCISIONS – COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE – JURIDICTIONS JUDICIAIRES [RJ1].

04-02-02-02 Requérante dont l’enfant a fait l’objet d’une mesure de placement judiciaire à l’aide sociale dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prononcée par le juge des enfants, le conseil départemental ayant alerté le procureur de la République puis sollicité le placement provisoire en urgence de l’enfant. Requérante demandant l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de ces décisions fautives qui seraient à l’origine du placement de son enfant à l’aide sociale à l’enfance (ASE)....A supposer que le fait d’avoir alerté le procureur de la République et sollicité le placement provisoire, en urgence, de son enfant, puis d’avoir méconnu le droit à l’information de la requérante, faute de lui avoir transmis le rapport annuel d’évaluation pluridisciplinaire, d’avoir porté atteinte au principe d’égalité entre les deux parents, et d’avoir rendu plus difficile le maintien de ses relations avec sa fille pendant la période où cette dernière était placée par décision du juge des enfants, soient constitutifs de fautes, celles-ci, en ce compris le fait d’avoir signalé la situation au procureur de la République, ne sont pas détachables des obligations que le service de l’ASE assume dans l’exercice de la mission d’assistance éducative qui lui a été confiée par le juge des enfants sur ce mineur. ...Il en résulte qu’il appartient à la juridiction judiciaire d’en connaître.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - RESPONSABILITÉ - RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE - COMPÉTENCE JUDICIAIRE - ACTION EN RÉPARATION DU PRÉJUDICE SUBI EN RAISON DE DÉCISIONS DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL AYANT CONDUIT AU PLACEMENT JUDICIAIRE D’UN ENFANT À L’ASE DANS LE CADRE D’UNE MISSION D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE – COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE – JURIDICTIONS JUDICIAIRES [RJ1].

17-03-02-05-01-02 Requérante dont l’enfant a fait l’objet d’une mesure de placement judiciaire à l’aide sociale dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prononcée par le juge des enfants, le conseil départemental ayant alerté le procureur de la République puis sollicité le placement provisoire en urgence de l’enfant. Requérante demandant l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de ces décisions fautives qui seraient à l’origine du placement de son enfant à l’aide sociale à l’enfance (ASE)....A supposer que le fait d’avoir alerté le procureur de la République et sollicité le placement provisoire, en urgence, de son enfant, puis d’avoir méconnu le droit à l’information de la requérante, faute de lui avoir transmis le rapport annuel d’évaluation pluridisciplinaire, d’avoir porté atteinte au principe d’égalité entre les deux parents, et d’avoir rendu plus difficile le maintien de ses relations avec sa fille pendant la période où cette dernière était placée par décision du juge des enfants, soient constitutifs de fautes, celles-ci, en ce compris le fait d’avoir signalé la situation au procureur de la République, ne sont pas détachables des obligations que le service de l’ASE assume dans l’exercice de la mission d’assistance éducative qui lui a été confiée par le juge des enfants sur ce mineur. ...Il en résulte qu’il appartient à la juridiction judiciaire d’en connaître.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - PROBLÈMES PARTICULIERS POSÉS PAR CERTAINES CATÉGORIES DE SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC SOCIAL - ACTION EN RÉPARATION DU PRÉJUDICE SUBI EN RAISON DE DÉCISIONS DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL AYANT CONDUIT AU PLACEMENT JUDICIAIRE D’UN ENFANT À L’ASE DANS LE CADRE D’UNE MISSION D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE – COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE – JURIDICTIONS JUDICIAIRES [RJ1].

17-03-02-07-03 Requérante dont l’enfant a fait l’objet d’une mesure de placement judiciaire à l’aide sociale dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prononcée par le juge des enfants, le conseil départemental ayant alerté le procureur de la République puis sollicité le placement provisoire en urgence de l’enfant. Requérante demandant l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de ces décisions fautives qui seraient à l’origine du placement de son enfant à l’aide sociale à l’enfance (ASE)....A supposer que le fait d’avoir alerté le procureur de la République et sollicité le placement provisoire, en urgence, de son enfant, puis d’avoir méconnu le droit à l’information de la requérante, faute de lui avoir transmis le rapport annuel d’évaluation pluridisciplinaire, d’avoir porté atteinte au principe d’égalité entre les deux parents, et d’avoir rendu plus difficile le maintien de ses relations avec sa fille pendant la période où cette dernière était placée par décision du juge des enfants, soient constitutifs de fautes, celles-ci, en ce compris le fait d’avoir signalé la situation au procureur de la République, ne sont pas détachables des obligations que le service de l’ASE assume dans l’exercice de la mission d’assistance éducative qui lui a été confiée par le juge des enfants sur ce mineur. ...Il en résulte qu’il appartient à la juridiction judiciaire d’en connaître.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICES SOCIAUX - ACTES NON DÉTACHABLES D’UNE PROCÉDURE JUDICIAIRE – INCLUSION – DÉCISIONS DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL AYANT CONDUIT AU PLACEMENT JUDICIAIRE D’UN ENFANT À L’ASE DANS LE CADRE D’UNE MISSION D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE – CONSÉQUENCE – ACTION EN RÉPARATION DES PRÉJUDICES CAUSÉS PAR DE TELLES DÉCISIONS – COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE – JURIDICTIONS JUDICIAIRES [RJ1].

60-02-012 Requérante dont l’enfant a fait l’objet d’une mesure de placement judiciaire à l’aide sociale dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prononcée par le juge des enfants, le conseil départemental ayant alerté le procureur de la République puis sollicité le placement provisoire en urgence de l’enfant. Requérante demandant l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de ces décisions fautives qui seraient à l’origine du placement de son enfant à l’aide sociale à l’enfance (ASE)....A supposer que le fait d’avoir alerté le procureur de la République et sollicité le placement provisoire, en urgence, de son enfant, puis d’avoir méconnu le droit à l’information de la requérante, faute de lui avoir transmis le rapport annuel d’évaluation pluridisciplinaire, d’avoir porté atteinte au principe d’égalité entre les deux parents, et d’avoir rendu plus difficile le maintien de ses relations avec sa fille pendant la période où cette dernière était placée par décision du juge des enfants, soient constitutifs de fautes, celles-ci, en ce compris le fait d’avoir signalé la situation au procureur de la République, ne sont pas détachables des obligations que le service de l’ASE assume dans l’exercice de la mission d’assistance éducative qui lui a été confiée par le juge des enfants sur ce mineur. ...Il en résulte qu’il appartient à la juridiction judiciaire d’en connaître.


Composition du Tribunal
Président : M. MOLLARD
Rapporteur ?: Mme Isabelle de Silva
Rapporteur public ?: M. Chaumont

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2024:C4300
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