Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 avril 2023, l'expédition du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal judiciaire de Rouen, saisi par renvoi du tribunal administratif de Rouen de la demande, initialement formée devant ce tribunal par M. C..., tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 14 mai 2020 par le président du conseil départemental de la Seine-Maritime en vue du recouvrement de la somme de 206,58 euros au titre de la prise en charge de son fils mineur par les services de l'aide sociale à l'enfance pour le moins d'avril 2020 et à la décharge de l'obligation de payer cette somme, a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'ordonnance n° 2003989 du 28 février 2022 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rouen a déclaré ce tribunal incompétent pour connaître du litige et a transmis la requête au tribunal judiciaire de Rouen ;
Vu, enregistré le 16 juin 2023, le mémoire présenté pour M. C... qui déclare s'en remettre à la sagesse du Tribunal ;
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au département de la Seine-Maritime et au ministre de la santé et de la prévention, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Collin, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre,
- les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement du 17 octobre 2019, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Rouen a maintenu pour deux ans le placement de M. B... E..., né le 2 août 2002, auprès du service départemental de l'aide sociale à l'enfance. Le 14 mai 2020, le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a émis à l'encontre de M. D... C..., père de M. B... E..., un titre exécutoire en vue du recouvrement d'une somme de 206,58 euros au titre de la prise en charge de son enfant mineur par les services de l'aide sociale à l'enfance. M. C... a formé devant le tribunal administratif de Rouen une demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de l'obligation de payer la somme qui lui était réclamée. Par une ordonnance du 28 février 2022, la présidente de la 3ème chambre de ce tribunal a décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître du litige et a transmis la requête au tribunal judiciaire de Rouen. Par un jugement du 13 avril 2023, ce dernier tribunal a renvoyé au Tribunal des conflits, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.
2. Aux termes de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil, des articles 375-5, 377, 377-1, 380, 411 du même code ou de l'article L. 323-1 du code de la justice pénale des mineurs ". Aux termes de l'article 375-3 du code civil : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ".
3. Aux termes de l'article 375-8 du code civil : " les frais d'entretien et d'éducation de l'enfant qui a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative continuent d'incomber à ses père et mère ainsi qu'aux ascendants auxquels des aliments peuvent être réclamés, sauf la faculté pour le juge de les en décharger en tout ou en partie ". Aux termes de l'article L. 228-1 du code de l'action sociale et des familles : " Le père, la mère et les ascendants d'un enfant pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance restent tenus envers lui des obligations prévues aux articles 203 à 211 du code civil ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Sans préjudice des décisions judiciaires prises sur le fondement de l'article L. 113-2 du code de la justice pénale des mineurs et de l'article 375-8 du code civil, une contribution peut être demandée à toute personne prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance ou, si elle est mineure, à ses débiteurs d'aliments. Cette contribution est fixée par le président du conseil départemental dans les conditions prévues par le règlement départemental d'aide sociale dans la limite d'un plafond fixé par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 228-1 du même code : " la contribution prévue à l'article L. 228-2 ne peut être supérieure mensuellement, pour chaque personne prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance, à 50 % de la base mensuelle de calcul des prestations familiales mentionnée à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale ".
4. Aux termes de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus ". Aux termes de l'article L. 134-3 du même code : " Le juge judiciaire connaît des litiges : 1° Résultant de l'application de l'article L. 132-6 (...) ". Il résulte de ces dispositions que relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire les recours des obligés alimentaires contestant les décisions prises par l'Etat ou le département pour obtenir le remboursement des sommes avancées par la collectivité au titre de l'aide sociale.
5. La décision par laquelle un département met à la charge des parents d'un enfant mineur, confié aux services de l'aide sociale à l'enfance sur décision de l'autorité judiciaire en application de l'article 375-3 du code civil, une somme à titre de contribution aux frais d'entretien et d'éducation de cet enfant procède de la mise en œuvre de l'obligation légale qui incombe aux parents en vertu des articles 375-8 du code civil et L. 228-2 du code de l'action sociale et des familles, selon des modalités fixées par voie réglementaire, en vue de leur participation au financement des prestations du service public administratif de l'aide sociale à l'enfance dont bénéficie leur enfant. Les contestations relatives à cette décision administrative relèvent de la compétence de la juridiction administrative, sans qu'y fassent obstacle les dispositions précitées du 1° de l'article L. 134-3 du code de l'action sociale et des familles dès lors qu'une telle décision n'a nullement pour objet la récupération auprès des débiteurs d'aliments d'un bénéficiaire de l'aide sociale, au sens de l'article L. 132-6 du même code, de sommes avancées par la collectivité à raison de son admission au bénéfice de cette aide.
6. Il en résulte que la contestation soulevée par M. C... relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif.
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par M. C....
Article 2 : L'ordonnance de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rouen du 28 février 2022 est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal judiciaire de Rouen est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 13 avril 2023.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. D... C..., au département de la Seine-Maritime et au ministre de la santé et de la prévention.