Vu, enregistrée à son secrétariat le 5 septembre 2022, la requête présentée pour Mme F... A... E... G... B..., demeurant ..., tendant à ce que le Tribunal, saisi par application de l'article 15 de la loi du 24 mai 1872 :
1° annule le jugement n° 1402197 du 29 septembre 2015 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêt n° RG 19/03054 du 19 avril 2022 de la cour d'appel de Montpellier rejetant les demandes qu'elle avait successivement formées, tendant à la condamnation, respectivement, du centre hospitalier de Carcassonne et de M. D..., à réparer les préjudices qu'elle a subis ;
2° évalue à 100 % la perte de chance dont elle a été privée d'éviter l'accouchement provoqué du fait du manquement à l'obligation d'information imputable au docteur D... et les dommages physiques et psychologiques en résultant, évalue à 83 % la perte de chance dont elle a été privée d'éviter les complications causées par son accouchement provoqué et les dommages physiques et psychologiques en résultant, évalue à 50 % la perte de chance dont elle a été privée d'éviter de déclencher une psychopathologie du fait de l'absence de suivi psychologique mis en place par le centre hospitalier de Carcassonne ;
3° avant dire droit, ordonne une expertise aux fins d'évaluation des préjudices subis ;
4° condamne M. D..., son assureur la MASCF et le centre hospitalier de Carcassonne à lui verser la somme de 180 000 euros à titre de provision ;
5° subsidiairement condamne, au titre du manquement à l'obligation d'information et de la faute médicale, M. D..., in solidum avec son assureur la MASCF, à lui verser la somme de 1 047 503 euros ;
6° subsidiairement condamne, au titre de la faute médicale, le centre hospitalier de Carcassonne, in solidum avec M. D... et la MASCF, à lui verser la somme de 1 047 503 euros ;
7° condamne, au titre du manquement au suivi médical, le centre hospitalier de Carcassonne, in solidum avec M. D... et la MASCF, à lui verser la somme de 586 359 euros ;
8° mette les dépens de la présente instance et des instances précédentes à la charge du centre hospitalier et de M. D... ;
9° mette à la charge du centre hospitalier et de M. D... la somme de 5 000 euros à la société Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, son avocat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
par les motifs que la requête satisfait aux conditions de recevabilité fixées par l'article 15 de la loi du 24 mai 1872, le jugement du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, devenus irrévocables, portant sur le même objet et conduisant, en raison de leur contrariété, à un déni de justice ; que les préjudices subis ont été causés par des manquements à l'obligation d'informer le patient imputables à M. D..., par une faute commise par M. D..., le cas échéant conjointement avec l'équipe médicale du centre hospitalier, en décidant de déclencher l'accouchement, par un défaut fautif de suivi psychologique imputable au centre hospitalier ; qu'une nouvelle expertise devrait être ordonnée pour évaluer les préjudices subis, liés à l'hystérectomie et la psychopathologie découlant des suites de l'accouchement ; à défaut, l'indemnisation devrait être fixée conformément aux demandes faites devant la cour d'appel de Montpellier ;
Vu, enregistré le 9 novembre 2022, le mémoire présenté pour M. C... D..., tendant principalement au rejet de la requête, subsidiairement à la réduction du montant des indemnités demandées et à ce que la MACSF, son assureur, le garantisse de toute condamnation, par les motifs qu'aucun manquement ne peut lui être imputé, de telle sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée ; que, subsidiairement, si sa responsabilité était reconnue, la perte de chance devrait être évaluée à 6 % au plus et son assureur devrait le garantir de toute condamnation ; que les préjudices liés à la psychopathologie ne présentent pas de lien de causalité direct et certain avec l'hystérectomie ; que la réalité de certains préjudices allégués n'est pas établie et que le montant de l'indemnité réclamée est excessif ;
Vu, enregistré le 9 novembre 2022, le mémoire présenté pour la société d'assurance mutuelle MACSF Mutuelle Assurance Corps Santé Français, tendant au rejet de la requête, par les motifs que la requête n'est pas recevable, les jugements n'ayant pas été rendus sur le fond et ne présentant pas de contrariété ; que, subsidiairement, aucun manquement ne peut être imputé à M. D..., que la garantie résultant du contrat d'assurance ne couvrait que l'activité de gynécologie médicale en cabinet de ville du praticien, que, en tout état de cause, la responsabilité doit être partagée entre le praticien et le centre hospitalier, que la perte de chance ne peut être évaluée à plus de 10 %, que certains des préjudices allégués ne sont pas établis ;
Vu, enregistré le 23 février 2023, le mémoire présenté pour le centre hospitalier de Carcassonne, tendant principalement au rejet de la requête, subsidiairement à la réduction du montant des indemnités demandées, par les motifs que la requête est irrecevable, les deux décisions n'ayant pas été rendues sur le fond et ne présentant pas de contrariété conduisant à un déni de justice ; qu'aucun manquement à l'obligation d'information ne peut être imputée au centre hospitalier, les risques invoqués n'étant pas connus en 1997 ; qu'aucune faute médicale n'a affecté la décision de déclencher l'accouchement ; que le défaut de suivi psychologique n'a pas été invoqué devant les juridictions administratives et judiciaires et qu'aucune faute n'est caractérisée à ce titre ; que, subsidiairement, si sa responsabilité était reconnue, la perte de chance devrait être évaluée à 6 % au plus ; que la psychopathologie ne présente pas de lien direct et certain de causalité avec l'hystérectomie ; que la réalité de certains préjudices allégués n'est pas établie et que le montant de l'indemnité réclamée est excessif ;
Vu, enregistré le 9 mai 2023, le mémoire en réplique présenté pour Mme A... E... G... B..., tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes motifs ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et au ministre de la santé et de la prévention, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n°2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de la santé publique ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jacques-Henri Stahl, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme A... E... G... B..., de la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de M. D... et du centre hospitalier de Carcassonne et de la SCP Yves Richard, avocat de la société d'assurance mutuelle MACSF Mutuelle Assurance Corps Santé Français ;
- les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 mai 2023, présentée pour Mme A... E... G... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 15 de la loi du 24 mai 1872 : " Le Tribunal des conflits peut être saisi des décisions définitives rendues par les juridictions administratives et judiciaires dans les instances introduites devant les deux ordres de juridiction, pour des litiges portant sur le même objet, lorsqu'elles présentent une contrariété conduisant à un déni de justice. / Sur les litiges qui lui sont ainsi déférés, le Tribunal des conflits juge au fond, à l'égard de toutes les parties en cause. Ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours. " Un tel déni de justice n'existe que lorsqu'un demandeur est mis dans l'impossibilité d'obtenir une satisfaction à laquelle il a droit.
2. Mme A... E... G... B... a demandé à chacun des ordres de juridiction réparation des préjudices résultant pour elle des suites de son accouchement le 2 décembre 1997 au centre hospitalier de Carcassonne, à l'issue duquel elle a été victime d'une grave hémorragie ayant conduit à pratiquer une hystérectomie d'hémostase de sauvetage. Le tribunal administratif de Montpellier, par un jugement du 29 septembre 2015, a retenu que la décision de déclencher l'accouchement avait été prise par M. D... dans l'exercice de son activité privée au sein du centre hospitalier, estimé que Mme A... E... G... B... demandait réparation de préjudices résultant de sa prise en charge dans l'exercice de cette activité privée et rejeté la demande indemnitaire dirigée contre le centre hospitalier. Pour sa part, la cour d'appel de Montpellier, par un arrêt du 19 avril 2022 infirmant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Carcassonne le 29 janvier 2019, a retenu que le déclenchement de l'accouchement avait été décidé par l'équipe obstétricale du centre hospitalier, jugé qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de M. D... et rejeté l'action en responsabilité engagée contre ce médecin et son assureur.
3. A l'appui de ses demandes de réparation, Mme A... E... G... B... a fait valoir que les conséquences dommageables de l'accouchement résultent de la décision fautive de déclencher l'accouchement et qu'elle n'avait pas été préalablement informée des risques attachés à ce déclenchement. Toutefois, il ne résulte pas des éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction que le déclenchement de l'accouchement, à cinq jours du terme théorique de la grossesse, même pour des motifs étrangers à l'état de santé de l'intéressée ou du fœtus, aurait été mis en œuvre, au moment où il l'a été au matin du 2 décembre 1997, dans des conditions médicales défavorables, compte tenu de l'état des connaissances médicales disponibles à la date de l'accouchement. De même, en l'état des connaissances prévalant alors, il ne résulte pas de l'instruction que le risque d'hémorragie lié à la prise d'ocytocine pour déclencher l'accouchement pouvait être regardé comme justifiant qu'il fasse l'objet d'une information préalable de la patiente avant l'accouchement. Si la requérante fait en outre valoir, devant le Tribunal, que le centre hospitalier aurait commis une faute en s'abstenant de la faire bénéficier d'un suivi psychologique à sa sortie de l'hôpital, il est constant qu'elle n'a invoqué une telle faute ni devant la juridiction administrative ni devant la juridiction judiciaire.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... E... G... B... ne peut se prévaloir, ni contre le centre hospitalier de Carcassonne ni contre le docteur D..., d'un droit à indemnité qui aurait pu être satisfait par les actions engagées devant les deux ordres de juridiction. Par suite, si les appréciations divergentes retenues par la juridiction administrative puis par la juridiction judiciaire présentent une contrariété, les décisions successivement rendues par ces juridictions n'ont pas conduit à un déni de justice mettant l'intéressée dans l'impossibilité d'obtenir une satisfaction à laquelle elle a droit. Dès lors, les dispositions de l'article 15 de la loi du 24 mai 1872 ne sont pas applicables et les conclusions de Mme A... E... G... B... tendant à ce que le Tribunal des conflits lui accorde une indemnité ne sont pas recevables. Il s'ensuit que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A... E... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme F... A... E... G... B..., à M. C... D..., à la société d'assurance mutuelle MACSF Mutuelle Assurance Corps Santé Français, au centre hospitalier de Carcassonne, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et au ministre de la santé et de la prévention.