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11/04/2022 | FRANCE | N°C4240

France | France, Tribunal des conflits, 11 avril 2022, C4240


Vu, enregistrée à son secrétariat le 16 décembre 2021, l'expédition du jugement du 12 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi par renvoi du tribunal de grande instance de Lille de la demande, initialement formée devant ce tribunal, par M. B... tendant à l'annulation du titre de recette émis à son encontre par la métropole européenne de Lille pour un montant de 33 661,06 euros, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'ordonnance du 28 janvier 201

9 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande insta...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 16 décembre 2021, l'expédition du jugement du 12 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi par renvoi du tribunal de grande instance de Lille de la demande, initialement formée devant ce tribunal, par M. B... tendant à l'annulation du titre de recette émis à son encontre par la métropole européenne de Lille pour un montant de 33 661,06 euros, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'ordonnance du 28 janvier 2019 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille a déclaré le tribunal de grande instance incompétent pour connaître du litige et renvoyé M. B... à mieux se pourvoir ;

Vu, enregistré le 27 janvier 2022, le mémoire présenté pour la métropole européenne de Lille tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente au motif que le contrat en cause a pour objet l'exécution du service public d'assainissement non collectif et qu'il comporte des clauses exorbitantes de droit commun relatives à l'obligation d'information mise à la charge du co-contractant, la pénalité financière que la métropole européenne de Lille peut infliger en cas de non-conformité des matières dépotées et à la faculté de suspension ou résiliation unilatérale au bénéfice de la métropole européenne de Lille ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. B... et le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la santé publique ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A..., membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Buk-Lament, Robillot pour la métropole européenne de Lille ;

- les conclusions de Mme Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 juillet 2011, M. B..., exerçant une activité de vidange, curage et réfection de fosses et égoûts, sous la dénomination commerciale Pennel Devrouete, a conclu avec la communauté urbaine de Lille, devenue la métropole européenne de Lille (MEL), une convention portant sur le traitement des matières de vidange issues des installations d'assainissement non collectif. Cette convention permettait à M. B... de déposer dans certaines stations d'épuration, selon des modalités et un tarif qu'elle fixait, les matières issues des vidanges effectuées dans des systèmes d'assainissement non collectif par son entreprise, en tant que personne agréée.

2. Le 18 avril 2016, la MEL a résilié la convention en raison de manquements reprochés à M. B..., notamment un déversement d'hydrocarbures dans le réseau d'assainissement à Roubaix et un autre dans le système d'assainissement pluvial à Hem. Puis, le 9 avril 2018, la MEL a émis à l'encontre de M. B... un titre exécutoire portant sur une somme correspondant au coût des opérations d'investigation et de curage rendues nécessaires par ces pollutions d'hydrocarbures. Par une ordonnance du 28 janvier 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille a déclaré ce tribunal incompétent pour statuer sur la demande formée par M. B... tendant à l'annulation du titre de recette émis à son encontre. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 12 novembre 2021, a renvoyé au Tribunal, sur le fondement du second alinéa de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

3. D'une part, aux termes du I de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, "Les communes sont compétentes en matière d'assainissement des eaux usées". Selon le III du même article, les communes assurent le contrôle des installations d'assainissement non collectif ; elles peuvent assurer, avec l'accord écrit du propriétaire, l'entretien, les travaux de réalisation et les travaux de réhabilitation des installations d'assainissement non collectif prescrits dans le document de contrôle ; elles peuvent, en outre, assurer le traitement des matières de vidanges issues des installations d'assainissement non collectif. Aux termes de l'article L. 2224-11 du même code : " Les services publics (...) d'assainissement sont financièrement gérés comme des services publics à caractère industriel et commercial. ".

4. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique : " Les immeubles non raccordés au réseau public de collecte des eaux usées sont équipés d'une installation d'assainissement non collectif dont le propriétaire assure l'entretien régulier et qu'il fait périodiquement vidanger par une personne agréée par le représentant de l'Etat dans le département, afin d'en garantir le bon fonctionnement." et aux termes du III du même article : " Les modalités d'agrément des personnes qui réalisent les vidanges et prennent en charge le transport et l'élimination des matières extraites, (...) sont définies par un arrêté des ministres chargés de l'intérieur, de la santé, de l'environnement et du logement.". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 7 septembre 2009 définissant les modalités d'agrément des personnes réalisant les vidanges et prenant en charge le transport et l'élimination des matières extraites des installations d'assainissement non collectif : " La demande d'agrément indique notamment la quantité maximale annuelle de matières pour laquelle l'agrément est demandé et justifie, pour cette même quantité, d'un accès spécifique à une ou plusieurs filières d'élimination des matières de vidange. Lorsque l'une des filières d'élimination envisagées est l'épandage agricole, le demandeur joint à sa demande d'agrément une attestation de son engagement à obtenir les éventuelles autorisations administratives correspondantes. ". Il résulte de ces dispositions que le transport et l'élimination des matières de vidange extraites des installations d'assainissement non collectif incombent aux personnes agréées définies à l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique, qui ont le choix entre différentes filières d'élimination.

5. Lorsqu'une collectivité territoriale décide, dans le cadre du service public de l'assainissement et en application du III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, de permettre aux personnes agréées de déposer en station d'épuration des matières qu'elles ont collectées d'installations non collectives, la personne agréée, qui assure ainsi l'élimination des matières de vidange dont elle a pris la charge, doit être regardée comme un usager de ce service public. La convention par laquelle la collectivité territoriale organise avec la personne agréée le dépôt par cette dernière des matières qu'elle a collectées et transportées ne peut être regardée comme faisant participer cette personne à l'exécution du service public de l'assainissement.

6. Eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de l'assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

7. Il résulte de ce qui précède que la convention liant M. B... à la métropole européenne de Lille présente le caractère d'un contrat de droit privé et que le litige relatif à la contestation du titre de recette émis à l'encontre de M. B... en réparation des préjudices découlant, selon la métropole européenne de Lille, d'une mauvaise exécution de la convention, relève de la compétence de la juridiction judiciaire. Au surplus, si, comme M. B... l'a soutenu, la métropole européenne de Lille a fondé le titre de recette contesté sur la responsabilité extra-contractuelle de ce dernier, le litige relèverait également de la compétence de la juridiction judiciaire dès lors qu'en l'absence de disposition législative contraire, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur une telle responsabilité encourue par une personne privée à l'égard d'une personne publique.

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la demande de M. B....

Article 2 : L'ordonnance du 28 janvier 2019 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille est déclarée nulle et non avenue. Les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Lille est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 12 novembre 2021.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B..., à la métropole européenne de Lille et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COMMUNE - ATTRIBUTIONS - SERVICES COMMUNAUX - ASSAINISSEMENT ET EAUX USÉES - 1) PERSONNE À QUI INCOMBE LE TRANSPORT ET L’ÉLIMINATION DE MATIÈRES DE VIDANGE EXTRAITES DES INSTALLATIONS D’ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF – PERSONNE AGRÉÉE (ART - L - 1331-1-1 DU CSP) – 2) CONVENTION CONCLUE ENTRE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE ET LA PERSONNE AGRÉÉE POUR ORGANISER LE DÉPÔT EN STATION D’ÉPURATION DE MATIÈRES COLLECTÉES - DANS LE CADRE DU SERVICE PUBLIC DE L’ASSAINISSEMENT (III DE L’ART - L - 2224-8 DU CGCT) – A) QUALITÉ D’USAGER DU SERVICE PUBLIC DE CETTE PERSONNE – EXISTENCE – B) PARTICIPATION DE CELLE-CI AU SERVICE PUBLIC DE L’ASSAINISSEMENT – ABSENCE – C) CONSÉQUENCE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DES LITIGES RELATIFS AUX RAPPORTS ENTRE CE SPIC ET SES USAGERS [RJ1].

135-02-03-03-05 1) Il résulte du I et du III de l’article L. 1331-1-1 du code de la santé publique (CSP) et de l’article 3 de l’arrêté du 7 septembre 2009 définissant les modalités d’agrément des personnes réalisant les vidanges et prenant en charge le transport et l’élimination des matières extraites des installations d’assainissement non collectif que le transport et l’élimination de ces matières incombent aux personnes agréées définies à l’article L. 1331-1-1 du CSP, qui ont le choix entre différentes filières d’élimination....2) a) Lorsqu’une collectivité territoriale décide, dans le cadre du service public de l’assainissement et en application du III de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT), de permettre aux personnes agréées de déposer en station d’épuration des matières qu’elles ont collectées d’installations non collectives, la personne agréée, qui assure ainsi l’élimination des matières de vidange dont elle a pris la charge, doit être regardée comme un usager de ce service public. ...b) La convention par laquelle la collectivité territoriale organise avec la personne agréée le dépôt par cette dernière des matières qu’elle a collectées et transportées ne peut être regardée comme faisant participer cette personne à l’exécution du service public de l’assainissement....c) Eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial (SPIC) de l'assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS DE DROIT PRIVÉ - CONTRATS DÉPOURVUS DE CLAUSES EXORBITANTES DU DROIT COMMUN ET DE PARTICIPATION AU SERVICE PUBLIC - CONVENTION CONCLUE ENTRE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE ET LA PERSONNE AGRÉÉE POUR ORGANISER LE DÉPÔT EN STATION D’ÉPURATION DE MATIÈRES COLLECTÉES DANS DES INSTALLATIONS D’ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF (ART - L - 1331-1-1 DU CSP) – 1) QUALITÉ D’USAGER DU SERVICE PUBLIC DE L’ASSAINISSEMENT (III DE L’ART - L - 2224-8 DU CGCT) DE CETTE PERSONNE – EXISTENCE – 2) PARTICIPATION DE CELLE-CI AU SERVICE PUBLIC DE L’ASSAINISSEMENT – ABSENCE – 3) CONSÉQUENCE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DES LITIGES RELATIFS AUX RAPPORTS ENTRE CE SPIC ET SES USAGERS [RJ1].

17-03-02-03-01-02 Il résulte du I et du III de l’article L. 1331-1-1 du code de la santé publique (CSP) et de l’article 3 de l’arrêté du 7 septembre 2009 définissant les modalités d’agrément des personnes réalisant les vidanges et prenant en charge le transport et l’élimination des matières extraites des installations d’assainissement non collectif que le transport et l’élimination de ces matières incombent aux personnes agréées définies à l’article L. 1331-1-1 du CSP, qui ont le choix entre différentes filières d’élimination....1) Lorsqu’une collectivité territoriale décide, dans le cadre du service public de l’assainissement et en application du III de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT), de permettre aux personnes agréées de déposer en station d’épuration des matières qu’elles ont collectées d’installations non collectives, la personne agréée, qui assure ainsi l’élimination des matières de vidange dont elle a pris la charge, doit être regardée comme un usager de ce service public. ...2) La convention par laquelle la collectivité territoriale organise avec la personne agréée le dépôt par cette dernière des matières qu’elle a collectées et transportées ne peut être regardée comme faisant participer cette personne à l’exécution du service public de l’assainissement....3) Eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial (SPIC) de l'assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - NATURE DU CONTRAT - CONTRATS N'AYANT PAS UN CARACTÈRE ADMINISTRATIF - CONTRATS NE CONCERNANT PAS DIRECTEMENT L'EXÉCUTION D'UN SERVICE PUBLIC ET NE CONTENANT PAS DE CLAUSES EXORBITANTES DU DROIT COMMUN - CONVENTION CONCLUE ENTRE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE ET LA PERSONNE AGRÉÉE POUR ORGANISER LE DÉPÔT EN STATION D’ÉPURATION DE MATIÈRES COLLECTÉES DANS DES INSTALLATIONS D’ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF (ART - L - 1331-1-1 DU CSP) – 1) QUALITÉ D’USAGER DU SERVICE PUBLIC DE L’ASSAINISSEMENT (III DE L’ART - L - 2224-8 DU CGCT) DE CETTE PERSONNE – EXISTENCE – 2) PARTICIPATION DE CELLE-CI AU SERVICE PUBLIC DE L’ASSAINISSEMENT – ABSENCE – 3) CONSÉQUENCE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DES LITIGES RELATIFS AUX RAPPORTS ENTRE CE SPIC ET SES USAGERS [RJ1].

39-01-02-02-02 Il résulte du I et du III de l’article L. 1331-1-1 du code de la santé publique (CSP) et de l’article 3 de l’arrêté du 7 septembre 2009 définissant les modalités d’agrément des personnes réalisant les vidanges et prenant en charge le transport et l’élimination des matières extraites des installations d’assainissement non collectif que le transport et l’élimination de ces matières incombent aux personnes agréées définies à l’article L. 1331-1-1 du CSP, qui ont le choix entre différentes filières d’élimination....1) Lorsqu’une collectivité territoriale décide, dans le cadre du service public de l’assainissement et en application du III de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT), de permettre aux personnes agréées de déposer en station d’épuration des matières qu’elles ont collectées d’installations non collectives, la personne agréée, qui assure ainsi l’élimination des matières de vidange dont elle a pris la charge, doit être regardée comme un usager de ce service public. ...2) La convention par laquelle la collectivité territoriale organise avec la personne agréée le dépôt par cette dernière des matières qu’elle a collectées et transportées ne peut être regardée comme faisant participer cette personne à l’exécution du service public de l’assainissement....3) Eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial (SPIC) de l'assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 8 octobre 2018, Commune de Malroy c/ M. et Mme Saez, n° 4135, T. pp. 581-609-610.


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Schwartz
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: Mme Bokdam-Tognetti

Origine de la décision
Date de la décision : 11/04/2022
Date de l'import : 04/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : C4240
Numéro NOR : CETATEXT000045630814 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.conflits;arret;2022-04-11;c4240 ?
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