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11/03/2019 | FRANCE | N°C4153

France | France, Tribunal des conflits, 11 mars 2019, C4153


Vu, enregistrée à son secrétariat le 6 décembre 2018, l'expédition de l'ordonnance par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, saisi par Mme F...C..., épouseD..., d'une demande tendant à la condamnation de la Fédération de Russie et de la République française à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi en tant que détentrice de titres d'emprunt russes, après avoir admis l'intervention volontaire de l'Agent judiciaire de l'Etat, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider d

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Vu, enregistrée à son secrétariat le 6 décembre 2018, l'expédition de l'ordonnance par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, saisi par Mme F...C..., épouseD..., d'une demande tendant à la condamnation de la Fédération de Russie et de la République française à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi en tant que détentrice de titres d'emprunt russes, après avoir admis l'intervention volontaire de l'Agent judiciaire de l'Etat, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider de l'ordre de juridiction compétent pour connaître du litige opposant Mme D...à la République française ;

Vu, enregistré le 14 janvier 2019, le mémoire présenté pour l'Agent judiciaire de l'Etat tendant, à titre principal, à ce qu'aucun des deux ordres de juridiction ne soit déclaré compétent et, à titre subsidiaire, à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, et, par ailleurs, à ce que la somme de 2500 euros soit mise à la charge de MmeC..., épouse D...au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991, par les motifs que le litige porte sur des actes de gouvernement et, à titre subsidiaire, qu'aucune voie de fait ne peut être reprochée à l'Etat ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 5 février 2019, le mémoire présenté par la SCP Gadiou-Chevallier pour MmeC..., épouseD..., tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente et à ce que la somme de 4000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la Fédération de Russie au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991, par les motifs qu'aucun acte de gouvernement n'est en cause et que l'Etat a commis une voie de fait ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à la Fédération de Russie, à M.B..., ambassadeur de la Fédération de Russie, au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au ministre de l'économie et des finances, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la loi n ° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. A...Ménéménis, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Foussard-Froger pour l'Agent judiciaire de l'Etat ;

- les conclusions de Mme E...Vassallo-Pasquet, rapporteur public ;

Considérant que Mme F...C..., épouseD..., est devenue propriétaire, par héritage, de titres d'emprunt russes ; qu'après avoir assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la Fédération de Russie pour obtenir paiement de la somme à laquelle elle estime que ces titres lui donnent droit, elle a assigné en intervention forcée dans la même instance la République française, aux fins d'obtenir la condamnation solidaire de la Russie et de la France à lui payer la somme qu'elle réclame ; que, par une ordonnance du 4 décembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a admis l'intervention volontaire de l'Agent judiciaire de l'Etat et renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de déterminer quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître du litige qui oppose Mme D...à l'Etat français ;

Considérant que Mme D...soutient que la France aurait, en s'abstenant de faire pression sur la Russie pour protéger les intérêts des détenteurs français de titres d'emprunt russes puis en concluant avec la Russie l'accord du 27 mai 1997, qui a notamment entendu procéder au " règlement complet et définitif " de la question dite des " emprunts russes ", commis des fautes qui sont à l'origine du préjudice qu'elle subit en étant privée de la somme à laquelle elle estime avoir droit ; que le préjudice ainsi invoqué n'est pas détachable de la conduite des relations entre la France et la Russie et ne saurait par suite engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute ; que la juridiction administrative et la juridiction judiciaire sont l'une et l'autre incompétentes pour en connaître ;

Considérant que Mme D...soutient par ailleurs qu'elle entend aussi poursuivre la responsabilité de l'Etat, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, en réparation du préjudice qu'elle estime subir du fait de l'accord franco-russe du 27 mai 1997 ; qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître d'une telle demande ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que présentent Mme D...et l'Agent judiciaire de l'Etat au titre des dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître des conclusions par lesquelles Mme D...poursuit la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.

Article 2 : Ni la juridiction administrative ni la juridiction judiciaire ne sont compétentes pour connaître des conclusions par lesquelles Mme D...poursuit la responsabilité de l'Etat pour faute.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme D...et par l'Agent judiciaire de l'Etat au titre des dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à MmeD..., au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, au ministre de l'économie et des finances, à la Fédération de Russie et à M. B..., ambassadeur de la Fédération de Russie.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4153
Date de la décision : 11/03/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - ACTES ÉCHAPPANT À LA COMPÉTENCE DES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - ACTES DE GOUVERNEMENT - ACTES CONCERNANT LES RELATIONS INTERNATIONALES - ACTIONS DIPLOMATIQUES MISES EN OEUVRE PAR LA FRANCE EN VUE DU RÈGLEMENT DE LA QUESTION DITE DES EMPRUNTS RUSSES - ACTES SE RATTACHANT À LA CONDUITE DES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LA RUSSIE - EXISTENCE [RJ1].

17-02-02-02 Requérante soutenant que la France aurait, en s'abstenant de faire pression sur la Russie pour protéger les intérêts des détenteurs français de titres d'emprunt russes puis en concluant avec la Russie l'accord du 27 mai 1997, qui a notamment entendu procéder au règlement complet et définitif de la question dite des emprunts russes, commis des fautes qui sont à l'origine du préjudice qu'elle subit en étant privée de la somme à laquelle elle estime avoir droit. Le préjudice ainsi invoqué n'est pas détachable de la conduite des relations entre la France et la Russie et ne saurait par suite engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute. La juridiction administrative et la juridiction judiciaire sont l'une et l'autre incompétentes pour en connaître.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - RESPONSABILITÉ - RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE - COMPÉTENCE ADMINISTRATIVE - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT ENGAGÉE SUR LE FONDEMENT DE L'ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES DU FAIT DE TRAITÉS OU DE CONVENTIONS INTERNATIONALES [RJ2].

17-03-02-05-01-01 La juridiction administrative est compétente pour connaître d'une demande tendant à la réparation, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, du préjudice subi du fait de l'accord franco-russe du 27 mai 1997 relatif à question dite des emprunts russes.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ - FAITS N'ENGAGEANT PAS LA RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - ACTES DE GOUVERNEMENT - ACTION EN RESPONSABILITÉ POUR FAUTE AU TITRE DU RÈGLEMENT DE LA QUESTION DITE DES EMPRUNTS RUSSES - ACTES SE RATTACHANT À LA CONDUITE DES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LA RUSSIE - EXISTENCE [RJ3].

60-01-01-03 Requérante soutenant que la France aurait, en s'abstenant de faire pression sur la Russie pour protéger les intérêts des détenteurs français de titres d'emprunt russes puis en concluant avec la Russie l'accord du 27 mai 1997, qui a notamment entendu procéder au règlement complet et définitif de la question dite des emprunts russes, commis des fautes qui sont à l'origine du préjudice qu'elle subit en étant privée de la somme à laquelle elle estime avoir droit. Le préjudice ainsi invoqué n'est pas détachable de la conduite des relations entre la France et la Russie et ne saurait par suite engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 29 novembre 1968,,, n° 68938, p. 607,,

[RJ2]

Rappr. CE, Assemblée, 30 mars 1966, Compagnie générale d'énergie radio-électrique, n° 50515, p. 257,,

[RJ3]

Rappr. CE, 3 octobre 2018, M.,, n° 410611, p. 359.


Composition du Tribunal
Président : M. Maunand
Rapporteur ?: M. Alain Ménéménis
Rapporteur public ?: Mme Vassallo-Pasquet

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2019:C4153
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