N° 4062 __________
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Pau
SARL Enduro c/ Garde des sceaux, ministre de la justice __________
Mme Sophie Canas Rapporteur __________
Mme Nathalie Escaut Rapporteur public __________
Séance du 4 juillet 2016 Lecture du 4 juillet 2016 __________
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 7 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau, statuant sur la demande de la société à responsabilité limitée Enduro tendant à l'annulation du titre de perception émis le 3 décembre 2013 par le service ordonnateur de la cour d'appel de Pau, pour obtenir paiement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, et de la décision du 5 mai 2014 du premier président de la cour d'appel de Pau et du procureur général près ladite cour rejetant sa contestation, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le mémoire présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui conclut à la compétence de la juridiction administrative, par le motif que le recouvrement des dépenses d'aide juridictionnelle est désormais assujetti aux règles du recouvrement régissant les créances étrangères à l'impôt et au domaine et que les titres de perception sont, en conséquence, soumis aux règles générales de la comptabilité publique ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à la société Enduro, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, notamment ses articles 117, 118 et 119 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Canas, membre du Tribunal ; - les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
Considérant que, par jugement du 15 février 2012, le tribunal d'instance de Bayonne a déclaré la société Enduro responsable des préjudices subis par Mme X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, et l'a condamnée à payer à cette dernière diverses sommes, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise ordonnée en référé ; que, le 3 décembre 2013, le service ordonnateur de la cour d'appel de Pau a émis un titre de perception à l'encontre de la société Enduro pour obtenir paiement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ; que, par décision du 5 mai 2014, le premier président de la cour d'appel de Pau et le procureur général près ladite cour ont rejeté la contestation relative au montant des sommes dues formée par la société Enduro ; que celle-ci a saisi la juridiction administrative d'une demande tendant à l'annulation du titre de perception du 3 décembre 2013 et de la décision du 5 mai 2014 ; que, par jugement du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Pau, estimant que le litige présentait à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse, a saisi le Tribunal en application de l'article 35 du décret du 27 février 2015 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : "Lorsque la partie condamnée aux dépens ou la partie perdante ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat, à l'exclusion des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police. Toutefois, pour des considérations tirées de l'équité ou de la situation économique de cette partie, le juge peut la dispenser totalement ou partiellement de ce remboursement" ; que, conformément à l'article 44 de cette même loi, dans sa rédaction issue de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 : "Le recouvrement des sommes dues à l'Etat a lieu comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine, sous réserve de dispositions particulières définies par décret" ; que, selon l'article 123 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, précitée : "La partie condamnée aux dépens qui ne bénéficie pas elle-même de l'aide juridictionnelle est tenue, sauf dispense totale ou partielle accordée par le juge, de rembourser au Trésor, dans la proportion des dépens mis à sa charge, les sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle" ; qu'aux termes de l'article 124 dudit décret : "Le recouvrement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle est effectué par le comptable de la direction générale des finances publiques au vu d'un titre de perception établi et rendu exécutoire par l'ordonnateur compétent" ; que l'article 128 du même texte, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1247 du 7 novembre 2012 portant adaptation de divers textes au nouvelles règles de la gestion budgétaire et comptable publique, dispose que : "Le titre de perception peut faire l'objet de la part du redevable d'une opposition. / L'opposition est formée et instruite selon les règles prévues aux articles 117 à 119 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, et produit les mêmes effets" ;
Considérant que la créance que l'Etat détient, en l'espèce, contre la partie condamnée aux dépens trouve son fondement dans une décision de la juridiction judiciaire, qui a tranché le litige opposant les parties à l'instance et statué sur les dépens y afférents, et n'en est pas détachable ; qu'il s'ensuit que les mesures prises par les chefs de cour d'appel, en leur qualité d'ordonnateurs, en vue du recouvrement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle se rattachent au fonctionnement du service public de la justice ; que, dès lors, le litige relève de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la société à responsabilité limitée Enduro au garde des sceaux, ministre de la justice.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Enduro et au garde des sceaux, ministre de la justice.