La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2015 | FRANCE | N°T1504036

France | France, Tribunal des conflits, 16 novembre 2015, T1504036


N° 4036

Conflit positif
M. et Mme B. c/ ministre des finances et des comptes publics

M. Yves Maunand Rapporteur

Mme Nathalie Escaut Rapporteur public

Séance du 16 novembre 2015 Lecture du 16 novembre 2015

LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu le dossier de la procédure opposant M. et Mme B. à l'Etat ;
Vu le déclinatoire de compétence adressé le 10 juin 2015 au greffe de la cour d'appel de Paris par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015 qui a rejeté le déclinatoire d

e compétence et ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties civiles de conclure su...

N° 4036

Conflit positif
M. et Mme B. c/ ministre des finances et des comptes publics

M. Yves Maunand Rapporteur

Mme Nathalie Escaut Rapporteur public

Séance du 16 novembre 2015 Lecture du 16 novembre 2015

LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu le dossier de la procédure opposant M. et Mme B. à l'Etat ;
Vu le déclinatoire de compétence adressé le 10 juin 2015 au greffe de la cour d'appel de Paris par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015 qui a rejeté le déclinatoire de compétence et ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties civiles de conclure sur le fondement de leur demande en indemnisation ;
Vu l'arrêté du 19 août 2015 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu les observations présentées par l'Agent judiciaire de l'Etat et tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit au motif que le litige oppose un agent public titulaire à l'Etat afin d'obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un accident de service survenu à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;
Vu les observations présentées par M. et Mme B., agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de tuteurs de leur fils Hakim, et tendant à l'irrecevabilité de l'arrêté de conflit et, subsidiairement, à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître des conséquences dommageables d'un accident causé par un véhicule ;
Vu les observations du ministre des finances et des comptes publics tendant à la compétence des juridictions de l'ordre administratif au motif que le litige porte sur un accident de service opposant l'Etat aux consorts B., peu important la circonstance que cet accident implique un véhicule appartenant à l'Etat ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre de la défense qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Maunand, membre du Tribunal, - les observations de la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer pour le ministre des finances et des comptes publics, - les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
Considérant que, dans la nuit du 12 au 13 novembre 2009, alors qu'il se trouvait en mission extérieure à Kaboul (Afghanistan), le sergent-chef Hakim B., passager du véhicule conduit par le capitaine M'B., a été grièvement blessé au cours d'une collision avec un camion civil afghan ; que, par jugement du 25 septembre 2012, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé M. M'B. du chef de blessures involontaires aggravées et, statuant sur l'action civile par application des dispositions de l'article 470-1 du code de procédure pénale, a ordonné une expertise médicale et condamné l'Agent judiciaire de l'Etat à payer diverses provisions à M. Mohamed B. et Mme Khadija N. épouse B., parties civiles, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de tuteurs de leur fils Hakim ; que l'Agent judiciaire de l'Etat a interjeté appel de cette décision et le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a présenté un déclinatoire de compétence qui a été accueilli par un arrêt du 2 juillet 2013 ; que cet arrêt a été cassé par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 septembre 2014 ; que, devant la cour d'appel de renvoi, le préfet a déposé le 10 juin 2015 un nouveau déclinatoire de compétence qui a été rejeté par arrêt du 2 juillet 2015 ; que le préfet a pris un arrêté de conflit le 19 août 2015, remis au greffe de la cour d'appel le 24 août 2015, contestant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître des demandes formées par M. et Mme B. agissant en qualité de tuteur de leur fils ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêt du 2 juillet 2015 n'ayant pas été régulièrement signifié au préfet, le délai de quinze jours qui lui est imparti par l'article 22 du décret du 27 février 2015 pour élever le conflit n'a pas couru ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 18 de ce décret, "Le conflit peut être élevé tant qu'il n'a pas été statué sur la compétence par une décision passée en force de chose jugée." ; qu'il s'ensuit qu'il peut être élevé pour la première fois en cause d'appel ainsi que devant la juridiction statuant sur renvoi après cassation ;
Considérant, en troisième lieu, que si les prescriptions des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 19 du décret du 27 février 2015 n'ont pas pu être mises en oeuvre en raison du dépôt tardif du déclinatoire de compétence et si le président n'a pas été saisi d'une demande de réduction du délai de quinze jours, il ressort des énonciations de l'arrêt que les parties ont été en mesure de présenter leurs observations sur le déclinatoire de compétence ;
Sur la régularité de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ;
Considérant qu'il résulte de l'article 22 du décret du 27 février 2015 que la juridiction qui rejette le déclinatoire de compétence ne peut statuer sur le fond avant l'expiration du délai de quinze jours laissé au préfet pour, s'il l'estime opportun, élever le conflit et de l'article 26 de ce décret qu'elle doit surseoir à statuer dès la réception de l'arrêté de conflit ; qu'il s'ensuit que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015 doit être déclaré nul et non avenu en tant qu'il ordonne la réouverture des débats sur le fond, après avoir rejeté le déclinatoire présenté par le préfet et refusé de surseoir à statuer ;
Sur la compétence :
Considérant, d'une part, qu'un agent public titulaire, victime d'un accident de service à l'occasion de l'exercice de ses fonctions causé par un autre agent public, peut exercer contre la collectivité publique qui l'emploie une action tendant à la réparation des conséquences dommageables de cet accident ; que cette action relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, et ce alors même que l'accident a été causé par un véhicule ;
Considérant, d'autre part, que, s'il entend agir contre l'auteur de l'accident de la circulation sur le fondement de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 et former une action en responsabilité contre la personne publique substituée à son agent, cette action ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Considérant, en l'espèce, que M. et Mme B. recherchent, tant en leur qualité de tuteurs de leur fils Hakim qu'en leur nom personnel, la responsabilité de l'Etat, substituée à celle de son agent, à la suite des dommages causés par celui-ci dans l'exercice de ses fonctions et découlant de l'action d'un véhicule ; qu'il s'ensuit que l'action qu'ils exercent au nom de leur fils relève, comme celle qu'ils exercent sur le même fondement en leur nom propre, de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire ; que, par suite, c'est à tort que le conflit a été élevé ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015 est annulé en tant qu'il ordonne la réouverture des débats sur le fond et renvoie l'affaire à une audience ultérieure.
Article 2 : L'arrêté de conflit pris le 19 août 2015 par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B., au préfet et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Numéro d'arrêt : T1504036
Date de la décision : 16/11/2015

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Action en réparation des dommages causés par tout véhicule et dirigée contre une personne morale de droit public - Dommages causés à un agent public par un autre agent public à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, auquel se trouve substituée la collectivité publique qui l'emploie

Un agent public titulaire, victime d'un accident de service causé par un autre agent public à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, peut exercer contre la collectivité publique qui l'emploie une action tendant à la réparation des conséquences dommageables de cet accident, cette action relevant alors de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, et ce alors même que l'accident a été causé par un véhicule. S'il entend agir contre l'auteur de l'accident de la circulation sur le fondement de l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 et former une action en responsabilité contre la personne publique substituée à son agent, cette action ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Dès lors, lorsque des parents recherchent, tant en leur qualité de tuteurs de leur fils qu'en leur nom personnel, la responsabilité de l'Etat, substituée à celle de son agent, à la suite des dommages causés par celui-ci dans l'exercice de ses fonctions et découlant de l'action d'un véhicule, leur action relève de la compétence du juge judiciaire en application de la loi susvisée


Références :

Sur le numéro 1 et 5 : loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

loi du 24 mai 1872

décret n° 2015-233 du 27 février 2015

loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 juillet 2015

Sur le n° 1 : Sous l'empire de l'ordonnance du 1er juin 1828, à rapprocher :Tribunal des conflits, 10 avril 1995, n° 02953, mentionné aux tables du Recueil Lebon.Sur le n° 2 : Sous l'empire de l'ordonnance du 1er juin 1828, à rapprocher :Tribunal des conflits, 11 octobre 1993, Bull. 1993, T. conflits, n° 14 (1).Sur le n° 3 : Sous l'empire de l'ordonnance du 1er juin 1828, à rapprocher :Tribunal des conflits, 18 mars 2013, Bull. 2013, T. conflits, n° 6 (1).Sur le n° 4 :Sous l'empire de l'ordonnance du 1er juin 1828, à rapprocher :Tribunal des conflits, 18 juin 2007, Bull. 2007, T. conflits, n° 25 (2), et les décisions citées.Sur le n° 5 :A rapprocher :Tribunal des conflits, 20 juin 2005, Bull. 2005, T. conflits, n° 19 ;Tribunal des conflits, 8 juin 2009, Bull. 2009, T. conflits, n° 13, et la décision citée


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Avocat général : Mme Escaut (rapporteur public)
Rapporteur ?: M. Maunand
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2015:T1504036
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award