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16/11/2015 | FRANCE | N°C4026

France | France, Tribunal des conflits, 16 novembre 2015, C4026


Vu, enregistrée à son secrétariat le 11 juin 2015, l'expédition de la décision du 10 juin 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi des requêtes des sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermogensverwaltung International AG tendant à l'annulation de communiqués publiés par l'Autorité des marchés financiers et du refus de les rectifier, ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice en résultant, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider s

ur la question de compétence ;

Vu, enregistré à son secrétariat le...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 11 juin 2015, l'expédition de la décision du 10 juin 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi des requêtes des sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermogensverwaltung International AG tendant à l'annulation de communiqués publiés par l'Autorité des marchés financiers et du refus de les rectifier, ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice en résultant, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 16 juillet 2015, le mémoire présenté pour les sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermogensverwaltung International AG tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente et à ce que soit mise à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, par les motifs que les communiqués litigieux et le refus de les modifier sont des décisions individuelles qui visent des professionnels relevant du II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à l'Autorité des marchés financiers et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Canas , membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Foussard - Froger pour la société Fairvesta International GmbH et autres,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

Considérant que la société de droit allemand Fairvesta International GmbH a, à compter de 2009, commercialisé en France, par l'intermédiaire d'agents immobiliers et de conseillers en gestion du patrimoine, des produits de placements immobiliers, dénommés Mercatus VIII, Lumis et Chronos, prenant la forme de prises de participation dans des sociétés ayant pour objet l'acquisition, la gestion ou le négoce d'immeubles ; que, le 21 juillet 2011, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a publié sur son site Internet, dans la rubrique "Mises en garde", un communiqué intitulé "L'Autorité des marchés financiers attire l'attention du public sur les activités de la société Fairvesta", rédigé comme suit : " L'Autorité des marchés financiers reçoit de nombreuses questions de la part d'investisseurs particuliers et de professionnels relatives aux activités de la société Fairvesta. Cette société (...) propose des placements immobiliers tels que Mercatus VIII, Lumis, ou encore Chronos avec des perspectives de rendement élevées. Ces placements sont souvent commercialisés en France de manière très active par des personnes tenant des discours parfois déséquilibrés au regard des risques en capital encourus. Ces produits ne relèvent pas de la réglementation applicable aux titres financiers. La société Fairvesta n'est d'ailleurs ni autorisée à fournir en France des services d'investissement ou des conseils en investissement financier ni habilitée à se livrer à une activité de démarchage bancaire ou financier et les placements proposés n'ont pas donné lieu à l'élaboration d'un document d'information visé ou revu par l'AMF " ; que ce communiqué invitait ensuite, d'une manière générale, les épargnants à appliquer des règles de vigilance avant tout investissement ; que, le 17 juillet 2012, l'AMF a publié, dans les mêmes conditions, un communiqué reprenant les termes du premier, mais précisant, en note de bas de page, que deux autres sociétés du groupe Fairvesta, les sociétés Fairvesta Europe AG et Fairvesta Europe AG II, domiciliées au Liechtenstein, émettaient des obligations ayant fait l'objet de visas délivrés par l'autorité de régulation de ce pays et de certificats d'approbation et prospectus notifiés à l'AMF ; que, le 5 novembre 2012, un nouveau communiqué, attirant cette fois l'attention du public sur le site Internet " Fairvesta ", a été publié, dans des termes quasiment identiques à ceux utilisés en juillet 2012 ; que, par lettre reçue le 16 janvier 2013, la société Fairvesta International GmbH a demandé à l'AMF l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi à la suite de la publication de ces trois communiqués, ainsi que la publication d'un communiqué rectificatif ; que, par lettre du 13 février 2013, l'AMF a refusé d'accueillir une telle demande, position qu'elle a confirmée dans un courrier du 12 avril 2013 en réponse à une nouvelle demande de la société ; que les sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermogensverwaltung International AG ont saisi la juridiction administrative de demandes tendant à l'annulation des communiqués litigieux et du refus de les rectifier, ainsi qu'à l'indemnisation des préjudices financier et d'image qu'aurait subis la société Fairvesta International GmbH ; que, par décision du 10 juin 2015, le Conseil d'Etat, estimant que le litige présentait à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse, a saisi le Tribunal des conflits en application de l'article 35 du décret du 27 février 2015 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier : " L'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 est de la compétence du juge judiciaire " ;

Considérant que l'AMF doit, conformément à l'article L. 621-1 du code monétaire et financier, veiller à la protection de l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés ; que les communiqués qu'elle publie à l'intention des investisseurs et épargnants, dans le cadre de cette mission de service public, ne constituent pas des décisions individuelles au sens de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient à la juridiction administrative de connaître de la demande tendant à l'annulation des communiqués litigieux ; qu'il en va de même de celle tendant à l'annulation du refus de les rectifier ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AMF la somme que demandent les sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermogensverwaltung International AG au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige né de l'action des sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermogensverwaltung International AG tendant à l'annulation de communiqués publiés par l'Autorité des marchés financiers et du refus de les rectifier.

Article 2 : Les conclusions des sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermogensverwaltung International AG tendant à l'application de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermogensverwaltung International AG, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4026
Date de la décision : 16/11/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - COMMUNIQUÉS PUBLIÉS À L'INTENTION DES INVESTISSEURS ET ÉPARGNANTS - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR CONNAÎTRE DE RECOURS TENDANT À LEUR ANNULATION ET À L'ANNULATION DU REFUS DE LES RECTIFIER.

13-01-02-01 L'Autorité des marchés financiers (AMF) doit, conformément à l'article L. 621-1 du code monétaire et financier, veiller à la protection de l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés. Les communiqués qu'elle publie à l'intention des investisseurs et épargnants, dans le cadre de cette mission de service public, ne constituent pas des décisions individuelles au sens de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, lequel, par dérogation au droit commun [RJ1], réserve à l'autorité judiciaire compétence pour connaître des recours formés contre les décisions individuelles de l'AMF autres que celles relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 du même code.,,,Il appartient donc à la juridiction administrative de connaître de la demande tendant à l'annulation de communiqués publiés par l'AMF à l'intention des investisseurs et épargnants. Il en va de même de celle tendant à l'annulation du refus de les rectifier.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - AMF - COMMUNIQUÉS PUBLIÉS À L'INTENTION DES INVESTISSEURS ET ÉPARGNANTS - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR CONNAÎTRE DE RECOURS TENDANT À LEUR ANNULATION ET À L'ANNULATION DU REFUS DE LES RECTIFIER.

17-03-02 L'Autorité des marchés financiers (AMF) doit, conformément à l'article L. 621-1 du code monétaire et financier, veiller à la protection de l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés. Les communiqués qu'elle publie à l'intention des investisseurs et épargnants, dans le cadre de cette mission de service public, ne constituent pas des décisions individuelles au sens de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, lequel, par dérogation au droit commun [RJ1], réserve à l'autorité judiciaire compétence pour connaître des recours formés contre les décisions individuelles de l'AMF autres que celles relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 du même code.,,,Il appartient donc à la juridiction administrative de connaître de la demande tendant à l'annulation de communiqués publiés par l'AMF à l'intention des investisseurs et épargnants. Il en va de même de celle tendant à l'annulation du refus de les rectifier.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 2 mai 2011, Société Europe Finance et Industrie c/ Autorité des marchés financiers, n° 3766, p. 685.


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Sophie Canas
Rapporteur public ?: M. Dacosta

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2015:C4026
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