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06/07/2015 | FRANCE | N°C4012

France | France, Tribunal des conflits, 06 juillet 2015, C4012


Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 mars 2015, l'expédition du jugement du 9 mars 2015 par laquelle le tribunal administratif de Montpellier, saisi d'une demande de la SARL Port Adhoc Leucate tendant, sur question préjudicielle posée par jugement du tribunal d'instance de Narbonne en date du 30 septembre 2013, à l'appréciation de la légalité de la délibération du conseil municipal de Leucate en date du 9 décembre 2010 instituant une " contribution environnementale " due pour tout bateau séjournant en zone portuaire, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du d

écret du 26 octobre 1849 alors applicable, le soin de décider ...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 17 mars 2015, l'expédition du jugement du 9 mars 2015 par laquelle le tribunal administratif de Montpellier, saisi d'une demande de la SARL Port Adhoc Leucate tendant, sur question préjudicielle posée par jugement du tribunal d'instance de Narbonne en date du 30 septembre 2013, à l'appréciation de la légalité de la délibération du conseil municipal de Leucate en date du 9 décembre 2010 instituant une " contribution environnementale " due pour tout bateau séjournant en zone portuaire, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 alors applicable, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le jugement du 30 septembre 2013 par lequel le tribunal d'instance de Narbonne a sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal administratif de Montpellier sur la question préjudicielle ainsi posée ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à la société Port Adhoc Leucate, à la commune de Leucate et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 24 mai 1872 modifiée par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code des transports, notamment son article L.5321-1 ;

Vu le code des ports maritimes alors en vigueur, notamment ses articles L.211-1, L.211-4 et R. 211-1 ;

Vu le code des douanes, notamment ses articles 285 et 357 bis ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Rémy Schwartz , membre du Tribunal,

- les conclusions de M. Frédéric Desportes, rapporteur public ;

Considérant que, par une délibération du 9 décembre 2010, le conseil municipal de Leucate a institué une " contribution environnementale " due pour tout bateau séjournant en zone portuaire afin de financer le coût de l'enlèvement des déchets supporté par la commune ; que la société Port Adhoc Leucate a contesté devant le tribunal d'instance de Narbonne la facture de 6 275,20 euros mise à sa charge au titre de cette " contribution environnementale " en invoquant l'illégalité de la délibération du 9 décembre 2010 ; que, par jugement du 30 septembre 2013, le tribunal d'instance a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité de cette délibération ; que, par un jugement du 9 mars 2015, le tribunal administratif de Montpellier a lui-même sursis à statuer et renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 alors applicable, le soin de décider sur la question de compétence ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 211-1 du code des ports maritimes, aujourd'hui codifiées à l'article L. 5321-1 du code des transports, un droit de port peut être perçu dans les ports maritimes relevant de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements à raison des opérations commerciales ou des séjours des navires ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 211-1 du code des ports maritimes, également applicables au litige, les éléments constitutifs du droit de port sont des redevances dont une redevance sur " les déchets d'exploitation des navires " ; qu'il en résulte que la " contribution environnementale " perçue par la commune de Leucate au titre de l'enlèvement des déchets des navires installés dans le port maritime est une composante du droit de port perçu par cette collectivité sur le fondement des dispositions précitées ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions des articles L. 211-4 du code des ports maritimes alors applicables et de l'article 285 du code des douanes les taxes et redevances composant le droit de port sont perçues comme en matière de douane ; qu'aux termes de l'article 357 bis de ce code, " les tribunaux de grande instance connaissent des contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire, lorsqu'ils sont saisis d'une contestation concernant le paiement d'une redevance constitutive du droit de port fondée sur une prétendue illégalité des textes instituant cette redevance et fixant son montant, de se prononcer sur leur légalité ;

Considérant, toutefois, que si le juge judiciaire saisi d'une contestation portant sur le paiement d'un droit de port sursoit à statuer et pose une question préjudicielle portant sur la légalité de l'acte administratif fondement de ce droit, alors même qu'une telle appréciation relève de sa compétence compte tenu de la plénitude de juridiction qu'il tient des dispositions précitées, le juge administratif saisi de cette question ne peut alors qu'exercer sa compétence pour répondre à la question en appréciant la légalité de l'acte administratif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Montpellier est compétent pour se prononcer sur la légalité de la délibération de la commune de Leucate du 9 décembre 2010 instituant une " contribution environnementale " due pour tout bateau séjournant en zone portuaire ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le tribunal administratif de Montpellier est compétent pour connaître de l'appréciation de la légalité de la délibération du conseil municipal de Leucate en date du 9 décembre 2010.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 mars 2015 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Port Adhoc Leucate, à la commune de Leucate et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4012
Date de la décision : 06/07/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR DES TEXTES SPÉCIAUX - ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - DIVERS CAS D`ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - DROIT DE PORT (ARTICLE L - 5321-1 DU CODE DES TRANSPORTS) - COMPÉTENCE JUDICIAIRE - PLÉNITUDE DE JURIDICTION [RJ1].

17-03-01-02-05 En vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 211-1 du code des ports maritimes, aujourd'hui codifiées à l'article L. 5321-1 du code des transports, un droit de port, constitutif d'une redevance, notamment sur les déchets d'exploitation des navires, peut être perçu dans les ports maritimes à raison des opérations commerciales ou des séjours des navires. En l'espèce, une « contribution environnementale » perçue par une commune au titre de l'enlèvement des déchets des navires installés dans le port maritime constitue une composante du droit de port.... ,,En vertu des dispositions des articles L. 211-4 du code des ports maritimes alors applicables et de l'article 285 du code des douanes, les taxes et redevances composant le droit de port sont perçues comme en matière de douane et ressortissent donc, en vertu de l'article 357 bis de ce code, aux tribunaux de grande instance. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire, lorsqu'ils sont saisis d'une contestation concernant le paiement d'une redevance constitutive du droit de port fondée sur une prétendue illégalité des textes instituant cette redevance et fixant son montant, de se prononcer sur leur légalité.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - PLÉNITUDE DE JURIDICTION DU JUGE JUDICIAIRE - CAS OÙ LE JUGE JUDICIAIRE POSE UNE QUESTION PRÉJUDICIELLE - OBLIGATION DU JUGE ADMINISTRATIF DE RÉPONDRE À LA QUESTION - EXISTENCE.

17-03-02 Dans le cas où le juge judiciaire, saisi d'une contestation portant sur le paiement d'un droit de port pour lequel il dispose d'une plénitude de juridiction, sursoit à statuer et pose une question préjudicielle portant sur la légalité de l'acte administratif fondement de ce droit, alors même qu'une telle appréciation relève de sa compétence, le juge administratif saisi de cette question ne peut alors qu'exercer sa compétence pour répondre à la question en appréciant la légalité de l'acte administratif.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - DEVOIRS DU JUGE - JUGE ADMINISTRATIF SAISI D'UNE QUESTION PRÉJUDICIELLE PAR UN JUGE JUDICIAIRE DISPOSANT D'UNE PLÉNITUDE DE JURIDICTION - OBLIGATION DE RÉPONDRE - EXISTENCE.

54-07-01-07 Dans le cas où le juge judiciaire, saisi d'une contestation portant sur le paiement d'un droit de port pour lequel il dispose d'une plénitude de juridiction, sursoit à statuer et pose une question préjudicielle portant sur la légalité de l'acte administratif fondement de ce droit, alors même qu'une telle appréciation relève de sa compétence, le juge administratif saisi de cette question ne peut alors qu'exercer sa compétence pour répondre à la question en appréciant la légalité de l'acte administratif.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 26 mai 1954, Société des hauts fournaux de la Chiers, n° 1489, p. 706 ;

TC, 12 novembre 1984, Société Sogedis, n° 02359 p. 451.


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Rémy Schwartz
Rapporteur public ?: M. Desportes

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2015:C4012
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