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09/03/2015 | FRANCE | N°C3992

France | France, Tribunal des conflits, 09 mars 2015, C3992


Vu, enregistrée à son secrétariat le 19 novembre 2014, l'expédition de la décision du 14 novembre 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi formé par la société des Autoroutes du Sud de la France (la société ASF) tendant à l'annulation de l'arrêt du 13 novembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 24 juin 2011 du tribunal administratif de Montpellier rejetant, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, la demande de la société Garage des pins tendant à l'annulation de

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Vu, enregistrée à son secrétariat le 19 novembre 2014, l'expédition de la décision du 14 novembre 2014 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi formé par la société des Autoroutes du Sud de la France (la société ASF) tendant à l'annulation de l'arrêt du 13 novembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 24 juin 2011 du tribunal administratif de Montpellier rejetant, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, la demande de la société Garage des pins tendant à l'annulation des contrats conclus entre la société ASF et les sociétés Narbonne poids lourds et ADR consécutivement à l'agrément qui leur a été délivré, a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Vu, enregistré le 12 janvier 2015, le mémoire présenté par la SCP Fabiani, Luc-Thaler pour la société Garage des Pins et autres, tendant à la compétence des juridictions de l'ordre administratif par le motif que la société ASF a agi pour le compte de l'Etat eu égard à l'intensité du contrôle exercé par celui-ci ;

Vu, enregistré le 19 janvier 2015, le mémoire présenté par la société ASF tendant à la compétence des juridictions de l'ordre administratif par le motif qu'elle a agi pour le compte de l'Etat en raison de l'objet du contrat portant sur l'exploitation d'une autoroute et de l'intensité du contrôle exercé par le concédant ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée aux sociétés ADR et Narbonne poids lourds et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Maunand, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin pour la société Autoroutes du Sud de la France,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décret du 7 février 1992, l'Etat a concédé à la société ASF la construction, l'entretien et l'exploitation d'autoroutes ; qu'en vertu de l'article 13.1 du cahier des charges de la concession, annexé à ce décret, la société concessionnaire a l'obligation d'assurer directement ou à faire assurer sous sa responsabilité, sur l'ensemble du domaine concédé, le dépannage des véhicules en panne ou accidentés ; que, le 25 septembre 2009, la société ASF a publié un appel à candidatures pour l'attribution d'agréments de dépannage et d'évacuation de véhicules lourds sur une partie des autoroutes A9 et A61 ; que les offres des sociétés ADR et Narbonne poids lourds ont été retenues ; que, le 30 avril 2010, la société Garage des pins a engagé, en tant que concurrent évincé, une action devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation des contrats passés entre la société ASF et les sociétés ADR et Narbonne poids lourds ; que le tribunal a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente ; que la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement sur le même fondement ; qu'avant dire droit sur le pourvoi formé par la société ASF, le Conseil d'Etat a renvoyé au Tribunal des conflits la question de la compétence en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 ;

Considérant que, si les modalités d'exercice de la mission de service public de dépannage autoroutier doivent être conformes à un cahier des charges type et si les entreprises choisies par le concessionnaire pour l'assurer sont soumises à un agrément du préfet qui vérifie qu'elles sont notamment en mesure de remplir la mission dans le respect des objectifs de sécurité routière, le contrôle exercé par l'Etat sur l'activité de dépannage n'excède pas le pouvoir que conserve le propriétaire d'un ouvrage public afin d'assurer le respect de sa destination par son cocontractant ; qu'il suit de là que la société ASF, personne privée à qui l'Etat a concédé l'exploitation d'une autoroute, ne peut être regardée comme agissant pour le compte de celui-ci quand elle conclut avec d'autres personnes privées des contrats portant sur le dépannage des véhicules et n'emportant pas occupation du domaine public ; que le litige opposant la société Garage des pins aux sociétés ASF, ADR et Narbonne poids lourds ressortit dès lors à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la société ASF au titre des dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour connaître du litige opposant la société Garage des pins aux sociétés ASF, ADR et Narbonne poids lourds.

Article 2 : Les conclusions de la société ASF présentées sur le fondement de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux sociétés ASF, ADR, Garage des pins, Narbonne poids lourds et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3992
Date de la décision : 09/03/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS DE DROIT PRIVÉ - CONTRATS CONCLUS ENTRE PERSONNES PRIVÉES - CONTRAT PAR LEQUEL UNE SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE D'AUTOROUTE CONFIE À UNE AUTRE SOCIÉTÉ LA MISSION DE DÉPANNAGE SUR LE DOMAINE CONCÉDÉ.

17-03-02-03-01-01 Si les modalités d'exercice de la mission de service public de dépannage autoroutier doivent être conformes à un cahier des charges type et si les entreprises choisies par le concessionnaire pour l'assurer sont soumises à un agrément du préfet qui vérifie qu'elles sont notamment en mesure de remplir la mission dans le respect des objectifs de sécurité routière, le contrôle exercé par l'Etat sur l'activité de dépannage n'excède pas le pouvoir que conserve le propriétaire d'un ouvrage public afin d'assurer le respect de sa destination par son cocontractant. Il suit de là que la société concessionnaire de l'autoroute ne peut être regardée comme agissant pour le compte de l'Etat [RJ1] quand elle conclut avec d'autres personnes privées des contrats portant sur le dépannage des véhicules et n'emportant pas occupation du domaine public. Ces contrats revêtent par suite le caractère de contrats de droit privé et ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - NATURE DU CONTRAT - CONTRATS N'AYANT PAS UN CARACTÈRE ADMINISTRATIF - CONTRATS PASSÉS ENTRE PERSONNES PRIVÉES - CONTRAT PAR LEQUEL UNE SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE D'AUTOROUTE CONFIE À UNE AUTRE SOCIÉTÉ LA MISSION DE DÉPANNAGE SUR LE DOMAINE CONCÉDÉ.

39-01-02-02-05 Si les modalités d'exercice de la mission de service public de dépannage autoroutier doivent être conformes à un cahier des charges type et si les entreprises choisies par le concessionnaire pour l'assurer sont soumises à un agrément du préfet qui vérifie qu'elles sont notamment en mesure de remplir la mission dans le respect des objectifs de sécurité routière, le contrôle exercé par l'Etat sur l'activité de dépannage n'excède pas le pouvoir que conserve le propriétaire d'un ouvrage public afin d'assurer le respect de sa destination par son cocontractant. Il suit de là que la société concessionnaire de l'autoroute ne peut être regardée comme agissant pour le compte de l'Etat [RJ1] quand elle conclut avec d'autres personnes privées des contrats portant sur le dépannage des véhicules et n'emportant pas occupation du domaine public. Ces contrats revêtent par suite le caractère de contrats de droit privé et ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.


Références :

[RJ1]

Rappr. TC, 9 juillet 2012, Compagnie des eaux et de l'ozone c/ Ministre de l'écologie et du développement durable, n° 3834, T. pp. 653-840 ;

TC, 16 juin 2014, Société d'exploitation de la Tour Eiffel, n° 3944, à publier au Recueil.


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Yves Maunand
Rapporteur public ?: Mme Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2015:C3992
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