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13/10/2014 | FRANCE | N°C3964

France | France, Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, C3964


Vu, enregistrée à son secrétariat le 12 mai 2014, l'expédition de l'ordonnance du 22 avril 2014 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille, saisi d'une demande de l'EURL Pharmacie Cornuel tendant à la désignation d'un expert, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'ordonnance de référé du 8 octobre 2013 par laquelle le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence s'est déclaré incompétent pour connaître de c

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Vu, enregistré à son secrétariat le 1er juillet 2014, le mémoir...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 12 mai 2014, l'expédition de l'ordonnance du 22 avril 2014 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille, saisi d'une demande de l'EURL Pharmacie Cornuel tendant à la désignation d'un expert, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'ordonnance de référé du 8 octobre 2013 par laquelle le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistré à son secrétariat le 1er juillet 2014, le mémoire présenté pour la société Total Raffinage France tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par le motif que l'expertise sollicitée porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas à l'ordre administratif ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à l'EURL Pharmacie Cornuel et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code de l'environnement, et notamment ses articles L. 511-1 et suivants ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Canas, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP V. Delaporte, F.H. Briard, E. Trichet pour la Sté Total Raffinage France,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'EURL Pharmacie Cornuel, propriétaire d'un fonds de commerce de pharmacie situé dans le quartier de La Mède à Châteauneuf-les-Martigues, a été informée par le préfet des Bouches-du-Rhône que ce quartier était concerné par l'élaboration d'un plan de prévention des risques technologiques présentés par la Raffinerie de Provence, exploitée par la société Total Raffinage France, et que son fonds était exposé à un aléa technologique "très fort plus" ; qu'elle a demandé au juge judiciaire des référés d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les préjudices qu'elle estime subir du fait de l'exploitation de cet établissement ; que le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a déclaré que la juridiction judiciaire n'était pas compétente pour connaître de ce litige ; que, saisi de la même demande, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a, par ordonnance du 22 avril 2014, décliné la compétence de la juridiction administrative et décidé de saisir le Tribunal en application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Considérant qu'avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, et dès lors que ce dernier est de nature à relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction auquel il appartient, le juge des référés a compétence pour ordonner une mesure d'instruction sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ; qu'il n'en va autrement que lorsqu'il est demandé au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction qui porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas à l'ordre de juridiction dont il relève ;

Considérant que la demande d'expertise formée par l'EURL Pharmacie Cornuel est dirigée exclusivement contre la société Total Raffinage France et se rapporte à la responsabilité encourue, le cas échéant, par cette dernière, en raison des nuisances causées par le fonctionnement de la raffinerie qu'elle exploite ; que les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'une installation classée pour la protection de l'environnement que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l'avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l'administration dans l'intérêt de la société et de la salubrité publique ; que, dès lors, l'action en responsabilité susceptible d'être exercée par l'EURL Pharmacie Cornuel à l'encontre de la société Total Raffinage France, personne morale de droit privé, relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la mesure d'instruction sollicitée porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas à la juridiction administrative, de sorte que la juridiction judiciaire est seule compétente pour en connaître ;

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant l'EURL Pharmacie Cornuel à la société Total Raffinage France.

Article 2 : L'ordonnance rendue le 8 octobre 2013 par le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant cette juridiction.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Marseille et la cour administrative d'appel de Marseille est déclarée nulle et non avenue, à l'exception de l'ordonnance rendue par le juge des référés de cette cour le 22 avril 2014.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'EURL Pharmacie Cornuel, à la société Total Raffinage France et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3964
Date de la décision : 13/10/2014
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - LITIGES RELATIFS À LA RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE DE L'EXPLOITANT PERSONNE PRIVÉE EN RAISON DES NUISANCES GÉNÉRÉES PAR L'INSTALLATION - ET AUX MESURES PROPRES À FAIRE CESSER LES PRÉJUDICES CAUSÉS - COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS DE L'ORDRE JUDICIAIRE - EXISTENCE EN PRINCIPE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE EXCLUSIVE [RJ1] DU JUGE DES RÉFÉRÉS DE L'ORDRE JUDICIAIRE POUR STATUER SUR UNE DEMANDE D'EXPERTISE SE RATTACHANT À LA RESPONSABILITÉ ENCOURUE LE CAS ÉCHÉANT PAR L'EXPLOITANT.

17-03 Les juridictions judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages et intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'une installation classée pour la protection de l'environnement que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l'avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l'administration dans l'intérêt de la sécurité et de la salubrité publique.,,,Par suite, les conclusions à fin d'expertise dirigées exclusivement contre la personne morale de droit privé exploitant une installation classée en raison des nuisances que le fonctionnement de cette installation génère, qui se rapportent à la responsabilité encourue le cas échéant par cette personne morale à ce titre, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - RESPONSABILITÉ - RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE - COMPÉTENCE JUDICIAIRE - INCLUSION EN PRINCIPE - LITIGES RELATIFS À LA RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE DE L'EXPLOITANT PERSONNE PRIVÉE D'UNE INSTALLATION CLASSÉE POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT EN RAISON DES NUISANCES GÉNÉRÉES PAR L'INSTALLATION - ET AUX MESURES PROPRES À FAIRE CESSER LES PRÉJUDICES CAUSÉS - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE EXCLUSIVE [RJ1] DU JUGE DES RÉFÉRÉS DE L'ORDRE JUDICIAIRE POUR STATUER SUR UNE DEMANDE D'EXPERTISE SE RATTACHANT À LA RESPONSABILITÉ ENCOURUE LE CAS ÉCHÉANT PAR L'EXPLOITANT.

17-03-02-05-01-02 Les juridictions judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages et intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'une installation classée pour la protection de l'environnement que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l'avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l'administration dans l'intérêt de la sécurité et de la salubrité publique.,,,Par suite, les conclusions à fin d'expertise dirigées exclusivement contre la personne morale de droit privé exploitant une installation classée en raison des nuisances que le fonctionnement de cette installation génère, qui se rapportent à la responsabilité encourue le cas échéant par cette personne morale à ce titre, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - ORDRE DE JURIDICTION COMPÉTENT - LITIGES RELATIFS À LA RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE DE L'EXPLOITANT PERSONNE PRIVÉE EN RAISON DES NUISANCES GÉNÉRÉES PAR L'INSTALLATION - ET AUX MESURES PROPRES À FAIRE CESSER LES PRÉJUDICES CAUSÉS - JURIDICTIONS JUDICIAIRES - EXISTENCE EN PRINCIPE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE EXCLUSIVE [RJ1] DU JUGE DES RÉFÉRÉS DE L'ORDRE JUDICIAIRE POUR STATUER SUR UNE DEMANDE D'EXPERTISE SE RATTACHANT À LA RESPONSABILITÉ ENCOURUE LE CAS ÉCHÉANT PAR L'EXPLOITANT.

44-02 Les juridictions judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages et intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'une installation classée pour la protection de l'environnement que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l'avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l'administration dans l'intérêt de la sécurité et de la salubrité publique.,,,Par suite, les conclusions à fin d'expertise dirigées exclusivement contre la personne morale de droit privé exploitant une installation classée en raison des nuisances que le fonctionnement de cette installation génère, qui se rapportent à la responsabilité encourue le cas échéant par cette personne morale à ce titre, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - RESPONSABILITÉ - ORDRE DE JURIDICTION COMPÉTENT - LITIGES RELATIFS À LA RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE DE L'EXPLOITANT PERSONNE PRIVÉE EN RAISON DES NUISANCES GÉNÉRÉES PAR L'INSTALLATION - ET AUX MESURES PROPRES À FAIRE CESSER LES PRÉJUDICES CAUSÉS - JURIDICTIONS JUDICIAIRES - EXISTENCE EN PRINCIPE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE EXCLUSIVE [RJ1] DU JUGE DES RÉFÉRÉS DE L'ORDRE JUDICIAIRE POUR STATUER SUR UNE DEMANDE D'EXPERTISE SE RATTACHANT À LA RESPONSABILITÉ ENCOURUE LE CAS ÉCHÉANT PAR L'EXPLOITANT.

44-02-03 Les juridictions judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages et intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'une installation classée pour la protection de l'environnement que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l'avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l'administration dans l'intérêt de la sécurité et de la salubrité publique.,,,Par suite, les conclusions à fin d'expertise dirigées exclusivement contre la personne morale de droit privé exploitant une installation classée en raison des nuisances que le fonctionnement de cette installation génère, qui se rapportent à la responsabilité encourue le cas échéant par cette personne morale à ce titre, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.


Références :

[RJ1]

Cf., sur la compétence du seul juge des référés d'un ordre de juridiction pour connaître d'une demande tendant au prononcé d'une mesure d'instruction portant à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond ne relève manifestement pas de l'autre ordre de juridiction, TC, 17 octobre 1988, SA Entreprise Niay, n° 02530B, p. 494.


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Sophie Canas
Rapporteur public ?: M. Dacosta

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2014:C3964
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