La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2014 | FRANCE | N°C3958

France | France, Tribunal des conflits, 07 juillet 2014, C3958


Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 mars 2014, l'expédition de l'ordonnance du 25 mars 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi d'une demande de la mutuelle Eovi Usmar services et soins (la mutuelle) tendant à la condamnation du centre hospitalier de Roanne (le centre hospitalier) à lui payer une provision de 1.485.272,75 euros, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'ordonnance de référé du 18 octobre 2012 par laquelle l

e président du tribunal de grande instance de Roanne a décliné sa comp...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 mars 2014, l'expédition de l'ordonnance du 25 mars 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi d'une demande de la mutuelle Eovi Usmar services et soins (la mutuelle) tendant à la condamnation du centre hospitalier de Roanne (le centre hospitalier) à lui payer une provision de 1.485.272,75 euros, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'ordonnance de référé du 18 octobre 2012 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Roanne a décliné sa compétence pour connaître de la demande de provision ;

Vu, enregistré le 23 juin 2014, le mémoire présenté par le centre hospitalier tendant, d'une part, à ce que les juridictions de l'ordre administratif soient déclarées compétentes pour connaître du litige par le motif que la parcelle litigieuse avait vocation à demeurer dans le domaine public, que le déclassement n'a pas été suivi d'une désaffectation de fait et que le contrat doit être requalifié en bail emphytéotique administratif ou en concession de travaux et, d'autre part, à ce que la mutuelle soit condamnée au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu, enregistré le 27 juin 2014, le mémoire présenté par la mutuelle tendant, d'une part, à ce que les juridictions de l'ordre judiciaire soient déclarées compétentes pour connaître du litige par le motif que le contrat ne porte pas occupation du domaine public et qu'il ne saurait être requalifié en contrat administratif et, d'autre part, que le centre hospitalier soit condamné au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu, enregistré le 7 juillet 2014, le mémoire présenté par le ministre des affaires sociales et de la santé tendant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire par le motif que le contrat ne porte pas occupation du domaine public, qu'il ne contient aucune clause exorbitante du droit commun et ne confie pas à la mutuelle la gestion d'un service public ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Maunand, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, Hannoton pour la Mutuelle EOVI USMAR,

- les observations de la SCP Gadiou, Chevallier pour le Centre hospitalier de Roanne,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, suivant acte notarié du 28 janvier 2010, le centre hospitalier de Roanne (le centre hospitalier), établissement public de santé, et la mutuelle Eovi Usmar services et soins (la mutuelle) ont conclu une promesse synallagmatique de bail à construction d'une durée de soixante-dix ans portant sur deux parcelles appartenant au centre hospitalier et supportant un parc de stationnement et un bâtiment que le bailleur s'engageait à démolir ; que la mutuelle, qui s'engageait à construire un bâtiment à usage de centre de soins de suite, devait, avant la réitération par acte authentique, réaliser des travaux de dépollution, d'élimination des déchets et de fouilles archéologiques que le centre hospitalier prenait en charge dans la limite de 1.500.000 euros ; que, par délibération du 29 mai 2009, le conseil d'administration du centre hospitalier avait décidé que les parcelles mises à la disposition de la mutuelle ne seraient plus affectées au service public et avait prononcé leur déclassement ; que, la promesse n'ayant pas été réitérée, la mutuelle poursuit auprès du centre hospitalier le remboursement des dépenses qu'elle a engagées ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, "sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public." ; qu'aux termes de l'article L. 2141-1 du même code, "un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement." ;

Considérant que les parcelles litigieuses, qui avaient fait l'objet d'une désaffectation suivie d'une décision de déclassement avant d'être mises à la disposition de la mutuelle et ne faisaient pas l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution d'un service public, appartenaient au domaine privé du centre hospitalier ;

Considérant que la convention litigieuse n'a pas été conclue en vue de l'accomplissement, pour le compte du centre hospitalier, d'une mission relevant du service public dont celui-ci avait la charge ou de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de la compétence de cet établissement ; qu'elle n'a pas non plus pour objet l'exécution du service public dont le centre hospitalier avait la charge et ne comportait aucune clause exorbitante du droit commun ; qu'il s'ensuit que le litige, qui concerne la gestion du domaine privé de la personne publique, relève de la compétence des tribunaux judiciaires ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître de la demande formée par la mutuelle Eovi Usmar services et soins contre le centre hospitalier de Roanne.

Article 2 : L'ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Roanne du 18 octobre 2012 est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Lyon est déclarée nulle et non avenue, à l'exception de l'ordonnance rendue le 25 mars 2014 par ce tribunal.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la mutuelle Eovi Usmar services et soins, au centre hospitalier de Roanne et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3958
Date de la décision : 07/07/2014
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Yves Maunand
Rapporteur public ?: Mme Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2014:C3958
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award