La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2014 | FRANCE | N°T1403944

France | France, Tribunal des conflits, 16 juin 2014, T1403944


N° 3944
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Paris

Sté d'exploitation de la Tour Eiffel c/ Sté Séchaud-Bossuyt et autres
M. Yves Maunand Rapporteur
Mme Nathalie Escaut Commissaire du gouvernement
Séance du 19 mai 2014 Lecture du 16 juin 2014

LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 29 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi d'une requête tendant à la condamnation des sociétés Séchaud-Bossuyt, Clemessy et Socotec et de leurs assureurs à verser à la Société d'exploitation de la Tour Eiffel (la

SETE) des dommages-intérêts au titre du remplacement des rails des ascenseurs des pilier...

N° 3944
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Paris

Sté d'exploitation de la Tour Eiffel c/ Sté Séchaud-Bossuyt et autres
M. Yves Maunand Rapporteur
Mme Nathalie Escaut Commissaire du gouvernement
Séance du 19 mai 2014 Lecture du 16 juin 2014

LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 29 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi d'une requête tendant à la condamnation des sociétés Séchaud-Bossuyt, Clemessy et Socotec et de leurs assureurs à verser à la Société d'exploitation de la Tour Eiffel (la SETE) des dommages-intérêts au titre du remplacement des rails des ascenseurs des piliers Ouest et Nord et de la perte d'exploitation et d'une requête tendant à leur condamnation au paiement de provisions de ces chefs, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'ordonnance du 17 juin 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a décliné de manière irrévocable sa compétence pour connaître des demandes formées contre les sociétés Séchaud-Bossuyt, Clemessy et Socotec ; Vu le mémoire présenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez pour la société Clemessy tendant à ce que les juridictions de l'ordre judiciaire soient déclarées compétentes pour connaître du litige par le motif que la Société nouvelle d'exploitation de la Tour Eiffel (la SNTE) a agi pour son propre compte et non pour celui de la ville de Paris ; Vu le mémoire présenté par Maître Foussard pour la SETE tendant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour le même motif ; Vu le mémoire présenté par la société MMA IARD tendant à ce que les juridictions de l'ordre administratif soient déclarées compétentes pour connaître du litige par le motif que la gestion et l'entretien de la Tour Eiffel relèvent, par essence, de la responsabilité de la puissance publique et que la SNTE a agi pour le compte de la ville de Paris ; Vu le mémoire présenté par la société Gronmitj, venant aux droits de la société Séchaud-Bossuyt tendant à la compétence des juridictions administratives pour les mêmes motifs ; Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée aux sociétés Socotec, Allianz IARD, Diot, Codeve insurance company limited et Axa corporate solutions assurance, à la SNTE, à la ville de Paris, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'intérieur qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Yves Maunand, membre du Tribunal, - les observations de Maître Ricard pour la Sté Gronmitj, venant aux droits de la Sté Séchaud et Bossuyt, - les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton pour la Sté MMA IART, - les conclusions de Mme Nathalie Escaut, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une convention du 25 mai 1981, la ville de Paris a confié pour une durée de vingt-cinq ans, du 1er janvier 1981 au 31 décembre 2005, l'exploitation et l'entretien de la Tour Eiffel, dont elle est propriétaire, à la Société nouvelle d'exploitation de la Tour Eiffel (la SNTE) ; que, par trois contrats, conclus en 2000 et 2001, la SNTE a chargé la société Séchaud-Bossuyt, aux droits de laquelle vient la société Gronmitj, en qualité de maître d'¿uvre, la société Clemessy, en qualité d'entreprise générale, et la société Socotec, en qualité de contrôleur technique, du remplacement des rails des ascenseurs des piliers Nord et Ouest ; qu'après réception prononcée sans réserve le 3 avril 2002, des désordres sont apparus en novembre 2005 ; que, par convention de délégation de service public du 16 décembre 2005, la ville de Paris a confié à la Société d'exploitation de la Tour Eiffel (la SETE) la gestion et l'exploitation de la Tour Eiffel pour une durée de dix ans ; que la SETE, ayant fait remplacer les rails des piliers Nord et Ouest en 2006 et 2008, a recherché la responsabilité des trois constructeurs et l'indemnisation de ses préjudices ; qu'elle les a assignés à cette fin, ainsi que la société Allianz IARD, leur assureur de responsabilité décennale, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 17 juin 2009, a, entre autres dispositions et de manière irrévocable, décliné sa compétence pour connaître des demandes formées contre les sociétés Séchaud-Bossuyt, Clemessy et Socotec ; que le tribunal administratif de Paris, saisi par requêtes des 27 décembre 2010 et 29 mai 2012, estimant que l'action intentée par la SETE contre les trois constructeurs relevait de la compétence du juge judiciaire, a renvoyé au Tribunal le soin de décider sur la question de la compétence ;

Considérant que lorsqu'une personne privée, chargée par une personne publique d'exploiter un ouvrage public, conclut avec d'autres entreprises un contrat en vue de la réalisation de travaux sur cet ouvrage, elle ne peut être regardée, en l'absence de conditions particulières, comme agissant pour le compte de la personne publique propriétaire de l'ouvrage ;
Considérant qu'en application de la convention du 25 mai 1981, la SNTE, qui accomplissait librement les actes d'exploitation et d'administration nécessaires à la mission qui lui avait été confiée, définissait les travaux de gros entretien et de renouvellement usuel des installations, dont relevait le remplacement des rails des ascenseurs, et en assurait l'exécution ; que le contrôle exercé par la ville de Paris sur la programmation de ces travaux n'excédait pas le pouvoir que conserve le propriétaire de l'ouvrage public afin d'en assurer le respect de l'intégrité et de la destination par son cocontractant ; que les travaux étaient financés par les produits de l'exploitation de la Tour Eiffel par le biais de provisions constituées à cette fin et non par des subventions directes de la ville de Paris ;
Considérant que, dans ces conditions, la SNTE ne peut être regardée comme ayant agi pour le compte de la personne publique ; que le litige opposant la SETE aux sociétés Gronmitj, Clemessy et Socotec ressortit en conséquence à la compétence des juridictions judiciaires ;

D E C I D E : Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la Société d'exploitation de la Tour Eiffel aux sociétés Gronmitj, Clemessy et Socotec. Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 17 juin 2009 est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal. Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Paris est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par le tribunal le 29 novembre 2013. Article 4 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Gronmitj, Clemessy, Socotec, Allianz IARD, MMA IARD, Diot, Codeve insurance company limited et Axa corporate solutions assurance, à la SETE, à la SNTE, à la ville de Paris et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : T1403944
Date de la décision : 16/06/2014

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige entre personnes privées - Applications diverses - Litige né de travaux sur un ouvrage public opposant des personnes privées n'agissant pas pour le compte de la personne publique propriétaire de l'ouvrage

Lorsqu'une personne privée, chargée par une personne publique d'exploiter un ouvrage public, conclut avec d'autres entreprises un contrat en vue de la réalisation de travaux sur cet ouvrage, elle ne peut être regardée, en l'absence de conditions particulières, comme agissant pour le compte de la personne publique propriétaire de l'ouvrage. Tel est le cas de la Société nouvelle d'exploitation de la Tour Eiffel, chargée par la ville de Paris de l'exploitation et de l'entretien de la Tour Eiffel, en ce qu'elle définit les travaux de gros entretien et de renouvellement usuel des installations et en assure l'exécution, en ce que le contrôle exercé par la ville de Paris sur la programmation de ces travaux n'excède pas le pouvoir que conserve le propriétaire de l'ouvrage public, et en ce que les travaux sont financés par les produits de l'exploitation de la Tour Eiffel et non par des subventions directes de la ville de Paris. Dès lors, le litige né des travaux que la Société nouvelle d'exploitation de la Tour Eiffel a fait réaliser par des personnes privées avec lesquelles elle a contracté ressortit de la compétence des juridictions judiciaires


Références :

loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III

loi du 24 mai 1872

article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié

Décision attaquée : Tribunal administratif de Paris, 29 décembre 2013


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Avocat général : Mme Escaut (commissaire du gouvernement)
Rapporteur ?: M. Maunand
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2014:T1403944
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award