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16/06/2014 | FRANCE | N°C3941

France | France, Tribunal des conflits, 16 juin 2014, C3941


Vu, enregistrée à son secrétariat le 24 octobre 2013, la requête, présentée pour la SCI Lou, dont le siège social est situé 2, rue du Trou au Chat au Lamentin (97232), tendant à ce que le Tribunal, saisi par application de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 :

1°) constate la contrariété existant entre l'arrêt définitif du 26 juin 2009 de la cour d'appel de Fort-de-France en ce qu'il a confirmé le jugement du 27 janvier 2009 par lequel le tribunal de grande instance de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à la résiliation pour faute, à compter du 8 septemb

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Vu, enregistrée à son secrétariat le 24 octobre 2013, la requête, présentée pour la SCI Lou, dont le siège social est situé 2, rue du Trou au Chat au Lamentin (97232), tendant à ce que le Tribunal, saisi par application de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 :

1°) constate la contrariété existant entre l'arrêt définitif du 26 juin 2009 de la cour d'appel de Fort-de-France en ce qu'il a confirmé le jugement du 27 janvier 2009 par lequel le tribunal de grande instance de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à la résiliation pour faute, à compter du 8 septembre 2008, du bail à construction qu'elle avait passé avec la société Total Caraibes, a prononcé, à la demande de cette dernière société, la résiliation du contrat à compter du 7 novembre 2008 pour cas de force majeure et rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation de la société Total Caraïbes à réparer le préjudice que lui a causé le défaut d'exécution de ce contrat, et l'arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 mai 2013 rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune du Lamentin à lui verser une indemnité en réparation du préjudice que lui a causé le défaut d'exécution du même contrat à la suite de l'arrêté du maire de la commune du 7 novembre 2008 retirant à la société Total Caraïbes le permis de construire dont elle était titulaire ;

2°) annule les arrêts attaqués ;

3°) prononce la résiliation du bail à construction passé avec la société Total Caraïbes aux torts de cette société ;

4°) condamne solidairement la société Total Caraïbes et la commune du Lamentin à lui verser une indemnité de 3.265.268,64 euros en réparation du préjudice que lui a causé le défaut d'exécution du bail à construction ;

5°) mette à la charge de la société Total Caraïbes et de la commune du Lamentin la somme de 5 500 euros au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que les arrêts définitifs de la cour d'appel de Fort-de-France et de la cour administrative d'appel de Bordeaux, qui lui dénient tout droit à être indemnisée des préjudices qu'elle a subis du fait de l'inexécution du contrat qu'elle a passé avec la société Total Caraïbes comportent une contrariété conduisant à un déni de justice ; que le retrait illégal par le maire de la commune du Lamentin, le 7 novembre 2008, du permis de construire délivré à la société Total Caraïbes pour l'exécution de son contrat, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, en lien direct avec le préjudice subi ; que la société Total Caraïbes, qui, faute d'avoir exercé les voies de droit dont elle disposait pour obtenir l'annulation du retrait de permis, n'a pas pris les mesures qu'appelait de sa part l'exécution de son contrat, ne pouvait se prévaloir d'un cas de force majeure ; que le défaut d'exécution du contrat est de nature à entraîner la résiliation de celui-ci aux torts de la société Total Caraïbes en vertu de son article 11 ; que la SCI a droit à l'indemnisation de l'intégralité du préjudice qu'elle a subi et qui s'élève à 3.265.268,64 euros ;

Vu les arrêts attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 février 2014, présenté pour la société Total Caraïbes, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Lou la somme de 5 000 euros au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ; elle soutient que les arrêts litigieux n'ont pas le même objet et ne sont pas contradictoires ; qu'en tout état de cause, la société requérante ne saurait obtenir la résiliation du contrat en application de son article 11, faute d'avoir respecté la procédure prévue par celui-ci ; que le retrait du permis de construire dont était titulaire la société Total Caraïbes a constitué un cas de force majeure de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; que la société défenderesse a, pour le reste, respecté ses obligations contractuelles ; qu'elle ne saurait, par suite, être condamnée au versement d'une indemnité ; qu'au surplus, la SCI Lou ne justifie pas d'un préjudice lié à la remise en état du terrain ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2014, présenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan pour la commune du Lamentin, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Lou la somme de 4 000 euros au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ; elle soutient que la requête n'est pas recevable dès lors que les arrêts litigieux n'ont pas le même objet et ne comportent pas de contrariété ; qu'en tout état de cause, la requête de la SCI Lou est irrecevable en tant qu'elle demande une indemnité supérieure à celle de 3 323 000 euros qu'elle a demandée devant le tribunal administratif ; que cette demande doit être rejetée en l'absence de lien direct entre l'illégalité invoquée et le préjudice subi, celui-ci étant lié au seul comportement des parties, qui ont négligé d'exercer les recours appropriés et renoncé à poursuivre le projet ; qu'au surplus, le préjudice invoqué n'est pas certain, la perte de loyers étant purement éventuelle et la perte subie au titre du défaut de construction des immeubles n'étant pas établie ; qu'enfin, à supposer qu'un préjudice existe, la période d'indemnisation ne pourrait aller au-delà du 29 avril 2011, date à laquelle a été notifié le jugement constatant l'illégalité du retrait de permis de construire, ni, en tout état de cause, au-delà du 14 août 2012, date à laquelle la société avec laquelle la SCI Lou a conclu un nouveau bail à construction a déposé une déclaration de travaux ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été communiquée au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'intérieur, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 mai 2014, présentée pour la SCI Lou ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 mai 2014, présentée pour la commune du Lamentin ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu la loi du 20 avril 1932 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edmond Honorat, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Richard pour la SCI Lou,

- les observations de la SCP Piwnica-Molinié pour la Sté Total Caraïbes,

- les conclusions de M. Michel Girard, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 que les décisions définitives rendues par les juridictions de l'ordre administratif et les tribunaux judiciaires dans les instances introduites devant ces deux ordres de juridiction et portant sur le même objet peuvent être déférées au Tribunal lorsque ces décisions présentent contrariété conduisant à un déni de justice ; que ce dernier existe au sens de la loi lorsqu'un demandeur est mis dans l'impossibilité d'obtenir satisfaction à laquelle il a droit, par suite d'appréciations inconciliables entre elles portées par les juridictions de chaque ordre, soit sur des éléments de fait, soit en fonction d'affirmations juridiques contradictoires ;

Considérant que la SCI Lou a passé, le 7 juillet 2006, un bail à construction avec la société Total Caraïbes, aux termes duquel cette société s'engageait à construire une station-service sur un terrain appartenant à la SCI sur le territoire de la commune du Lamentin (Martinique) ; que le permis de construire nécessaire à cet effet a été accordé à la société Total Caraïbes par un arrêté du maire de la commune en date du 7 mars 2007 ; que le maire du Lamentin ayant, par arrêté du 7 décembre 2007, ordonné l'interruption des travaux puis, par arrêté du 7 novembre 2008, retiré le permis de construire, la société Total Caraïbes a interrompu les travaux de construction qu'elle avait entrepris ainsi que le versement des loyers ; que, par arrêt du 26 juin 2009, la cour d'appel de Fort-de-France a confirmé le jugement du 27 janvier 2009 par lequel le tribunal de grande instance de Fort de France avait rejeté la demande de la SCI Lou tendant à la résiliation de plein droit du bail aux torts exclusifs de la société Total Caraïbes, accueilli la demande reconventionnelle de cette société tendant à la résiliation du contrat à compter du 7 novembre 2008 pour cas de force majeure en raison de l'intervention de l'arrêté de retrait du permis de construire, et rejeté les conclusions de la SCI Lou tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la non exécution du contrat par Total Caraïbes ; que, par arrêt du 1er juin 2011, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation formé par la SCI Lou contre cet arrêt ; que, par arrêt du 16 mai 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 29 juin 2012 accordant une indemnité à la SCI Lou, a rejeté la demande de cette société tendant à ce que la commune du Lamentin soit condamnée à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention de l'arrêté retirant le permis de construire accordé à la société Total Caraïbes ; que cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat ;

Considérant que se prétendant victime d'un déni de justice, la SCI Lou a saisi le Tribunal des conflits d'une requête tendant à ce qu'il soit statué au fond sur sa demande en vertu de la loi du 20 avril 1932 ;

Sur la recevabilité de la requête de la SCI Lou :

Considérant que les demandes formées par la SCI Lou devant la juridiction de l'ordre judiciaire et devant la juridiction de l'ordre administratif, qui tendent à la réparation des conséquences dommageables de la cessation d'exécution du bail à construction à la suite des arrêtés du maire de la commune du Lamentin, doivent être regardées comme ayant le même objet ; que les décisions rendues par les deux ordres de juridiction sont définitives, alors même que la SCI Lou n'a pas formé de pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ; qu'elles sont fondées sur une appréciation divergente des faits à l'origine du dommage dont l'intéressée est fondée à demander réparation ; qu'ainsi, ces décisions présentent une contrariété conduisant à un déni de justice ; que, dès lors, la requête de la SCI Lou est recevable en application de la loi du 20 avril 1932 ;

Sur le fond :

Considérant que l'intervention des arrêtés du maire du Lamentin, dont il était loisible à la société Total Caraïbes de demander au juge administratif la suspension et l'annulation, ne peut, alors même qu'elle impliquait l'interruption des travaux de construction, être regardée comme constituant un cas de force majeure qui aurait permis à la société, sans engager sa responsabilité contractuelle, de cesser d'exécuter l'ensemble des obligations nées du contrat qu'elle avait conclu avec la SCI Lou et de verser les loyers qui étaient à sa charge ; que la cessation du versement des loyers a constitué un manquement grave aux obligations du contrat, de nature à justifier la résiliation de celui-ci aux torts exclusifs de la société Total Caraïbes à compter du 1er juillet 2008, date à laquelle cette dernière a cessé d'exécuter ses obligations contractuelles, et à engager la responsabilité contractuelle de la société ;

Considérant, en revanche, que les fautes qui auraient été commises par la commune du Lamentin en ordonnant illégalement l'interruption totale des travaux et en retirant illégalement le permis de construire délivré à la société Total Caraïbes ne sont, en tout état de cause, pas à l'origine directe du préjudice causé à la SCI Lou ; que celle-ci n'est, dès lors, pas fondée à demander la condamnation de la commune du Lamentin, solidairement avec la société Total Caraïbes, à réparer le préjudice qu'elle a subi ;

Considérant qu'eu égard au montant du loyer mensuel de 5 000 euros prévu par le contrat, aux sommes déjà versées à ce titre par la société Total Caraïbes, à la remise en état des lieux à laquelle a procédé cette société à la demande de la SCI Lou, alors même que le contrat prévoyait le transfert au bailleur, en fin de bail, des constructions édifiées par le preneur, et à la circonstance que la SCI Lou a été en mesure de louer à nouveau son bien dès le mois de juillet 2011, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société en lui allouant une somme de 150 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI est seulement fondée à demander la condamnation de la société Total Caraïbes à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la cessation d'exécution du bail à construction suite aux arrêtés du maire de la commune du Lamentin ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Total Caraïbes la somme de 4 000 euros à verser à la SCI Lou au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SCI Lou et de la commune du Lamentin, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le bail à construction passé le 7 juillet 2006 entre la SCI Lou et la société Total Caraïbes est résilié avec effet au 1er juillet 2008.

Article 2 : La société Total Caraïbes est condamnée à verser à la SCI Lou la somme de 150 000 euros.

Article 3 : La société Total Caraïbes versera à la SCI Lou la somme de 4 000 euros au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Lou est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la société Total Caraïbes et de la commune du Lamentin tendant à l'application de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 6 : Sont réformées en ce qu'elles ont de contraire à la présente décision, les décisions de justice mentionnées dans les motifs de la présente décision.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la SCI Lou, à la société Total Caraïbes, à la commune du Lamentin et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3941
Date de la décision : 16/06/2014
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCÉDURE - TRIBUNAL DES CONFLITS - DÉNI DE JUSTICE - BAILLEUR À CONSTRUCTION - RECHERCHANT L'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE CAUSÉ PAR L'INEXÉCUTION DU CONTRAT PAR LE PRENEUR À LA SUITE DE L'INTERVENTION D'ARRÊTÉS MUNICIPAUX ORDONNANT L'INTERRUPTION DES TRAVAUX ET RETIRANT LE PERMIS DE CONSTRUIRE - DÉBOUTÉ PAR LES JURIDICTIONS JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIVE - LA PREMIÈRE AYANT RÉSILIÉ LE BAIL POUR CAUSE DE FORCE MAJEURE - LA SECONDE AYANT REJETÉ LES CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE LA COMMUNE - 1) RECEVABILITÉ - A) IDENTITÉ D'OBJET DES DEUX ACTIONS - EXISTENCE - B) DÉCISIONS JURIDICTIONNELLES REVÊTANT UN CARACTÈRE DÉFINITIF - EXISTENCE - ALORS MÊME QUE LE BAILLEUR NE S'EST PAS POURVU EN CASSATION CONTRE L'ARRÊT DE COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL REFUSANT DE LUI DONNER SATISFACTION - C) APPRÉCIATIONS INCONCILIABLES - EXISTENCE - 2) FOND - RÉSILIATION AUX TORTS EXCLUSIFS DU BAILLEUR - DONT L'INEXÉCUTION A CONSTITUÉ UN MANQUEMENT GRAVE AUX OBLIGATIONS DU CONTRAT - REJET DES CONCLUSIONS INDEMNITAIRES DIRIGÉES CONTRE LA COMMUNE - EN L'ABSENCE DE LIEN DIRECT DE CAUSALITÉ.

54-09-03 Société, preneuse d'un bail à construction passé en vue de la construction d'une station service, ayant interrompu les travaux et le versement des loyers à la société propriétaire du terrain à la suite de l'intervention d'un arrêté municipal ordonnant l'interruption des travaux et du retrait, par le maire, du permis de construire. Les conclusions de la société propriétaire tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'inexécution du contrat ont été rejetées par le juge judiciaire, qui a accordé à la société preneuse la résiliation du contrat pour cause de force majeure. Les conclusions de la société propriétaire tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait du retrait du permis de construire ont ensuite été rejetées par le juge administratif.... ,,1) a) Les demandes formées par la société propriétaire devant la juridiction de l'ordre judiciaire et devant la juridiction de l'ordre administratif, qui tendent à la réparation des conséquences dommageables de la cessation d'exécution du bail à construction à la suite du retrait du permis de construire, doivent être regardées comme ayant le même objet.... ,,b) Les décisions rendues par les deux ordres de juridiction sont définitives, alors même que la société propriétaire n'a pas formé de pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel rejetant ses conclusions.... ,,c) Ces décisions sont fondées sur une appréciation divergente des faits à l'origine du dommage dont l'intéressée est fondée à demander réparation. Ainsi, ces décisions présentent une contrariété conduisant à un déni de justice.,,,2) a) En l'espèce, le Tribunal juge, d'une part, que la société propriétaire est fondée à demander que soit engagée la responsabilité contractuelle de la société preneuse à bail, dès lors que le retrait du permis de construire la station de service, dont il était loisible à cette société de demander au juge administratif la suspension et l'annulation, ne peut, alors même qu'il impliquait l'interruption des travaux de construction, être regardé comme constituant un cas de force majeure qui aurait permis à cette même société, sans engager sa responsabilité contractuelle, de cesser d'exécuter le contrat de bail à construction. La cessation du versement des loyers a constitué un manquement grave aux obligations du contrat, de nature à justifier la résiliation de celui-ci aux torts exclusifs de la société preneuse à bail.... ,,b) Le Tribunal juge, d'autre part, que les fautes qui auraient été commises par la commune en ordonnant illégalement l'interruption totale des travaux et en retirant illégalement le permis de construire délivré à la société preneuse ne sont, en tout état de cause, pas à l'origine directe du préjudice causé à la société propriétaire. Cette dernière n'est dès lors pas fondée à demander la condamnation de la commune, solidairement avec la société preneuse, à réparer le préjudice subi.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLÈMES D'IMPUTABILITÉ - PERSONNES RESPONSABLES - BAILLEUR À CONSTRUCTION - RECHERCHANT L'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE CAUSÉ PAR L'INEXÉCUTION DU CONTRAT PAR LE PRENEUR À LA SUITE DE L'INTERVENTION D'ARRÊTÉS MUNICIPAUX ORDONNANT L'INTERRUPTION DES TRAVAUX ET RETIRANT LE PERMIS DE CONSTRUIRE - DÉBOUTÉ PAR LES JURIDICTIONS JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIVE - LA PREMIÈRE AYANT RÉSILIÉ LE BAIL POUR CAUSE DE FORCE MAJEURE - LA SECONDE AYANT REJETÉ LES CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE LA COMMUNE - DÉNI DE JUSTICE (ART - 1ER DE LA LOI DU 20 AVRIL 1932) - 1) RECEVABILITÉ - A) IDENTITÉ D'OBJET DES DEUX ACTIONS - EXISTENCE - B) DÉCISIONS JURIDICTIONNELLES REVÊTANT UN CARACTÈRE DÉFINITIF - EXISTENCE - ALORS MÊME QUE LE BAILLEUR N'A PAS FORMÉ DE POURVOI CONTRE L'ARRÊT DE LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL REFUSANT DE LUI DONNER SATISFACTION - C) APPRÉCIATIONS INCONCILIABLES - EXISTENCE - 2) FOND - A) RÉSILIATION AUX TORTS EXCLUSIFS DU BAILLEUR - DONT L'INEXÉCUTION A CONSTITUÉ UN MANQUEMENT GRAVE AUX OBLIGATIONS DU CONTRAT - B) REJET DES CONCLUSIONS INDEMNITAIRES DIRIGÉES CONTRE LA COMMUNE - EN L'ABSENCE DE LIEN DIRECT DE CAUSALITÉ.

60-03-02 Société, preneuse d'un bail à construction passé en vue de la construction d'une station service, ayant interrompu les travaux et le versement des loyers à la société propriétaire du terrain à la suite de l'intervention d'un arrêté municipal ordonnant l'interruption des travaux et du retrait, par le maire, du permis de construire. Les conclusions de la société propriétaire tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'inexécution du contrat ont été rejetées par le juge judiciaire, qui a accordé à la société preneuse la résiliation du contrat pour cause de force majeure. Les conclusions de la société propriétaire tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait du retrait du permis de construire ont ensuite été rejetées par le juge administratif.... ,,1) a) Les demandes formées par la société propriétaire devant la juridiction de l'ordre judiciaire et devant la juridiction de l'ordre administratif, qui tendent à la réparation des conséquences dommageables de la cessation d'exécution du bail à construction à la suite du retrait du permis de construire, doivent être regardées comme ayant le même objet.... ,,b) Les décisions rendues par les deux ordres de juridiction sont définitives, alors même que la société propriétaire n'a pas formé de pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel rejetant ses conclusions.... ,,c) Ces décisions sont fondées sur une appréciation divergente des faits à l'origine du dommage dont l'intéressée est fondée à demander réparation. Ainsi, ces décisions présentent une contrariété conduisant à un déni de justice.,,,2) a) En l'espèce, le Tribunal juge, d'une part, que la société propriétaire est fondée à demander que soit engagée la responsabilité contractuelle de la société preneuse à bail, dès lors que le retrait du permis de construire la station de service, dont il était loisible à cette société de demander au juge administratif la suspension et l'annulation, ne peut, alors même qu'il impliquait l'interruption des travaux de construction, être regardé comme constituant un cas de force majeure qui aurait permis à cette même société, sans engager sa responsabilité contractuelle, de cesser d'exécuter le contrat de bail à construction. La cessation du versement des loyers a constitué un manquement grave aux obligations du contrat, de nature à justifier la résiliation de celui-ci aux torts exclusifs de la société preneuse à bail.... ,,b) Le Tribunal juge, d'autre part, que les fautes qui auraient été commises par la commune en ordonnant illégalement l'interruption totale des travaux et en retirant illégalement le permis de construire délivré à la société preneuse ne sont, en tout état de cause, pas à l'origine directe du préjudice causé à la société propriétaire. Cette dernière n'est dès lors pas fondée à demander la condamnation de la commune, solidairement avec la société preneuse, à réparer le préjudice subi.


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Edmond Honorat
Rapporteur public ?: M. Girard

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2014:C3941
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