N° 3895
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Paris
M. Didier X... c/ Agent judiciaire du Trésor
M. Edmond Honorat Rapporteur
Mme Anne-Marie Batut Commissaire du gouvernement
Séance du 18 mars 2013 Lecture du 15 avril 2013
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi d'une demande de M. Didier X... tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 1 200 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la destruction d'une oeuvre d'art lui appartenant, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 5 décembre 2007 par lequel la cour d'appel de Paris s'est déclarée incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu le mémoire présenté pour M. X..., qui conclut à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige et à ce que l'Etat lui verse la somme de 4 000 euros au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; il soutient que la faute dont il demande réparation consiste à ne pas avoir restitué l'objet placé sous scellés dans le cadre d'une procédure judiciaire et n'est donc pas détachable de l'exécution du service public de la justice ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre de l'économie et des finances, au ministre de la culture et de la communication et au ministre de l'intérieur, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code de procédure pénale, notamment son article 41-4 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edmond Honorat, membre du Tribunal,- les conclusions de Mme Anne-Marie Batut, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... est propriétaire d'une oeuvre d'art qui a fait l'objet d'une saisie-contrefaçon le 3 février 1997 puis a été placée sous scellés pour les besoins de l'information judiciaire ouverte sur la plainte déposée le 14 novembre 1997 par les ayants-cause de l'artiste pour contrefaçon et recel de contrefaçon ; que, par ordonnance du 7 mars 2002, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 janvier 2003, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris a décidé qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à cette plainte ; que M. X... a demandé, le 22 septembre 2003, la restitution de son bien ; que, le 24 janvier 2004, le procureur général près la cour d'appel de Paris l'a informé que l'oeuvre, remise à l'administration chargée des domaines en application du troisième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, avait été détruite ; que M. X... recherche la responsabilité de l'Etat en raison du préjudice que lui a causé cette destruction ; que, par ordonnance du 8 novembre 2006, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 décembre 2007, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a décliné la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige ; que, par jugement en date du 18 octobre 2012, le tribunal administratif de Paris s'est déclaré également incompétent pour en connaître et a saisi le Tribunal sur le fondement de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ;
Considérant que les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés soit en eux-mêmes soit dans leurs conséquences que par l'autorité judiciaire ;
Considérant que le préjudice dont M. X... demande réparation se rattache à des actes de saisie pris pour les besoins d'une procédure ouverte devant la juridiction pénale ; qu'ainsi, quelle que soit l'autorité ayant ordonné la destruction de l'objet saisi, le litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. X... en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. X... à l'Etat.
Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 décembre 2007 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Paris est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu le 18 octobre 2012 par ce tribunal.
Article 4 : Les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.