Vu, enregistrée à son secrétariat le 19 mars 2012, l'expédition du jugement du 16 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon, saisi d'une demande de Mme A...tendant à la requalification des contrats "emploi - solidarité" et "emploi consolidé" ainsi que des contrats à durée déterminée qu'elle avait conclus avec la maison de retraite Saint - Jacques en contrats à durée indéterminée et à la condamnation de celle-ci à lui verser différentes indemnités en réparation de la perte de son emploi, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence;
Vu le jugement du 10 décembre 2010 par lequel le conseil de prud'hommes de Draguignan s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée aux parties qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code du travail, notamment ses articles L.322-4-7 et L.322-4-8, alors applicables ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Danièle Caron, membre du Tribunal,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, commissaire du gouvernement ;
Considérant que MmeA..., engagée le 2 avril 1999 par la Maison de retraite Saint-Jacques, établissement public, par contrat "emploi- solidarité" d'une durée d'une année, renouvelé pour la même durée, a poursuivi son activité en vertu d'un contrat " emploi consolidé" d'un an, renouvelé pour la même durée à quatre reprises ; qu'au terme du dernier de ces contrats, le 15 mai 2006, elle a été recrutée en qualité d'agent des services hospitaliers par contrat à durée déterminée qui a fait l'objet de renouvellements par sept contrats successifs ; que la relation contractuelle a définitivement cessé au terme du dernier contrat, soit le 30 avril 2008 ; que Mme A...a saisi le conseil de prud'hommes de Draguignan d'une demande de requalification de l'ensemble des contrats en contrat de travail à durée indéterminée et a sollicité le paiement de diverses indemnités au titre de la perte de son emploi ; que le conseil de prud'hommes, ayant relevé que les contrats conclus à partir du 15 mai 2006 ne pouvaient que recevoir la qualification de contrats de droit public, s'est déclaré incompétent au motif que le litige devait être examiné, en raison de la nature du dernier contrat, par la juridiction administrative ; que le tribunal administratif de Toulon, ensuite saisi par MmeA..., a également décliné sa compétence au motif que les demandes, en ce qu'elles portaient sur les diverses indemnités réclamées au titre de l'irrégularité alléguée des contrats "emploi-solidarité" et "emploi-consolidé" conclus par celle-ci, relevaient de la compétence de la seule juridiction judiciaire ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 322-4-8 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, les contrats "emploi - solidarité" et "emploi - consolidé" sont des contrats de droit privé à durée déterminée et à temps partiel ; qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de ces contrats, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification de ces contrats ;
Considérant, toutefois, que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que, d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées par le code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ;
Considérant que Mme A...soutenait, qu'à défaut pour l'employeur, avec lequel elle avait conclu quinze contrats de travail consécutifs, d'avoir respecté l'obligation légale de formation et d'orientation professionnelle lui incombant au titre des contrats "emploi-solidarité" et "emploi-consolidé", ces contrats devaient être requalifiés en contrat à durée indéterminée ; que, dès lors, le litige, en ce qu'il porte sur une demande préalable de requalification de contrats de droit privé et d'allocation d'une indemnité de requalification, au motif d'une irrégularité qui aurait été commise par l'employeur dans leur exécution, ressortit à la compétence de la juridiction judiciaire ; qu'en revanche, les chefs de demande de Mme A...portant sur les conséquences indemnitaires du non - renouvellement, qu'elle estime fautif, du dernier contrat de travail conclu avec son employeur, notamment s'agissant des indemnités de licenciement auxquelles prétend l'intéressée, ressortissent à la compétence de la seule juridiction administrative, dès lors qu'au terme du dernier contrat emploi-consolidé, la relation contractuelle a été poursuivie en exécution des contrats de droit public conclus entre MmeA..., alors recrutée en qualité d'agent contractuel non titulaire, et la personne morale de droit public ;
D E C I D E :
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Article 1er : la juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître des chefs de la demande de MmeA... tendant à la requalification des contrats "emploi-solidarité" et "emploi-consolidé" en contrat à durée indéterminée ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de requalification.
Article 2 : le jugement du conseil de prud'hommes de Draguignan du 10 décembre 2010 est déclaré nul et non avenu en tant que cette juridiction s'est déclarée incompétente pour statuer sur les chefs de demande mentionnés à l'article 1er. La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant ledit conseil de prud'hommes.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Toulon est déclarée nulle et non avenue en tant qu'elle se rapporte aux chefs de demande mentionnés à l'article 1er, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal quant à ces mêmes chefs.
Article 4 : La juridiction administrative est compétente pour connaître des demandes tendant à l'indemnisation des préjudices afférents à l'exécution et à la rupture des contrats de travail de droit public signés à l'expiration du dernier contrat "emploi consolidé".
Article 5 : La procédure suivie devant le conseil de prud'hommes de Draguignan est nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu le 10 décembre 2010 par cette juridiction, en tant qu'ils concernent les demandes mentionnées à l'article 4.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre le justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.