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13/12/2010 | FRANCE | N°C3767

France | France, Tribunal des conflits, 13 décembre 2010, C3767


Vu, enregistrée à son secrétariat le 3 mars 2010, l'expédition du jugement en date du 21 janvier 2010 par lequel le tribunal d'instance de Saint-Girons a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider de la question de compétence relative à la demande formée par Mme A, épouse B, et tendant, d'une part, à ce que MM. C et D, pris en leur qualité de responsables de l'unité d'exploitation d'Electricité Réseau Distribution France (E.R.D.F.) de Saint-Girons (Ariège), lui remboursent le coût de la dépose de la ligne é

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Vu, enregistrée à son secrétariat le 3 mars 2010, l'expédition du jugement en date du 21 janvier 2010 par lequel le tribunal d'instance de Saint-Girons a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider de la question de compétence relative à la demande formée par Mme A, épouse B, et tendant, d'une part, à ce que MM. C et D, pris en leur qualité de responsables de l'unité d'exploitation d'Electricité Réseau Distribution France (E.R.D.F.) de Saint-Girons (Ariège), lui remboursent le coût de la dépose de la ligne électrique implantée sans autorisation à leur initiative sur la parcelle n° 614, section B, dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Saint-Lizier (Ariège), et lui versent diverses indemnités en réparation des préjudices causés par cette implantation irrégulière, d'autre part, à ce que E.R.D.F., prise en la personne de son directeur départemental de l'Ariège, M. E, supprime, sous astreinte, deux poteaux électriques irrégulièrement implantés sur sa propriété ;

Vu l'ordonnance en date du 11 décembre 2008 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de Mme B tendant à ce qu'il soit mis fin dans tous ses effets à la voie de fait constituée par l'implantation irrégulière d'une ligne électrique sur sa parcelle ;

Vu, enregistré le 14 juin 2010, le mémoire du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, qui conclut à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître des conclusions tendant au déplacement ou à la suppression de l'ouvrage et à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître des conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences de l'implantation irrégulière de l'ouvrage ; il soutient que des conclusions tendant au déplacement ou à la suppression d'un ouvrage public relèvent, par nature, de la compétence de la juridiction administrative, à moins que la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte qui n'est manifestement pas susceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative, ce qui n'apparaît pas être le cas en l'espèce, les travaux ayant été entrepris dans le cadre d'une concession de service public et pouvant être autorisés après déclaration d'utilité publique, et à moins qu'aucune procédure de régularisation n'ait été engagée, ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce, E.R.D.F. ayant demandé le 9 novembre 2009 au préfet de l'Ariège d'engager la procédure permettant de créer une servitude de passage sur la propriété de Mme B; qu'en revanche, les conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables d'une emprise irrégulière telle que celle de l'espèce relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire ;

Vu les pièces dont il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à Mme

B, et à MM. C, D et E, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, notamment son article 12 ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946, notamment son article 35 ;

Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edmond Honorat, membre du Tribunal,

- les conclusions de M. Jean-Dominique Sarcelet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, les 3 et 4 janvier 2007, des agents d'Electricité de France (E.D.F.) ont procédé sans autorisation à des travaux d'installation d'une ligne électrique sur une parcelle appartenant à Mme B à Saint-Lizier (Ariège) ; qu'à la suite de ces travaux, Mme B a demandé au tribunal administratif de Toulouse de mettre fin dans tous ses effets à la voie de fait que constituaient ces travaux ; que, par ordonnance du 11 décembre 2008, le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Toulouse a décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître d'une telle action ; que, saisi d'une demande de Mme B tendant, d'une part, à la condamnation des responsables de l'unité d'exploitation de Saint-Girons d'Electricité Réseau Distribution France (E.R.D.F.), qui a repris l'activité de gestionnaire du réseau de distribution d'électricité d'E.D.F. à compter du 1er janvier 2008 , à lui rembourser le coût de dépose de la ligne électrique et à lui verser diverses indemnités en réparation des préjudices causés par l'implantation irrégulière de cette ligne, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné à E.R.D.F. de déposer, sous astreinte, les deux poteaux supportant la ligne électrique, le tribunal d'instance de Saint-Girons, par un jugement du 21 janvier 2010, a décliné la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de ces conclusions et renvoyé au Tribunal le soin de décider de la question de compétence en application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'indemnisation des dommages causés par l'installation d'ouvrages de distribution publique d'électricité :

Considérant que la ligne électrique et les poteaux qui en sont le support ont été implantés sur le terrain appartenant à Mme B en vue d'assurer le service public de distribution d'énergie électrique dans le département de l'Ariège, auquel ils sont directement affectés ; que l'installation des ces ouvrages publics porte atteinte au droit de propriété de Mme B et ne pouvait être réalisée qu'après, soit l'intervention d'un accord amiable avec cette dernière, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues à l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ou à l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz ainsi que par le décret du 11 juin 1970 pris pour son application, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ; que tel n'a pas été le cas ; que, dès lors, les conclusions de Mme B tendant à obtenir l'indemnisation des conséquences dommageables de l'atteinte ainsi portée à sa propriété privée, ressortissent à la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à la suppression des ouvrages de distribution publique d'électricité :

Considérant que des conclusions dirigées contre le refus de supprimer ou de déplacer un ouvrage public, et le cas échéant, à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression, relèvent par nature de la compétence du juge administratif ; qu'ainsi, l'autorité judiciaire ne saurait, sans s'immiscer dans les opérations administratives et empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public ; qu'il n'en va autrement que dans l'hypothèse où la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'a été engagée ;

Considérant que, si les ouvrages publics constitués par la ligne électrique et les poteaux implantés sur le terrain appartenant à Mme B ont été réalisés sans son accord, sans l'institution préalable des servitudes appropriées et sans expropriation, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier qu'E.R.D.F. a engagé une procédure de régularisation appropriée en demandant, le 9 novembre 2009, au préfet de l'Ariège de déclarer d'utilité publique ces ouvrages en vue de l'établissement de servitudes sur le terrain de Mme B ; qu'il n'appartient, en conséquence, qu'aux juridictions de l'ordre administratif de connaître des conclusions présentées par Mme B tendant à ce que soit autorisée ou ordonnée la suppression de ces ouvrages ;

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître des conclusions de Mme B tendant à la réparation des préjudices causés par l'implantation d'ouvrages de distribution publique d'électricité sur son terrain.

Article 2 : Le jugement du tribunal d'instance de Saint-Girons du 21 janvier 2010 est déclaré nul et non avenu en ce qu'il déclare ce tribunal incompétent pour statuer sur les chefs de demande mentionnés à l'article 1er. La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant ce tribunal.

Article 3 : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître des conclusions de Mme B tendant à ce que soit autorisée ou ordonnée la suppression des ouvrages de distribution publique d'électricité qui y sont implantés.

Article 4 : L'ordonnance du président de la troisième chambre du tribunal administratif de Toulouse du 11 décembre 2008 est déclarée nulle et non avenue en ce qu'elle déclare la juridiction administrative incompétente pour connaître des conclusions mentionnées à l'article 3. La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant ce tribunal.

Article 5 : La procédure suivie devant le tribunal d'instance de Saint-Girons est déclarée nulle et non avenue en tant qu'elle se rapporte aux chefs de conclusions mentionnés à l'article 4, à l'exception du jugement rendu le 21 janvier 2010 par ce tribunal.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des

libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3767
Date de la décision : 13/12/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Edmond Honorat
Rapporteur public ?: M. Sarcelet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2010:C3767
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