Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 avril 2009, l'expédition de l'arrêt du 2 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, saisie d'une requête de M. A tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du maire de Criquetot-sur-Ouville du 25 avril 2002 prononçant son licenciement, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 19 octobre 2004 par lequel la cour d'appel de Rouen a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu, enregistré le 22 décembre 2009, le mémoire présenté pour M. A qui conclut à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire par le motif que les litiges relatifs au contrat " emploi solidarité " ou au contrat " emploi consolidé " relèvent de ces juridictions ;
Vu, enregistré le 19 janvier 2010, le mémoire présenté pour la commune de Criquetot-sur-Ouville, qui conclut à la compétence des juridictions de l'ordre administratif par les motifs que sont en cause la légalité de la décision administrative de licenciement et les conséquences de la requalification du contrat " emploi consolidé " conclu entre la commune et M. A ; elle soutient en outre qu'il n'est pas acquis que la condition d'identité du litige posée par l'article 34 du décret du 26 octobre 1843 soit remplie ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code du travail ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, membre suppléant du Tribunal,
- les observations de la SCP Vincent, Ohl, pour M. Patrice A,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, pour la commune de Criquetot-sur-Ouville,
- les conclusions de M. Pierre Collin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la commune de Criquetot-sur Ouville a engagé M. A par contrat " emploi solidarité " conclu en 1992 et reconduit pour une année, puis, le 31 mai 1994, par contrat " emploi consolidé ", pour l'exécution de tâches administratives ; que la commune, ayant décidé de supprimer ce poste, a procédé au licenciement de M. A le 25 avril 2002 ; que, dans le but d'obtenir des indemnités en raison de son licenciement, ce dernier a saisi la juridiction prud'homale de Rouen qui s'est déclarée compétente ; que cette décision ayant été infirmée en cause d'appel, M. A a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen aux fins d'obtenir l'annulation de la décision de licenciement, et que la cour administrative d'appel de Douai, sur appel de M. A contre la décision rejetant sa demande, a saisi le Tribunal de la question de compétence ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant que le Tribunal des conflits n'est valablement saisi que s'il y a identité de question ou même litige au sens des articles 17 et 34 du décret du 26 octobre 1849 ;
Considérant que les actions diligentées par M. A d'abord devant la juridiction judiciaire pour obtenir indemnisation d'un licenciement irrégulier, puis devant la juridiction administrative pour obtenir l'annulation pour excès de pouvoir d'un licenciement, découlent de la même contestation du licenciement ; que les conditions d'application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 sont donc réunies ;
Sur la compétence ;
Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 322-4-8-1 du code du travail, alors en vigueur, les contrats " emploi consolidé " sont des contrats de travail de droit privé, à durée déterminée ou indéterminée ; qu'en conséquence, les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de ces contrats relèvent en principe de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Considérant toutefois que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que, d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci, en réalité, n'entre pas dans le champ des catégories d'emploi, d'employeurs ou de salariés visés à l'article L. 322-4-7 du code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence, non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat, mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ;
Considérant que la demande de M. A est relative à la rupture du contrat " emploi consolidé ", conclu pour une durée indéterminée avec la commune de Criquetot-Sur-Ouville ; que le litige relève en conséquence de la compétence du juge judiciaire, nonobstant les demandes de la commune aux fins de requalification du contrat en raison de l'âge de son titulaire et de la durée d'exercice des fonctions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. A à la commune de Criquetot-sur-Ouville .
Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Rouen en date du 19 octobre 2004 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.
Article 3 : La procédure suivie devant la juridiction administrative est déclarée nulle et non avenue, à l'exception de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 2 avril 2009.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.