N° 3745
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Strasbourg
M. X... et Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions c / Etat
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 30 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, saisi d'une demande du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser l'indemnité qu'il a versée à M. X... en réparation du préjudice subi du fait de violences infligées par des fonctionnaires de police, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 18 décembre 2003, devenu irrévocable par le rejet, en date du 14 décembre 2004, du pourvoi en cassation formé par MM. Y... et Z..., par lequel la cour d'appel de Colmar s'est déclarée incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu le mémoire présenté pour le FGTI, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente s'agissant d'agissements commis par des fonctionnaires de police dans le cadre d'une opération de police judiciaire ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. X..., qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code de procédure pénale ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Vigouroux, membre du Tribunal,- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions,- les conclusions de M. Didier Boccon-Gibod, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 9 juin 2002, vers trois heures à Mulhouse, l'intervention de la police a été demandée au motif qu'un individu s'avérait menaçant avec un fusil à pompe devant une discothèque ; qu'une équipe de police s'est rendue sur place et a interpellé M. X... ; que pour l'emmener au commissariat, les policiers l'ont bousculé et frappé, le blessant gravement à la face ;
Sur la saisine du Tribunal des conflits :
Considérant que la cour d'appel de Colmar, qui a déclaré les fonctionnaires de police coupables de délits de coups et blessures volontaires sur la personne de M. X..., a, statuant sur les conclusions de celui-ci dirigées contre eux, dit que les fautes reprochées aux prévenus ne sont pas détachables du service et a renvoyé les parties devant la juridiction administrative compétente ; que saisi par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), qui avait indemnisé M. X..., de conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de dommages et intérêts, le tribunal administratif de Strasbourg a, au motif que les fonctionnaires de police avaient agi dans le cadre d'une opération de police judiciaire, estimé que ces conclusions ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'il a sursis à statuer et renvoyé au Tribunal le soin de statuer sur la question de compétence ; que ces demandes ayant le même objet et le même fondement, il y a identité de litige au sens des articles 17 et 34 du décret du 26 octobre 1849 ;
Sur la compétence :
Considérant que les fonctionnaires de police ont agi à l'occasion de la commission de l'infraction qui leur avait été signalée et ont appréhendé M. X... qu'ils suspectaient de l'avoir commise ; qu'ils doivent, en conséquence, être regardés comme participant à une opération de police judiciaire lorsqu'ils se sont livrés à des sévices sur sa personne ; qu'il s'ensuit que l'action en responsabilité, exercée par M. X... ou par le FGTI subrogé dans ses droits, du fait des sévices subis relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. X... à l'Etat.
Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 18 décembre 2003 est déclaré nul et non avenu en tant qu'elle a statué sur l'action civile. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour d'appel dans cette mesure.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Strasbourg est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 30 avril 2009.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.