TRIBUNAL DES CONFLITS
N° 3601
Conflit sur renvoi de la cour administrative d'appel de NancyEURL Croisières lorraines « la Bergamote » c/Voies navigables de France
M. Jean-Marie DelarueRapporteur
M. André GariazzoCommissaire du Gouvernement
Séance du 31 mars 2008Lecture du 5 mai 2008
Vu l'expédition de l'arrêt du 4 août 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, saisie d'une requête de la société EURL Croisières lorraines "la Bergamote" tendant à l'annulation du jugement du 11 mai 2004 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Voies navigables de France à lui verser une somme de 55 711,78 euros en réparation du préjudice subi par son navire à la suite d'une collision avec un véhicule immergé dans le canal de la Marne au Rhin, le 12 septembre 2001 et une somme de 2000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de la compétence ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 19 mai 2003 par lequel la cour a décliné la compétence des juridictions judiciaires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
Vu la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991, notamment son article 124 ;
Vu la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 60-1441 du 26 décembre 1960 ;
Vu le décret n° 91-797 du 20 août 1991 ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Jean-Marie Delarue, membre du Tribunal,
les observations de Me Balat, avocat de Voies navigables de France
- les conclusions de M. André Gariazzo, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'EURL Croisières lorraines "la Bergamote", exploitant un bateau-restaurant sur le canal de la Marne au Rhin, a recherché devant le juge judiciaire la responsabilité de Voies navigables de France à raison du préjudice subi du fait des dommages consécutifs à la collision survenue le 12 septembre 2001 entre son navire et un véhicule immergé dans le canal ; que le tribunal de grande instance de Nancy, puis, sur contredit, la cour d'appel de Nancy, ont successivement décliné la compétence des juridictions judiciaires ; que le tribunal administratif, saisi à son tour, a rejeté au fond les prétentions de l'entreprise ; que la cour administrative d'appel a renvoyé, sur le fondement de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, au Tribunal le soin de décider sur la compétence ;
Considérant que lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique ;
Considérant que, selon l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991, l'établissement public Voies navigables de France constitue un établissement public industriel et commercial ;
Considérant que l'exploitation et l'entretien des voies navigables et de leurs dépendances, confiés à Voies navigables de France par l'article 124 de la loi de finances pour 1990, ne ressortissent pas, en eux-mêmes, de prérogatives de puissance publique ; que l'EURL Croisières lorraines "la Bergamote" étant un usager du service de la navigation, il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître du litige qui l'oppose à Voies navigables de France à raison des dommages survenus au navire sur le canal de la Marne au Rhin ;
DECIDE :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant l'entreprise EURL Croisières lorraines "la Bergamote" à Voies navigables de France.
Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 19 mai 2003 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.
Article 3 : Les procédures suivies devant le tribunal administratif de Nancy et la cour administrative d'appel de Nancy sont déclarées nulles et non avenues, à l'exception de l'arrêt rendu par cette cour le 4 août 2006.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.