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17/12/2007 | FRANCE | N°C3586

France | France, Tribunal des conflits, 17 décembre 2007, C3586


Vu, enregistrée au secrétariat le 24 mai 2006, l'expédition de la décision du 9 mai 2006, par laquelle le tribunal administratif de Lille, saisi d'une requête des époux A à l'encontre de la commune d'Etaples sur Mer, la société des eaux du Touquet et l'Etat français tendant, à titre principal, de détournement d'une canalisation d'eau potable implantée irrégulièrement sur leur terrain et, à titre subsidiaire d'indemnisation du préjudice subi, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de la

compétence ;

Vu l'ordonnance du 25 septembre 2002 par lequel le ju...

Vu, enregistrée au secrétariat le 24 mai 2006, l'expédition de la décision du 9 mai 2006, par laquelle le tribunal administratif de Lille, saisi d'une requête des époux A à l'encontre de la commune d'Etaples sur Mer, la société des eaux du Touquet et l'Etat français tendant, à titre principal, de détournement d'une canalisation d'eau potable implantée irrégulièrement sur leur terrain et, à titre subsidiaire d'indemnisation du préjudice subi, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Vu l'ordonnance du 25 septembre 2002 par lequel le juge des référés du tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistré le 27 juin 2007, le mémoire présenté par les époux A tendant à la compétence de la juridiction judiciaire et à la condamnation de la société des Eaux du Touquet, le préfet du Pas de Calais et la commune d'Etaples sur Mer au versement de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu, enregistré le 21 septembre 2007, le mémoire présenté par société des Eaux du Touquet qui s'en rapporte à la justice sur la détermination de l'ordre juridictionnel compétent ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, à la société des eaux du Touquet, à la mairie d'Etaples-sur-Mer et à M. et Mme A, qui n'ont pas produit de mémoires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu la loi du 5 juillet 1985 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu l'article L 152-1 du code rural ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Magali Ingall-Montagnier, membre suppléant du Tribunal,

- les observations de la SCP Boré-Salve de Bruneton, avocat de M. A, la SCP Vier-Barthélémy-Matuchansky, avocat de la Société des Eaux du Touquet

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, saisi par M. et Mme A de conclusions pour voie de fait tendant à titre principal à voir détourner de leur fonds une canalisation d'eau irrégulièrement implantée sur leur terrain et à titre subsidiaire à obtenir l'indemnisation de leur préjudice, le président du tribunal de grande instance Boulogne sur Mer, statuant en matière de référé, a décliné la compétence du juge judiciaire ; que le tribunal administratif de Lille, saisi de conclusions des intéressés tendant à ce que soit ordonné à la société des Eaux du Touquet et à la commune d'Etaples de déplacer la canalisation et au paiement d'indemnités en réparation d'une emprise irrégulière, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la compétence ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'il ressort de l'instruction que, par suite d'erreurs matérielles de délimitation tenant à la configuration des lieux, les travaux de pose d'une canalisation d'eau potable dans le sous-sol d'un terrain, sis à Etaples sur Mer, ayant toujours appartenu à la société d'HLM du Pas de Calais et du Nord et rétrocédé depuis aux époux A, ont été effectués par la société des eaux du Touquet pour la commune d'Etaples, alors que l'administration ne justifiait d'aucun titre l'habilitant à procéder à ces travaux ; qu'une telle opération, qui a dépossédé les époux A, propriétaires de cette parcelle, d'un élément de leur droit de propriété, ne pouvait être mise à exécution qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues aux articles L.152-1, L.152-2 et R.152-1 à R.152-15 du code rural, soit enfin, l'intervention d'un accord amiable avec les époux propriétaires ; que tel n'a pas été le cas ; que, dès lors, la demande des époux A, qui tend à obtenir l'indemnisation des conséquences dommageables d'une emprise irrégulière, ressortit à la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire ;

En ce qui concerne les conclusions qui tendent au déplacement de l'ouvrage public :

Considérant que des conclusions dirigées contre le refus de supprimer ou de déplacer un ouvrage public, et le cas échéant, à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression, relèvent par nature de la compétence du juge administratif ; qu'ainsi, l'autorité judiciaire ne saurait, sans s'immiscer dans les opérations administratives et empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public ; qu'il n'en va autrement que dans l'hypothèse où la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'a été engagée ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'ouvrage public litigieux a été construit sur ce terrain en raison d'erreurs matérielles de délimitation tenant à la configuration des lieux ; que dans ces circonstances, l'implantation de celui-ci ne saurait être constitutif d'une voie de fait ; qu'il n'appartient donc pas aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des conclusions tendant à son déplacement ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société des Eaux du Touquet, du préfet du Pas de Calais et de la commune d'Etaples sur Mer la somme que les époux A demandent en application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître des conclusions de la demande des époux A tendant à la réparation du préjudice causé par la dépossession résultant de l'implantation d'une canalisation d'eau potable sur leur terrain.

Article 2 : L'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer, en date du 25 septembre 2002 est déclarée nulle et non avenue, en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent pour statuer sur le chef de demande mentionné à l'article 1er. La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant ce tribunal.

Article 3 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure suivie devant le tribunal administratif de Lille et le jugement rendu par ce tribunal le 9 mai 2006, en tant qu'il se rapporte aux chefs de demandes mentionnés à l'article 1er.

Article 4 : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître des conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement de la canalisation d'eau potable implantée sur leur terrain.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 9 mai 2006 est déclaré nul et non avenu, en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des conclusions mentionnées à l'article 4. La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure devant ledit tribunal.

Article 6 : Les conclusions des époux A tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3586
Date de la décision : 17/12/2007
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - TRAVAUX PUBLICS - DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - A) INDEMNISATION D'UNE EMPRISE IRRÉGULIÈRE - ADMINISTRATION NE JUSTIFIANT D'AUCUN TITRE L'HABILITANT À PROCÉDER AUX TRAVAUX - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - B) DEMANDE D'ANNULATION DU REFUS DE SUPPRIMER OU DÉPLACER L'OUVRAGE - ABSENCE DE VOIE DE FAIT - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF [RJ1].

17-03-02-06-01 a) Par suite d'erreurs matérielles de délimitation tenant à la configuration des lieux, les travaux de pose d'une canalisation d'eau potable dans le sous-sol d'un terrain ont été effectués pour le compte d'une commune, alors que l'administration ne justifiait d'aucun titre l'habilitant à procéder à ces travaux. Une telle opération, qui a dépossédé les propriétaires de la parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne pouvait être mise à exécution qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues aux articles L. 152-1, L. 152-2 et R. 152-1 à R. 152-15 du code rural, soit enfin l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires. Lorsque tel n'est pas le cas, la demande tendant à obtenir l'indemnisation d'une emprise irrégulière ressortit à la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire.,,b) Les conclusions dirigées contre le refus de supprimer ou de déplacer un ouvrage public et le cas échéant, tendant à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression, relèvent par nature de la compétence du juge administratif. L'autorité judiciaire ne saurait, sans s'immiscer dans les opérations administratives et empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public. Il n'en va autrement que dans l'hypothèse où la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'a été engagée.

TRAVAUX PUBLICS - NOTION DE TRAVAIL PUBLIC ET D'OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE PUBLIC - A) INDEMNISATION D'UNE EMPRISE IRRÉGULIÈRE - ADMINISTRATION NE JUSTIFIANT D'AUCUN TITRE L'HABILITANT À PROCÉDER AUX TRAVAUX - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - B) DEMANDE D'ANNULATION DU REFUS DE SUPPRIMER OU DÉPLACER L'OUVRAGE - ABSENCE DE VOIE DE FAIT - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF [RJ1].

67-01-02 a) Par suite d'erreurs matérielles de délimitation tenant à la configuration des lieux, les travaux de pose d'une canalisation d'eau potable dans le sous-sol d'un terrain ont été effectués pour le compte d'une commune, alors que l'administration ne justifiait d'aucun titre l'habilitant à procéder à ces travaux. Une telle opération, qui a dépossédé les propriétaires de la parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne pouvait être mise à exécution qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues aux articles L. 152-1, L. 152-2 et R. 152-1 à R. 152-15 du code rural, soit enfin l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires. Lorsque tel n'est pas le cas, la demande tendant à obtenir l'indemnisation d'une emprise irrégulière ressortit à la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire.,,b) Les conclusions dirigées contre le refus de supprimer ou de déplacer un ouvrage public et le cas échéant, tendant à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression, relèvent par nature de la compétence du juge administratif. L'autorité judiciaire ne saurait, sans s'immiscer dans les opérations administratives et empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public. Il n'en va autrement que dans l'hypothèse où la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'a été engagée.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSÉS PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - EXISTENCE DE L'OUVRAGE - A) INDEMNISATION D'UNE EMPRISE IRRÉGULIÈRE - ADMINISTRATION NE JUSTIFIANT D'AUCUN TITRE L'HABILITANT À PROCÉDER AUX TRAVAUX - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - B) DEMANDE D'ANNULATION DU REFUS DE SUPPRIMER OU DÉPLACER L'OUVRAGE - ABSENCE DE VOIE DE FAIT - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF [RJ1].

67-03-03-01 a) Par suite d'erreurs matérielles de délimitation tenant à la configuration des lieux, les travaux de pose d'une canalisation d'eau potable dans le sous-sol d'un terrain ont été effectués pour le compte d'une commune, alors que l'administration ne justifiait d'aucun titre l'habilitant à procéder à ces travaux. Une telle opération, qui a dépossédé les propriétaires de la parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne pouvait être mise à exécution qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues aux articles L. 152-1, L. 152-2 et R. 152-1 à R. 152-15 du code rural, soit enfin l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires. Lorsque tel n'est pas le cas, la demande tendant à obtenir l'indemnisation d'une emprise irrégulière ressortit à la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire.,,b) Les conclusions dirigées contre le refus de supprimer ou de déplacer un ouvrage public et le cas échéant, tendant à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression, relèvent par nature de la compétence du juge administratif. L'autorité judiciaire ne saurait, sans s'immiscer dans les opérations administratives et empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public. Il n'en va autrement que dans l'hypothèse où la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'a été engagée.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 5 juin 2002, M. et Mme Binet c/ Electricité de France, n° 3287, p. 544.


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars
Rapporteur ?: Mme Magali Ingall-Montagnier
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2007:C3586
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