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12/12/2005 | FRANCE | N°C3455

France | France, Tribunal des conflits, 12 décembre 2005, C3455


Vu, enregistrée à son secrétariat le 19 janvier 2005, l'expédition du jugement du 2 décembre 2004 par lequel le tribunal de grande instance de Nancy, saisi d'une demande de l'EURL Croisières Lorraines « La Bergamote » tendant à ce que l'établissement public Voies Navigables de France soit condamné à indemniser les conséquences commerciales dommageables résultant de l'interruption du trafic fluvial sur le canal de la Marne au Rhin à la suite de l'effondrement, le 27 juin 1999, d'un pont mobile situé à Nancy, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du

26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de com...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 19 janvier 2005, l'expédition du jugement du 2 décembre 2004 par lequel le tribunal de grande instance de Nancy, saisi d'une demande de l'EURL Croisières Lorraines « La Bergamote » tendant à ce que l'établissement public Voies Navigables de France soit condamné à indemniser les conséquences commerciales dommageables résultant de l'interruption du trafic fluvial sur le canal de la Marne au Rhin à la suite de l'effondrement, le 27 juin 1999, d'un pont mobile situé à Nancy, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le jugement du 23 décembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Nancy s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistré le 1er août 2005, le mémoire présenté pour Voies Navigables de France, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que la circulation a été interrompue en raison de l'exécution de travaux publics et que l'interdiction de la circulation pour des raisons de sécurité relève d'un pouvoir de police ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée à l'EURL Croisières Lorraines « La Bergamote » et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;

Vu la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991 ;

Vu la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 ;

Vu le décret n° 60-1441 du 26 décembre 1960 modifié ;

Vu le décret n° 91-797 du 20 août 1991 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Ph. Martin, membre du Tribunal,

- les observations de Me Balat, avocat de Voies Navigables de France ;

- les conclusions de Mme Commaret, commissaire du gouvernement ;

Considérant que lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux relatif à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique ;

Considérant que selon l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991, l'établissement public qui se substitue à l'Office national de la navigation et prend le nom de Voies Navigables de France constitue un établissement public industriel et commercial ;

Considérant qu'à la suite de l'effondrement, le 27 juin 1999, d'un pont mobile situé à Nancy sur le canal de la Marne au Rhin, la circulation fluviale a été interrompue pendant la réparation de ce pont ; que l'EURL Croisières Lorraines « La Bergamote », qui exploite un bateau restaurant effectuant des croisières fluviales à partir de Nancy, a recherché la responsabilité de Voies Navigables de France, chargé de l'entretien de ce pont mobile en application de l'article 124 de la loi de finances pour 1991, pour obtenir réparation de préjudices commerciaux qui résulteraient de l'interruption du trafic fluvial ;

Considérant, d'une part, que l'interruption du trafic fluvial étant la conséquence directe de l'effondrement du pont, l'activité au titre de laquelle la responsabilité de Voies Navigables de France est recherchée n'est pas l'exercice de pouvoirs de police ;

Considérant, d'autre part, que l'exploitation et l'entretien des voies navigables et de leurs dépendances, confiés à Voies Navigables de France par l'article 124 de la loi de finances pour 1990, ne ressortissent pas, en eux-mêmes, de prérogatives de puissance publique ; que l'EURL Croisières Lorraines « La Bergamote » étant un usager du service de la navigation, il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître du litige qui l'oppose à Voies Navigables de France, même si le dommage est imputable à un vice dans la conception, la construction, l'entretien ou le fonctionnement du pont mobile, ouvrage public concourant à l'activité de l'établissement public industriel et commercial ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant l'EURL Croisières Lorraines « La Bergamote » et Voies Navigables de France.

Article 2 : Le jugement du tribunal de grande instance de Nancy en date du 2 décembre 2004 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3455
Date de la décision : 12/12/2005
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - PROBLÈMES PARTICULIERS POSÉS PAR CERTAINES CATÉGORIES DE SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DES LITIGES NÉS DE L'ACTIVITÉ D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC QUALIFIÉ PAR LA LOI D'INDUSTRIEL ET COMMERCIAL - À L'EXCEPTION DE CEUX RELATIFS À CELLES DE SES ACTIVITÉS QUI - TELLES QUE LA RÉGLEMENTATION - LA POLICE OU LE CONTRÔLE - RESSORTISSENT PAR LEUR NATURE À DES PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE [RJ1] - EXPLOITATION ET ENTRETIEN DES VOIES NAVIGABLES PAR VOIES NAVIGABLES DE FRANCE - ÉTABLISSEMENT PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL - NE RESSORTISSANT PAS À DE TELLES PRÉROGATIVES - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DES ACTIONS INDEMNITAIRES ENGAGÉES PAR DES USAGERS DU SERVICE DE NAVIGATION DE CET ÉTABLISSEMENT - Y COMPRIS DANS LE CAS OÙ LE DOMMAGE EST IMPUTABLE À UN TRAVAIL OU UN OUVRAGE PUBLIC [RJ2].

17-03-02-07-02 Le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges nés de l'activité d'un établissement public qualifié par la loi d'industriel et commercial, à l'exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles que la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique. Il est donc en principe compétent pour connaître des litiges nés de l'activité de Voies navigables de France, établissement public qualifié d'industriel et commercial par la loi. Il l'est notamment pour connaître des litiges nés de l'activité d'exploitation et d'entretien des voies navigables dès lors que cette dernière ne ressortit pas à des prérogatives de puissance publique. Ainsi et alors même que le dommage est imputable à un travail ou un ouvrage public, le juge judiciaire est compétent pour connaître des actions indemnitaires engagées par des usagers du service de navigation de cet établissement.

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET GROUPEMENTS D'INTÉRÊT PUBLIC - NOTION D'ÉTABLISSEMENT PUBLIC - CARACTÈRE DE L'ÉTABLISSEMENT - CARACTÈRE INDUSTRIEL ET COMMERCIAL - VOIES NAVIGABLES DE FRANCE - CONSÉQUENCE - LITIGES NÉS DE L'ACTIVITÉ DE L'ÉTABLISSEMENT RESSORTISSANT À LA COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - À L'EXCEPTION DE CEUX RELATIFS À CELLES DE SES ACTIVITÉS QUI - TELLES QUE LA RÉGLEMENTATION - LA POLICE OU LE CONTRÔLE - RESSORTISSENT PAR LEUR NATURE À DES PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE [RJ1] - EXPLOITATION ET ENTRETIEN DES VOIES NAVIGABLES NE RESSORTISSANT PAS À DE TELLES PRÉROGATIVES - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE DES ACTIONS INDEMNITAIRES ENGAGÉES PAR DES USAGERS DU SERVICE DE NAVIGATION - Y COMPRIS DANS LE CAS OÙ LE DOMMAGE EST IMPUTABLE À UN TRAVAIL OU UN OUVRAGE PUBLIC [RJ2].

33-01-03-02 Le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges nés de l'activité d'un établissement public qualifié par la loi d'industriel et commercial, à l'exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles que la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique. Il est donc en principe compétent pour connaître des litiges nés de l'activité de Voies navigables de France, établissement public qualifié d'industriel et commercial par la loi. Il l'est notamment pour connaître des litiges nés de l'activité d'exploitation et d'entretien des voies navigables dès lors que cette dernière ne ressortit pas à des prérogatives de puissance publique. Ainsi et alors même que le dommage est imputable à un travail ou un ouvrage public, le juge judiciaire est compétent pour connaître des actions indemnitaires engagées par des usagers du service de navigation de cet établissement.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 29 décembre 2004, Epoux Blanckeman c/ Voies navigables de France, p. 525.,,

[RJ2]

Cf. TC, 24 juin 1954, Dame Galland, p. 717.


Composition du Tribunal
Président : M. Maisl
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Rapporteur public ?: Mlle Abelin

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2005:C3455
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