Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure de référé engagée par M. Saïd X..., sur le fondement des articles 29 et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, pour obtenir, à titre provisionnel, réparation par M. Jean-Yves Y..., directeur de la police aux frontières des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget, du préjudice causé par des propos tenus au cours d'un reportage de télévision qu'il estime diffamatoires à son égard ;
Vu le déclinatoire de compétence présenté le 12 décembre 2003 par le Préfet des Hauts-de-Seine tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que le fait pour le directeur de la police aux frontières d'un aéroport, fonctionnaire d'autorité, d'avoir tenu des propos relatifs à la sécurité de l'aéroport, qui sont qualifiés de diffamatoires par la partie adverse lors d'une émission de télévision ne revêt aucun caractère fautif et ne peut constituer une faute personnelle détachable de l'accomplissement du service ;
Vu l'ordonnance du 9 janvier 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté du 22 janvier 2004 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a élevé le conflit ;
Vu le mémoire présenté par M. X... et tendant, d'une part, au rejet de l'arrêté de conflit par les motifs que la diffamation dont il a été victime est constitutive d'une faute détachable du service, ou encore d'une voie de fait et qu'il a été porté une atteinte grave aux libertés individuelles et à sa vie privée par la divulgation d'informations mensongères, d'autre part, au versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les observations du ministre de l'Intérieur concluant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que les faits reprochés à M. Y... ne sont constitutifs ni d'une voie de fait, ni d'une atteinte aux libertés individuelles, ni d'une faute personnelle détachable du service ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Considérant que, lors d'un reportage consacré aux problèmes de sécurité dans les aéroports, diffusé le 11 septembre 2003 par la chaîne de télévision nationale France 2, M. Y..., directeur de la police aux frontières des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget, qui était interrogé dans son bureau par un journaliste sur " les charges retenues " contre une personne désignée par le prénom " Saïd ", a tenu les propos suivants " Effectivement, nous avons, compte tenu d'un certain nombre d'informations, estimé que, dans le doute, il était possible de proposer au préfet de ne pas renouveler, de ne pas laisser son badge à des personnes dont l'affichage ou un certain nombre de convictions établies laissaient penser qu'il était fragile à un certain nombre de convictions et d'actions " ; que le journaliste ayant ajouté " pour la police, Saïd affiche même des tendances très suspectes ", M. Y... a poursuivi : " des tendances salafites. " ; qu'estimant ces propos diffamatoires à son endroit, M. X... a assigné M. Y... en référé devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre pour obtenir, à titre provisionnel, paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ; qu'il a formé, par conclusions, une demande additionnelle en alléguant une violation du secret professionnel ;
Considérant que la tenue de tels propos par le directeur de la police aux frontières d'un aéroport, dans l'exercice de ses fonctions, au cours d'un reportage sur la sécurité dans les aéroports, en réponse aux questions d'un journaliste, qui visait à expliquer les motifs d'une décision prise, par l'autorité administrative, sur sa proposition, à l'encontre d'un fonctionnaire employé à la sécurité aérienne dont il n'a pas révélé l'identité, ne saurait être regardée, comme une faute personnelle détachable du service ; que dès lors, c'est à bon droit que le préfet des Hauts-de-Seine a élevé le conflit ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'allouer à M. X... la somme qu'il demande au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er :
L'arrêté de conflit pris le 22 janvier 2004 par le préfet des Hauts-de-Seine est confirmé.
Article 2 :
Sont déclarées nulles et non avenues la procédure engagée par M. X... contre M. Y... devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre et l'ordonnance rendue par ce magistrat le 9 janvier 2004.
Article 3 :
Les conclusions présentées par M. X... au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.