Vu, enregistrée à son secrétariat le 3 février 1995, l'expédition du jugement du 11 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Rennes, saisi d'une demande de M. puis de Mlle X... tendant à la condamnation du Collège Saint-Antoine de Lannilis, a renvoyé au Tribunal par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt en date du 22 janvier 1991 par lequel la cour d'appel de Rennes s'est déclarée incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu, enregistré le 13 juillet 1995, le mémoire, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'insertion professionnelle, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente par le motif qu'un collège privé ne fait pas usage de prérogatives de puissance publique ;
Vu, enregistré le 31 août 1995, le mémoire présenté pour le Collège Saint-Antoine de Lannilis tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par le motif que la loi du 5 avril 1937 n'est pas applicable lorsqu'est en cause un défaut d'organisation du service public de l'enseignement ;
Vu, enregistré le 22 septembre 1995, le mémoire présenté pour M. et Mlle X... tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente par les motifs exposés par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'insertion professionnelle ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des Conflits a été notifiée au président du syndicat d'équipement des Abers qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi du 5 avril 1937 ;
Vu le décret n° 60-389 du 22 avril 1960 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Massot, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat du Collège Saint-Antoine de Lannilis et de Me Brouchot, avocat des Consorts X...,
- les conclusions de M. Gaunet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mlle X..., alors mineure, ayant été victime d'un accident, au cours d'une séance de sport organisée dans le cadre du programme scolaire du Collège Saint-Antoine de Lannilis, établissement privé d'enseignement sous contrat d'association, son père a demandé aux juridictions de l'ordre judiciaire que l'établissement fût condamné à réparer les dommages subis par sa fille ; que par son arrêt du 22 janvier 1991, devenu irrévocable, la cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 24 mai 1989 déclinant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 10 du décret susvisé du 22 avril 1960 relatif au contrat d'association à l'enseignement public passé par les établissements d'enseignement privé "en matière d'accidents scolaires, la responsabilité de l'Etat est appréciée dans le cadre des dispositions de la loi du 5 avril 1937" ; que si la loi du 5 avril 1937, qui déroge, en cette matière spéciale, aux principes généraux qui gouvernent la séparation des autorités administratives et judiciaires, a attribué à l'autorité judiciaire la connaissance de l'ensemble des cas où le dommage invoqué a sa cause dans une faute de l'instituteur quel que soit, juridiquement, le caractère de cette faute, les règles normales de compétence retrouvent leur empire dans le cas où comme en l'espèce il a été définitivement jugé que le préjudice subi doit être regardé comme indépendant du fait de l'agent, et où il ne peut plus être allégué qu'il a son origine soit dans un dommage afférent à un travail public, soit dans un défaut d'organisation du service public de l'enseignement ;
Considérant, d'autre part, que si les établissements privés d'enseignement sous contrat d'association participent à la mission de service public de l'enseignement, ils ne sont investis d'aucune prérogative de puissance publique ; que, dès lors, les litiges mettant en cause la responsabilité de ces établissements, alors même qu'ils appliqueraient - pour l'organisation du service public de l'enseignement des textes réglementaires, relèvent de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire ;
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant Mlle X... à l'établissement Collège Saint-Antoine de Lannilis.
Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 22 janvier 1991 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il confirme l'incompétence de la juridiction de l'ordre judiciaire pour connaître des conclusions de Mlle X... contre l'établissement Collège Saint-Antoine de Lannilis. La cause et les parties sont renvoyées devant cette Cour.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Rennes en ce qui concerne les conclusions de Mlle X... dirigées contre l'établissement Collège Saint-Antoine de Lannilis est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 11 janvier 1995.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.