Vu, enregistrée à son secrétariat le 5 mars 1993, l'expédition de l'arrêt du 16 février 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, saisie d'une requête de I'Institut privé de gestion financière (IPGF) et de M. Yves X... tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 2 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
2°) à la condamnation du Conseil des bourses de valeurs à leur verser respectivement la somme de 90 millions de francs et de 30 millions de francs ;
a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence, en ce qui concerne les conclusions relatives à la mise en cause de la responsabilité du Conseil des bourses de valeurs à raison de la divulgation, par la compagnie nationale des agents de change, d'informations sur le retrait de la carte de remisier de M. X... et des conditions dans lesquelles cette même compagnie aurait incité la société Baudouin à liquider la position de la société Institut privé de gestion financière ;
Vu le jugement du 14 novembre 1988 par lequel le Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal administratif, pour connaître des conclusions de I'Institut privé de gestion financière et de M. X... contre le Conseil des bourses de valeurs ;
Vu, enregistré le 12 mai 1993, le mémoire présenté pour le Conseil des bourses de valeurs tendant à ce que le Tribunal déclare la juridiction administrative compétente pour connaître du litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi n° 88-70 du 22 janvier 1988 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Morisot, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du Conseil des Bourses de valeurs et de Me Choucroy, avocat de l'Institut privé de gestion financière et de M. Yves X...,
- les conclusions de M. Gaunet, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs : "L'examen des recours contre les décisions du Conseil des bourses de valeurs de caractère réglementaire ainsi que celles prises en matière disciplinaire est de la compétence du juge administratif. Les autres décisions du Conseil relèvent de la compétence du juge judiciaire" ; que ces dispositions, d'effet immédiat, s'appliquent à toute action engagée contre le Conseil des bourses de valeurs, postérieurement à la publication de la loi, sans qu'il y ait lieu de distinguer le cas où les faits incriminés sont imputables à ce Conseil, du cas où ceux-ci sont imputables à des organismes auxquels le Conseil des bourses de valeurs aurait succédé ;
Considérant que, par les dispositions précitées, le législateur a entendu donner compétence aux juridictions de l'ordre administratif pour connaître non seulement des recours dirigés contre les décisions prises par le Conseil des bourses de valeurs dans l'exercice de ses attributions en matière réglementaire et disciplinaire mais également des actions en réparation des dommages causés par les fautes commises par le Conseil des bourses de valeurs dans l'exercice de ces attributions et donner compétence aux tribunaux judiciaires pour se prononcer sur les autres actes de ce Conseil et statuer sur les actions en réparation de leurs conséquences dommageables ;
Considérant que la question renvoyée au Tribunal des conflits par la cour administrative d'appel de Paris porte sur la détermination de la juridiction compétente pour connaître d'une action en indemnité dirigée contre le Conseil des bourses de valeurs et mettant en cause la responsabilité que cet organisme aurait encourue du fait de la divulgation par un communiqué de presse du 14 mars 1988 de la compagnie nationale des agents de change d'informations sur le retrait de la carte de remisier de M. X... et des conditions dans lesquelles cette même compagnie aurait incité, en janvier 1988, la société d'agent de change Baudouin, à liquider les 20 et 21 janvier 1988 la position de la société Institut privé de gestion financière dont M. X... est le gérant, dans la société Baudouin ;
Considérant que les agissements ainsi incriminés n'étaient pas des éléments d'une procédure devant aboutir au prononcé d'une sanction disciplinaire mais étaient destinés à assurer la protection du marché des bourses de valeurs ; que si ces agissements ne sont pas sans rapport avec la procédure disciplinaire engagée contre M. X..., ils n'ont pas été commis dans l'exercice des attributions conférées en la matière à la compagnie nationale des agents de change à laquelle le Conseil des bourses de valeurs a été substitué ; qu'il suit de là que l'action en réparation des conséquences dommageables de ces actes relève de la compétence des tribunaux judiciaires ;
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant I'Institut privé de gestion financière et M. X... au Conseil des bourses de valeurs.
Article 2 : Le jugement du Tribunal de commerce de Paris, du 14 novembre 1988 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce Tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.