Vu, enregistrée à son secrétariat le 9 septembre 1993, l'expédition du jugement du 6 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, saisi de demandes de M. X... tendant à la désignation d'un expert en vue de déterminer les conséquences dommageables de son arrestation, le 28 février 1989, par des fonctionnaires de police et à ce que l'Etat soit déclaré responsable desdites conséquences, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié le soin de décider sur la compétence ;
Vu l'arrêt du 8 novembre 1990 par lequel la cour d'appel de Grenoble, saisie d'une demande de M. X... tendant à la condamnation des fonctionnaires de police au paiement de dommages-intérêts en réparation des mêmes dommages s'est déclarée incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu, enregistré le 22 décembre 1993, le mémoire présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, tendant à ce que le Tribunal déclare la juridiction judiciaire compétente pour connaître de l'action en réparation de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Saintoyant, membre du tribunal,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 28 février 1989, vers 3 heures 40, à Valence, l'intervention de la police a été demandée au motif que deux individus faisaient du tapage nocturne en frappant à la porte d'un foyer de jeunes filles ; que le brigadier de police Marracini et le policier auxiliaire Rosa se sont rendus sur les lieux et ont interpellé M. X... ; que pour l'emmener au commissariat, ils l'ont projeté dans la voiture de service, le blessant ainsi à un genou ; qu'ils l'ont ensuite frappé au cours du trajet et à l'arrivée ;
Considérant que la cour d'appel de Grenoble, qui a déclaré les fonctionnaires de police coupables du délit de coups et blessures volontaires sur la personne de M. X..., ayant entraîné une incapacité de travail personnel supérieure à huit jours avec cette circonstance que les faits ont été commis, sans motif légitime, dans l'exercice de leurs fonctions, a, statuant sur les conclusions de M. X... dirigées contre eux, dit que les fautes reprochées aux prévenus ne sont pas détachables du service et a renvoyé les parties devant la juridiction administrative compétente ; que saisi par M. X... de requêtes tendant à la désignation d'un expert en vue de déterminer les conséquences dommageables de son arrestation et à la condamnation de l'Etat au paiement de dommages-intérêts, le tribunal administratif de Grenoble a, au motif que les fonctionnaires de police ayant agi dans le cadre d'une opération de police judiciaire, estimé que ces conclusions ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, sursis à statuer et renvoyé au Tribunal le soin de statuer sur la question de compétence ; que ces demandes ayant le même objet et le même fondement, il y a identité de litige au sens des articles 17 et 34 du décret du 26 octobre 1849 ;
Sur la compétence :
Considérant que les fonctionnaires de police ont agi en vue de constater l'infraction qui leur avait été signalée et ont appréhendé M. X... qu'ils suspectaient de l'avoir commise ; qu'ils doivent, en conséquence, être regardés comme ayant participé à une opération de police judiciaire lorsqu'ils se sont livrés à des sévices sur sa personne ; qu'il s'ensuit que l'action en responsabilité dirigée par M. X... contre l'Etat relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ;
Article 1er : la juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. X... à l'Etat.
Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 8 novembre 1990 est déclaré nul et non avenu en tant qu'elle a statué sur l'action civile. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour d'appel.
Article 3 : la procédure suivie devant le tribunal administratif de Grenoble est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 6 mai 1992.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.