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07/03/1994 | FRANCE | N°02878

France | France, Tribunal des conflits, 07 mars 1994, 02878


Vu, enregistrée à son secrétariat le 30 avril 1993, la lettre par laquelle le ministre d'Etat, Garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant les consorts X... et autres à la Compagnie d'aménagement des Côteaux de Gascogne ;
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 14 octobre 1991, lequel a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Compagnie, et fait droit à la demande formée contre elle ;
Vu le déclinatoire présenté le 17 mars 1992 par le préfet des Hautes-Pyrénées, tendant à l'incompét

ence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Vu l'arrêt du 11 février 1...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 30 avril 1993, la lettre par laquelle le ministre d'Etat, Garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant les consorts X... et autres à la Compagnie d'aménagement des Côteaux de Gascogne ;
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 14 octobre 1991, lequel a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Compagnie, et fait droit à la demande formée contre elle ;
Vu le déclinatoire présenté le 17 mars 1992 par le préfet des Hautes-Pyrénées, tendant à l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Vu l'arrêt du 11 février 1993 par lequel la cour d'appel de Pau a confirmé le jugement ;
Vu l'arrêt du 8 mars 1993 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a élevé le conflit ;
Vu l'arrêt du 2 avril 1993 par lequel la cour d'appel de Pau a ordonné qu'il soit sursis à toute procédure judiciaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Chartier, membre du tribunal,
- les observations de la SCP Rouvière-Boutet, avocat des consorts X... et autres et de Me Guinald, avocat de la Compagnie d'aménagement les Coteaux de Gascogne,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour permettre la mise en place de structures d'irrigation, l'association syndicale autorisée d'irrigation du Lauragais tarnais, dont certains membres étaient des rapatriés, a contracté des emprunts importants auprès de la Caisse régionale de crédit agricole du Tarn ; que l'association ayant rencontré de graves difficultés financières, il a été décidé en 1989 de faire reprendre l'exploitation des réseaux par un concessionnaire ; que la candidature de la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne a été retenue par l'autorité de tutelle ; qu'à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire de l'association présidée le 16 mai 1989 par le préfet du Tarn, le projet de concession proposé par la Compagnie a été adopté ; qu'aux termes du protocole financier annexé au cahier des charges de la concession et accepté lors de cette assemblée générale, la compagnie a accepté de prendre à sa charge la créance du Crédit agricole s'élevant à une certaine somme de laquelle se trouvaient notamment déduites les remises consenties par l'article 44 de la loi de finances du 30 décembre 1986 au profit des français rapatriés ; que la compagnie obtenait en contrepartie l'autorisation de facturer aux adhérents une redevance individuelle de consommation suivant un contrat d'adhésion-type dont un modèle était annexé au cahier des charges ; que vingt-et-un adhérents rapatriés refusèrent de signer les contrats qui leur furent soumis par la compagnie, au motif qu'en appliquant un tarif unique aux adhérents rapatriés et aux adhérents non rapatriés, la compagnie concessionnaire privilégiait illégalement ces derniers qui se trouvaient ainsi bénéficier des remises de dettes consenties au seul avantage des rapatriés par la loi ; que la compagnie n'a pas admis les réclamations des rapatriés, et a interrompu la distribution d'eau nécessaire à l'irrigation des exploitations ; que ceux-ci ont alors assigné la compagnie devant le tribunal de grande instance de Tarbes aux fins de constater qu'ayant tous la qualité de rapatriés, leur dette à l'égard du Crédit agricole se trouve éteinte par application des dispositions de la loi du 30 décembre 1986, et de dire en conséquence qu'ils ne peuvent être tenus dans le cadre de la remise en fonctionnement du réseau d'irrigation de la Z.A. du Tarn et Lauragais de verser une quote-part quelconque correspondant au remboursement du prêt du Crédit agricole ; qu'ils ont, en outre, demandé à être rétablis dans leurs droits au bénéfice de la distribution d'eau, et le paiement de dommages-intérêts ;

Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant que l'inobservation du délai prévu à l'article 7 de l'ordonnance du 1er juin 1828 pour l'envoi par le procureur de la République de ses conclusions et réquisitions et du jugement rendu sur la compétence est sans conséquence juridique ; que, l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 11 février 1993 ayant été envoyé au préfet le 23 février 1993, le délai pour l'élévation du conflit n'était pas expiré le 9 mars 1993 ;
Considérant que le conflit ayant été porté devant la cour d'appel de Pau, le préfet des Hautes-Pyrénées était compétent pour l'élever ;
Considérant que la procédure de conflit n'est pas entachée de nullité, et l'arrêté de conflit est recevable ;
Sur la compétence :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 que la juridiction qui rejette le déclinatoire de compétence, doit surseoir à statuer pendant le délai laissé au préfet pour, s'il l'estime opportun, élever le conflit ; qu'il s'ensuit que l'arrêt de la cour d'appel qui statue au fond par la même décision que celle qui écarte le déclinatoire de compétence, doit être déclaré nul et non avenu ;
Considérant, en second lieu, que les contrats individuels d'adhésion conclus entre la compagnie concessionnaire de la fourniture d'eau d'irrigation et les usagers se trouvant, de par leur nature même, soumis au régime du droit privé, le litige qui tend à obtenir que la compagnie pratique des tarifs différents selon que les membres de l'association sont ou non des rapatriés et à en tirer les conséquences, relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 8 mars 1993 par le préfet des Hautes-Pyrénées est annulé.
Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Pau du 11 février 1993 est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02878
Date de la décision : 07/03/1994
Sens de l'arrêt : Annulation arrêté de conflit
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Conflit positif

Analyses

ASSOCIATIONS SYNDICALES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - Compétence - Compétence judiciaire - Ouvrages concédés par une association syndicale - Litiges opposant le concessionnaire et les usagers titulaires de contrats individuels.

11-03, 17-03-02-03-01-01, 39-08-005-01, 46-07-04 Les contrats individuels d'adhésion conclus entre une compagnie à laquelle une association syndicale autorisée d'irrigation a concédé l'exploitation de ses réseaux et les usagers se trouvent, de par leur nature même, soumis au régime du droit privé. Le litige engagé par certains usagers contre la compagnie et tendant à obtenir des tarifs préférentiels, au motif que des remises de dettes qu'ils avaient obtenues en tant que rapatriés avaient bénéficié au concessionnaire, relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS DE DROIT PRIVE - CONTRATS CONCLUS ENTRE PERSONNES PRIVEES - Autres contrats ne pouvant être regardés comme conclus pour le compte d'une personne publique par un organisme privé chargé d'un service public - Contrats ayant un autre objet - Contrats conclus entre le concessionnaire d'un service public et les usagers du service.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - COMPETENCE - COMPETENCE DU JUGE JUDICIAIRE - Contrats conclus entre le concessionnaire d'un service public et les usagers du service.

OUTRE-MER - AIDES AUX RAPATRIES D'OUTRE-MER - AUTRES FORMES D'AIDE - Remise de sommes restant dues (art - 44-I de la loi n° 86-1318 du du 30 décembre 1986) - Litige opposant les rapatriés au concessionnaire d'un réseau d'irrigation au sujet de la prise en compte des remises de dette - Compétence juridictionnelle - Compétence judiciaire.


Références :

Arrêté préfectoral du 08 mars 1993 Hautes-Pyrénées arrêté de conflit annulation
Loi 86-1317 du 30 décembre 1986 art. 44 Finances pour 1987
Ordonnance du 01 juin 1828 art. 7, art. 8


Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey
Rapporteur ?: M. Chartier
Rapporteur public ?: M. Abraham
Avocat(s) : SCP Rouvière-Boutet, Me Guinard, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1994:02878
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