La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/1993 | FRANCE | N°09-32870

France | France, Tribunal des conflits, 11 octobre 1993, 09-32870


Vu la lettre par laquelle le ministre d'Etat, Garde des Sceaux, ministre de la Justice a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant la société Centrale sidérurgique de Richemont et la société Gerling Konzern à l'agent judiciaire du Trésor devant le tribunal de grande instance de Thionville ;

Vu le déclinatoire présenté le 22 mars 1989 par le préfet de la Moselle tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que les travaux réalisés en 1953 et 1962 par la société Centrale sidérurgique de Richemont sous la maîtr

ise d'oeuvre du service de la navigation et le contrat liant les deux part...

Vu la lettre par laquelle le ministre d'Etat, Garde des Sceaux, ministre de la Justice a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant la société Centrale sidérurgique de Richemont et la société Gerling Konzern à l'agent judiciaire du Trésor devant le tribunal de grande instance de Thionville ;

Vu le déclinatoire présenté le 22 mars 1989 par le préfet de la Moselle tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que les travaux réalisés en 1953 et 1962 par la société Centrale sidérurgique de Richemont sous la maîtrise d'oeuvre du service de la navigation et le contrat liant les deux parties étaient soumis à des clauses exorbitantes du droit commun tenant au bon fonctionnement du service de la navigation et à la protection du domaine public fluvial et étaient soumis à un régime de droit public ; qu'au surplus il doit être fait application de l'article L. 84 du Code du domaine de l'Etat, s'agissant d'un contrat comportant occupation temporaire du domaine public ;

Vu le jugement du 7 novembre 1990 par lequel le tribunal de grande instance de Thionville a rejeté le déclinatoire de compétence ;

Vu l'arrêté du 19 novembre 1991 par lequel le préfet a élevé le conflit ;

Vu le jugement du 21 octobre 1992 par lequel le Tribunal a sursis à toute procédure ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;

Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Considérant que la société Centrale sidérurgique de Richemont, autorisée, par des arrêtés des 4 août 1953 et 21 décembre 1962 de l'ingénieur en chef des Ponts et chaussées de la Moselle, chargé du service de la navigation, à faire franchir le cours de la Moselle par des conduites aériennes de gaz nécessitant l'édification de piles dans le lit de la rivière, puis le renforcement de cet ouvrage, a confié au service de la navigation de Nancy une mission de maîtrise d'oeuvre comportant la conception de l'ouvrage et la surveillance des travaux ; qu'un convoi naviguant sur la Moselle ayant, dans la nuit du 16 au 17 janvier 1982, provoqué l'effondrement de deux piles et des tuyauteries, la société a été condamnée à réparer les dommages résultant de cet accident ; que la société Centrale sidérurgique de Richemont et son assureur, la société Gerling Konzern ont ensuite exercé une action en garantie contre l'Etat devant le tribunal de grande instance de Thionville ;

Considérant, en premier lieu, que la responsabilité de l'Etat est recherchée sur le fondement de fautes qui auraient été commises par l'un de ses services dans l'exécution de contrats de maîtrise d'oeuvre et non en vertu d'un contrat comportant occupation temporaire du domaine public ; que l'article L. 84 du Code du domaine de l'Etat n'est pas applicable ;

Considérant, en second lieu, que d'une part, la société Centrale sidérurgique de Richemont, personne morale de droit privé, producteur autonome d'électricité, n'agissant pas en qualité de concessionnaire d'un service public, a réalisé les travaux pour son propre compte sans participer à une mission de service public ; que dès lors, les contrats conclus entre elle et le service de la navigation ne concernaient pas la réalisation de travaux ou d'ouvrages publics, bien que les piles de l'ouvrage aient été implantées dans le lit de la rivière et que la création d'une centrale thermique et de ses installations annexes à Richemont ait été déclarée d'utilité publique par un arrêté du 15 septembre 1951 ; que, d'autre part, la renonciation du maître de l'ouvrage à se prévaloir, pour le second contrat, à l'encontre de l'Administration de la responsabilité prévue aux articles 1792 et 2270 du Code civil, tels qu'en vigueur lors de la convention, doit être réputée non écrite et, dès lors, ne peut constituer une clause exorbitante du droit commun ; qu'enfin les obligations résultant des autorisations d'occupation du domaine public quant aux caractéristiques de l'ouvrage et à la surveillance des travaux n'ont pas eu pour effet de soumettre les contrats de maîtrise d'oeuvre à un régime exorbitant ;

Considérant qu'il s'ensuit que ces contrats de louage d'ouvrage passés entre l'Etat et la société demanderesse de concours sont soumis aux règles du droit privé ; que dès lors, le litige, né de leur réalisation, ressortit à la juridiction de l'ordre judiciaire ;

DECIDE :

L'arrêté de conflit pris le 19 novembre 1991 par le préfet de la Moselle est annulé.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 09-32870
Date de la décision : 11/10/1993

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Convention passée entre un particulier et l'Administration - Clause exorbitante du droit commun - Absence - Compétence judiciaire - Contrats de louage d'ouvrage soumis aux règles du droit privé - Action en garantie exercée contre l'Etat .

SEPARATION DES POUVOIRS - Convention passée entre un particulier et l'Administration - Convention n'associant pas le particulier à l'exécution même du service public - Compétence judiciaire

Les contrats conclus entre une centrale sidérurgique, personne morale de droit privé n'agissant pas en qualité de concessionnaire d'un service public, et un service départemental de la navigation, confiant à celui-ci la maîtrise d'oeuvre de travaux consistant à faire franchir une rivière par des conduites aériennes de gaz supportées par des piles édifiées dans le lit de celle-ci, ne concernent pas la réalisation de travaux ou d'ouvrages publics. La renonciation par le maître de l'ouvrage à se prévaloir de la garantie décennale à l'encontre de l'Administration étant réputée non écrite ne peut constituer une clause exorbitante du droit commun, de même que n'est pas soumise à un régime exorbitant l'occupation du domaine public nécessaire aux travaux. Dès lors, les contrats de louage d'ouvrage passés entre l'Etat et la société, producteur autonome d'électricité, sont soumis aux règles du droit privé et l'action en garantie exercée contre l'Etat par cette société et son assureur, condamnés à réparer le dommage résultant de l'effondrement des tuyaux et de leurs supports heurtés par un convoi, ressortit à la juridiction judiciaire.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Thionville, 07 novembre 1990

MEME ESPECE : 09-32.872 Société centrale sidérurgique de Richemont et autre c/ agent judiciaire du Trésor.


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : M. Martin
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Saintoyant.
Avocat(s) : Avocats : M. Odent, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1993:09.32870
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award