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10/05/1993 | FRANCE | N°09-32840

France | France, Tribunal des conflits, 10 mai 1993, 09-32840


Vu l'expédition du jugement du 24 mars 1992 par lequel le tribunal administrtif de Paris, saisi d'une demande de la société Wanner Isofi Isolation tendant à ce qu'il condamne la société Nersa à lui payer en principal la somme de 356 601,72 francs et la contre-valeur de celle de 205 615 DM et d'une requête de la société Nersa tendant à la condamnation de la société Novatome à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle au bénéfice de la société Wanner Isofi Isolation, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octob

re 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

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Vu l'expédition du jugement du 24 mars 1992 par lequel le tribunal administrtif de Paris, saisi d'une demande de la société Wanner Isofi Isolation tendant à ce qu'il condamne la société Nersa à lui payer en principal la somme de 356 601,72 francs et la contre-valeur de celle de 205 615 DM et d'une requête de la société Nersa tendant à la condamnation de la société Novatome à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle au bénéfice de la société Wanner Isofi Isolation, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 mai 1988 confirmant le jugement par lequel le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes en paiement de la somme de 356 601,72 francs formée par la société Wanner Isofi Isolation contre la société Nersa et de la somme de 205 615 DM formée par la société Grunzweig et Hartmann X... contre cette même société ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Considérant que la société Nersa, société centrale nucléaire européenne à neutrons rapides, ayant pour objet principal la construction en France et l'exploitation d'une centrale nucléaire équipée d'un réacteur surgénérateur, a confié à la société Novatome l'étude, la construction et la mise en service de la centrale de Creys-Malville ; que Novatome a passé partie de cette commande à la société Creusot-Loire qui a fait appel à plusieurs sous-traitants, dont les sociétés Wanner Isofi Isolation et Grunzweig Hartmann X... ; qu'à la suite de la liquidation des biens de Creusot-Loire, ces deux sous-traitants ont assigné la société Nersa devant le tribunal de commerce de Paris pour avoir paiement de créances représentant les travaux qu'elles avaient réalisés ; que la société Novatome est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur la régularité de la procédure de conflit :

Considérant que le Tribunal des Conflits n'est valablement saisi que s'il y a identité de questions ou même litige au sens des articles 17 et 34 du décret du 26 octobre 1849 ;

Considérant que la requête présentée par la société Wanner Isofi Isolation au tribunal administratif tendait à la condamnation de la société Nersa au paiement de travaux qu'elle a exécutés en qualité de sous-traitant de la société Creusot-Loire et de travaux qu'elle a réalisés en qualité de sous-traitant de la société Grunzweig Hartmann X..., alors que devant les juridictions de l'ordre judiciaire, la société Grunzweig Hartmann avait agi personnellement en paiement desdits travaux ; qu'en ce qui concerne le second chef de la requête de la société Wanner Isofi Isolation, il n'y a donc pas identité d'objet quant aux demandes dont ont été successivement saisis les deux ordres de juridictions ;

Considérant, ensuite, que, bien que la société Novatome soit volontairement intervenue à l'instance engagée devant les juridictions de l'ordre judiciaire, la société Nersa a formé pour la première fois devant la juridiction administrative sa demande en garantie ; qu'à cet égard, également, il n'existe pas une identité de litige ;

Considérant qu'il en résulte qu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué, les conditions fixées par l'article 34 précité n'étaient pas remplies quant à ces demandes ;

Sur la compétence en ce qui concerne la demande de la société Wanner Isofi Isolation au paiement de la somme de 356 601,72 francs :

Considérant que la constitution de la société Nersa a été autorisée par le décret du 13 mai 1974, en application de la loi n° 72-1152 du 23 décembre 1972 prévoyant la création d'entreprises exerçant sur le sol national une activité d'intérêt européen en matière d'électricité et en conformité avec la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz ; qu'il résulte de l'article 2 de la loi du 23 décembre 1972 que toutes les centrales nucléaires issues des prototypes mentionnés à l'article 1er ne pourront être exploitées que dans les conditions prévues par la loi du 8 avril 1946 ; que le personnel français de la société Nersa est soumis au même statut que celui d'Electricité de France ; que selon les dispositions mêmes de la loi précitée, la moitié au moins du capital des sociétés mentionnées à l'article 1er doit être détenue par Electricité de France et qu'il est constant que cette dernière possède 51 % des actions de la société Nersa ; qu'il ressort de l'ensemble des éléments que le marché passé par cette société a pour objet la construction d'un ouvrage public concourant à la réalisation des mêmes objectifs que ceux d'Electricité de France et que la société Nersa doit être regardée comme agissant pour le compte de cet établissement public ; que, dès lors, le marché litigieux est un marché de travaux publics ;

Considérant qu'il s'ensuit que les juridictions administratives sont compétentes pour connaître d'une demande par laquelle, sur le fondement de la faute de service du maître de l'ouvrage résultant de la méconnaissance des dispositions du titre II de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, un sous-traitant sollicite sa condamnation au paiement de travaux qu'il a exécutés ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 mars 1992 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il renvoie au Tribunal des Conflits le soin de se prononcer sur les questions de compétence posées par la demande de la société Wanner Isofi Isolation tendant à la condamnation de la société Nersa au paiement de la somme de 205 615 DM et par la requête de la société Nersa tendant à ce que la société Novatome la garantisse de toute condamnation ;

Article 2 : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant la société Wanner Isofi Isolation et la société Nersa quant au paiement de la somme de 356 601,72 francs ;

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 mars 1992 est déclaré nul et non avenu en ce qu'il a pour objet ce litige. La cause et les parties sont renvoyées devant ce Tribunal.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 09-32840
Date de la décision : 10/05/1993

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Travaux publics - Définition - Marché ayant pour objet la construction d'un ouvrage public - Marché passé par une société en vue de la construction et de l'exploitation d'une centrale nucléaire - Sous-traitant de l'entrepreneur - Litige avec le maître de l'ouvrage - Compétence administrative .

Il résulte de l'article 2 de la loi du 23 décembre 1972 que toutes les centrales nucléaires issues de prototypes mentionnés à l'article 1er ne pourront être exploitées que dans les conditions prévues par la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. Le marché passé par une société, dont la constitution a été autorisée par décret du 13 mai 1974 en application de la loi du 23 décembre 1972, société dont le personnel est soumis au même statut que celui d'EDF et dont celle-ci possède plus de la moitié du capital social, en vue de la construction en France et l'exploitation d'une centrale nucléaire, a pour objet la construction d'un ouvrage public concourant à la réalisation des mêmes objectifs que ceux d'EDF. Dès lors, les juridictions de l'ordre administratif sont compétentes pour connaître de la demande par laquelle le sous-traitant de l'entrepreneur, a qui l'exécution d'une partie du marché a été confiée, sollicite, sur le fondement de la faute de ladite société, maître de l'ouvrage, résultant de la méconnaissance des dispositions du titre II de la loi du 31 décembre 1975, la condamnation de celle-ci au paiement des travaux qu'il a effectués.


Références :

Décret 16 Fructidor AN III
Décret du 26 octobre 1849 art. 34
Loi du 16 août 1790, 1790-08-24
Loi du 24 mai 1872
Loi du 08 avril 1946
Loi 72-1152 du 23 décembre 1972 art. 2
Loi 75-1334 du 31 décembre 1975 titre II

Décision attaquée : Tribunal administratif de Paris, 24 mars 1992


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : M. Martin
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Saintoyant.
Avocat(s) : Avocats : M. Choucroy, la SCP Coutard et Mayer.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1993:09.32840
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