Vu, enregistré à son secrétariat le 7 décembre 1992, la lettre par laquelle le Garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant l'Association "Vivre la rue" et sa présidente, Mme X..., à M. Y..., maire-adjoint de Brest, devant le tribunal d'instance de Brest ;
Vu le déclinatoire présenté le 14 mai 1992 par le PREFET DU FINISTERE, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ;
Vu le jugement du 3 septembre 1992, par lequel le tribunal d'instance de Brest a rejeté le déclinatoire de compétence et a sursis à statuer au fond ;
Vu l'arrêté du 18 septembre 1992, par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu les observations présentées le 29 septembre 1992 pour M. Y... et tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit ;
Vu le mémoire présenté le 8 décembre 1992 par le ministre de l'intérieur concluant à la compétence de la juridiction administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Culié, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en prévision d'une réunion organisée le 11 décembre 1991 par l'Association "Vivre la rue", ayant pour objet la réhabilitation et l'animation du quartier de la rue Saint-Malo à Brest, M. Daniel Y..., maire-adjoint spécialement chargé dudit quartier, a adressé aux personnalités invitées une lettre circulaire à en-tête de la ville de Brest, par laquelle, après avoir rappelé les nuisances constatées pour tapage nocturne et les plaintes de riverains reçues, dans le cadre de ses fonctions, à l'encontre de cette association, il mettait en garde les destinataires contre le manque de sérieux de celle-ci et les "gens peu recommandables" se servant d'elle comme d'une "couverture pour leurs trafics divers et variés" ;
Considérant, d'une part, qu'il est constant que M. Y..., qui occupait le poste d'adjoint spécial chargé d'une fraction de commune et était investi, en outre, pour le quartier Saint-Pierre, de diverses délégations du maire de Brest au sein de conseils d'administration, organismes ou associations oeuvrant dans le domaine de la culture, de l'économie et de l'urbanisme, a agi en l'espèce dans l'exercice de ses fonctions municipales ;
Considérant, d'autre part, que les appréciations critiques formulées sans publicité inutile, par M. Y... à l'égard de l'Association "Vivre la rue" et de sa présidente, Mme X..., ne sauraient, à les supposer fautives, être regardées comme détachables des fonctions ci-dessus définies, dès lors qu'en l'absence d'autres éléments de preuve, ni le fait qu'il habitait lui-même le quartier concerné (comme il en avait l'obligation légale) ni le fait que son épouse se serait constituée partie civile devant le tribunal de police dans des poursuites exercées contre Mme X... pour fermeture tardive d'un débit de boissons, ne suffisent à démontrer que l'attitude de cet élu local procédait d'une intention malveillante ou de la volonté de satisfaire un intérêt personnel étranger au service public ;
Considérant qu'ainsi, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître du litige et que c'est à bon droit que le conflit a été élevé ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 18 septembre 1992 par le PREFET DU FINISTERE est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par l'Association "Vivre la rue" et Mme X... contre M. Y... devant le tribunal d'instance de Brest, et le jugement de cette juridiction en date du 3 septembre 1992.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.