Vu, enregistrée à son secrétariat le 26 mai 1992, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant le syndicat C.G.T. d'électricité de France G.R.P.T. Sud-Est, MM. X..., Y..., A..., Z... et B... à Electricité de France devant le conseil de prud'hommes de Vienne ;
Vu le déclinatoire présenté le 3 février 1992 par le préfet de l'Isère tendant à voir déclarer la juridiction administrative seule compétente pour apprécier la légalité de la décision du 12 décembre 1988 par laquelle le directeur de la production et du transport d'Electricité de France a fixé de nouvelles modalités de retenues sur salaires en cas d'inexécution fautive du travail par les agents de la production thermique ;
Vu le jugement du 9 mars 1992 par lequel le conseil de prud'hommes de Vienne a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer pour question préjudicielle et a condamné Electricité de France à payer diverses sommes aux demandeurs ;
Vu l'arrêté du 27 mars 1992 par lequel le préfet a élevé le conflit par le motif qu'il y a question préjudicielle sur la légalité et l'application en l'espèce de la note du 12 décembre 1988 ;
Vu, enregistré le 24 juillet 1992, le mémoire présenté par le ministre des affaires sociales et de l'intégration concluant à la tardiveté de l'arrêté de conflit ;
Vu, enregistré le 9 août 1992, le mémoire présenté par la SCP Defrénois, Lévis pour Electricité de France et tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 et celle des 12-21 mars 1831, modifiées ;
Vu le décret du 26 octobre 1849, modifié ;
Vu le code du travail ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lemontey, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis de la poste, prévu par l'article 7 de l'ordonnance du 1er juin 1828, s'il porte le cachet postal du 11 mars 1992, ne mentionne pas la date de la réception par le préfet des pièces énumérées par ce texte et qui fait courir le délai de quinzaine dans lequel le conflit peut être élevé ; qu'ainsi, le point de départ du délai de quinzaine étant incertain, l'arrêté de conflit, parvenu par télécopie, le 27 mars 1992, au greffe du conseil de prud'hommes, est recevable ;
Sur la compétence :
Considérant que le syndicat C.G.T., MM. X..., Y..., A..., Z... et B... ont assigné Electricité de France, leur employeur, devant le conseil de prud'hommes de Vienne en paiement d'indemnités et des salaires retenus, pour faits de grève le 19 février 1991, sur l'ensemble de la journée et non sur les seules heures de grève ; que le conseil de prud'hommes, saisi d'un déclinatoire de compétence portant sur la question préjudicielle de la légalité de la décision d'Electricité de France du 12 décembre 1988 ayant fondé la retenue sur salaires, a accueilli ces demandes après avoir estimé que la question préjudicielle ne se posait pas ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article 8 de l'ordonnance précitée de 1828 que la juridiction, qui rejette le déclinatoire de compétence, doit surseoir à statuer pendant le délai laissé au préfet pour, s'il l'estime opportun, élever le conflit ; qu'il s'ensuit que le jugement du conseil de prud'hommes de Vienne, en statuant au fond par la même décision qui écarte implicitement le déclinatoire de compétence doit être déclaré nul et non avenu de ce chef ;
Considérant, d'autre part, que s'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de se prononcer, au fond, sur le litige précité, les juridictions administratives demeurent, en revanche, compétentes pour apprécier, par voie de question préjudicielle, la légalité des décisions d'Electricité de France relatives à l'organisation du service public et au statut du personnel de cet établissement public qui présentent un caractère réglementaire ; qu'a ce caractère la décision du 12 décembre 1988 qui fixe les modalités de retenue sur salaires des agents de conduite des centrales nucléaires et thermiques en cas de grève ;
Considérant que le conseil de prud'hommes a écarté l'application de cette décision en se fondant sur les articles L. 122-35 et L. 122-42 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, il a nécessairement jugé que la décision était entachée d'illégalité ; que c'est, dès lors, à bon droit que le conflit a été élevé ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 27 mars 1992 par le préfet de l'Isère est confirmé.
Article 2 : Est déclaré nul et non avenu le jugement rendu le 9 mars 1992 par le conseil de prud'hommes de Vienne dans le litige opposant le syndicat C.G.T. d'électricité de France G.R.P.T. Sud-Est, MM. X..., Y..., A..., Z... et B... à Electricité de France.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.