Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Tribunal des conflits le 22 août 1989, présentée pour M. et Mme Christian Y..., demeurant "Le Village" ..., ladite requête tendant à ce que le Tribunal de conflits :
1°) constate la contrariété, conduisant à un déni de justice, existant entre la décision du Conseil d'Etat n° 54 635 du 9 juin 1989 et le jugement du 13 juillet 1983 du tribunal de grande instance de Riom,
2°) juge, conformément à ce dernier jugement, que la servitude de passage qui grevait la parcelle Z K 94 de la commune de Sainte-Christine (Puy de-Dôme) leur appartenant, au profit de la parcelle Z K 92 appartenant aux époux X..., est éteinte par suite de la disparition de l'état d'enclave,
3°) annule la décision du Conseil d'Etat du 9 juin 1989, ensemble le jugements du tribunal administratif de Clermont-Ferrand des 1er février 1980 et 12 juillet 1983, ainsi que les décisions de la commission départementale de remembrement rural du Puy-de-Dôme des 19 février et 23 octobre 1981,
4°) ordonne que la suppression de la servitude de passage litigieuse sera inscrite au procès-verbal des opérations de remembrement de la commune de Sainte Christine ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 ;
Vu la loi du 20 avril 1932 ;
Vu le code rural ;
Vu le code civil ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Rougevin-Baville, membre du tribunal,
- les observations de Me Delvolvé, avocat des époux Y... et de Me Henry, avocat de M. et Mme X...,
- les conclusions de M. Jéol, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 que les décisions définitives rendues par les tribunaux administratifs et les tribunaux judiciaires dans les instances introduites devant les deux ordres de juridictions pour des litiges portant sur le même objet ne peuvent être déférées au tribunal des conflits que lorsqu'elles présentent une contrariété conduisant à un déni de justice ;
Considérant qu'aux termes de l'article 32 du code rural : "les servitudes existant au profit ou à l'encontre des fonds compris dans le remembrement et qui ne sont pas éteintes par l'application de l'article 703 du code civil subsistent sans modification" ; qu'en se fondant sur ce texte, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, par un jugement devenu définitif en date du 1er février 1980, une décision de la commission départementale de remembrement rural du Puy-de-Dôme en tant qu'elle supprimait la servitude de passage établie au profit de la parcelle Z K 92 appartenant à M. et Mme X... et qui grevait la parcelle Z K 94 appartenant aux époux Y... ; qu'en conséquence, la commission départementale a "rétabli" cette servitude par décisions des 19 février et 23 octobre 1981 ; que la seconde de ces décisions a été déférée par les époux Y... au tribunal administratif, qui a rejeté leur demande en se fondant sur l'autorité de chose jugée attachée à son jugement précité ; que, pour le même motif, le Conseil d'Etat statuant au Contentieux a rejeté, par décision du 9 juin 1989, le recours dirigé par les intéressés contre ce second jugement du 12 juillet 1983 ; que toutefois, les époux Y... avaient auparavant saisi le tribunal de grande instance de Riom, lequel, par un jugement, lui aussi devenu définitif, en date du 13 juillet 1983, a "constaté" que la servitude litigieuse n'était qu'une servitude légale résultant de l'état d'enclave du fonds de Mme X..., a déclaré que l'acte notarié invoqué en sens contraire n'avait qu'un caractère récognitif de cette servitude légale, et a jugé que celle-ci était éteinte du fait de la disparition, consécutive au remembrement, de l'état d'enclave du fonds concerné ;
Considérant que M. et Mme Y... soutiennent qu'il y a entre ce dernier jugement et les décisions du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et du Conseil d'Etat une contrariété conduisant à un déni de justice ;
Mais considérant que si le jugement susmentionné du tribunal administratif du 1er février 1980 relevait dans ses motifs que la servitude litigieuse avait été "créée" par un acte notarié du 20 décembre 1909, cette mention n'était pas le support nécessaire de son dispositif, fondé sur ce que la commission de remembrement n'avait pas compétence pour supprimer une servitude ; que lesdits motifs mentionnaient expressément la possibilité, pour les propriétaires du fonds servant, d'invoquer devant le juge civil l'extinction de la servitude sur le fondement des articles 685-1 et 703 du code civil ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les époux Y... ont usé de cette possibilité et obtenu gain de cause en vertu d'un jugement du tribunal de grande instance devenu définitif ; que ce jugement a nécessairement rendu caduque la décision de la commission départementale de remembrement en tant qu'elle "rétablissait" la servitude litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'existe entre cette décision judiciaire et les décisions du tribunal administratif et du Conseil d'Etat, quelles que soient les appréciations formulées par les juridictions concernée sur la portée de l'acte notarié invoqué, aucune contrariété conduisant à un déni de justice au sens des dispositions de la loi du 20 avril 1932 ; qu'il suit de là que le conclusions dont les époux Y... ont saisi le Tribunal des conflits ne sont pas recevables ;
Article 1er : La demande de M. et Mme Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.